Philo Sophia : les raisons d’un succès - Octobre  2007 - Daniel Mercier

 

CAFE PHILO SOPHIA : LES RAISONS D’UN SUCCES

 

Le Café Philo « Sophia » accueilli dans les locaux de la Maison du Malpas (centre culturel et touristique de la communauté de Communes La Domitienne), a repris depuis le 8 septembre ses activités de discussion à visée philosophique, et va fêter cette année son dixième anniversaire. Né en mars 1998, à l’initiative d’une « bande de copains », dans une petite salle de la mairie de Maureilhan, les séances animées par Daniel Mercier et Marie Pantalacci vont progressivement réunir des participants de plus en plus nombreux ; la salle n’est alors plus assez grande ; le café philo va accepter la proposition de la Maison du Malpas et « déménager » du côté de Colombiers. Il a maintenant atteint sa vitesse de croisière : le deuxième samedi de chaque mois, une soixantaine de personnes se retrouvent pour réfléchir ensemble sur un question philosophique connue et choisie par eux., sans oublier le temps de pause tant apprécié pour l’apéritif et les rencontres plus informelles. Pour cette dixième année, l’association Philo Sophia prépare un « week-end  philosophique » bien rempli : conférence débat avec un grand nom de la philosophie, atelier d’écriture philosophique, café philo, buffet …etc), et publiera les compte-rendus de deux ans de discussions, en collaboration avec le café philo de Narbonne.

 

 Nous avons demandé aux animateurs ce qui, selon eux, pouvait expliquer ce succès…

 

-          C’est d’abord un temps de rencontre très apprécié. Dans un monde où  prolifèrent les biens matériels de toute sorte, qui souvent ne comblent qu’illusoirement nos désirs les plus profonds, le développement de tels « biens relationnels » (c’est ainsi que les nomme quelqu'un comme J. Attali), de tels réseaux coopératifs et non marchands, correspond à une réelle attente. Nous assistons peut-être aujourd’hui à une nouvelle période marquée par la « saturation » d’une certaine forme d’individualisme, où chacun chercherait à reconstruire avec les autres de nouvelles appartenances (choisies, à la différence des anciennes appartenances communautaires).

 

-          Dans un monde désormais incertain, où les anciennes certitudes et formes traditionnelles d’autorité sont en net déclin, l’individu doit seul « tracer son chemin », faire des choix existentiels déterminants pour lui, et le poids de cette responsabilité est bien lourd… Comme le dit le sociologue Ehrenberg, « il est fatigant d’être soi » ( !), et la discussion avec d’autres, le partage ou la mise en commun de quelques repères, l’étayage de sa propre pensée par la confrontation non seulement avec ses congénères mais aussi avec la pensée des philosophes, peut être un soutien appréciable. Le « c’est mon choix » ne peut plus suffire : tout n’est pas qu’une question  « de goût et de couleur » ; tout ne se « vaut » pas, ce qui équivaudrait à dire finalement que « rien ne vaut », rejoignant ainsi une certaine forme de nihilisme.

 

-          Sans doute qu’une des grandes faiblesses de nos démocraties réside dans le déficit de véritables pratiques démocratiques sur le terrain du quotidien, c’est à dire sur le lieu de travail, à l’école, dans la famille, ou encore dans les différentes instances représentatives. Malgré nos déclarations de principe enflammées en faveur de la démocratie, nous sommes souvent, il faut bien le reconnaître, des « handicapés » de la discussion (et n’est-ce pas, depuis l’avènement de la démocratie à Athènes, le cœur de cette dernière ?), peu capables de faire vivre une véritable « éthique communicationnelle ». L’image du débat que nous donne par exemple la télévision, à quelques exceptions près, est en ce sens révélateur : peu d’écoute et de respect des points de vue, pensée souvent « prêt-à-porter », se limitant souvent à la tyrannie des opinions, sans qu’à aucun moment les protagonistes cherchent à construire – y compris au travers d’honnêtes confrontations – une réflexion commune qui nous permettrait d’alimenter notre propre pensée. Ce sont cette « éthique de la discussion », ces règles précises de fonctionnement qui la règle, le climat de respect et de confiance qui l’entoure, qui sont recherchées par les participants au café philo de la Maison du Malpas.

 

-          Enfin, le café philo c’est la possibilité d’exercer sa propre pensée, de la mettre à l’épreuve, et de se faire entendre et reconnaître à travers elle (les lieux où cela est possible ne sont pas si nombreux…). Prendre conscience que je suis « un sujet pensant » et être reconnu comme tel par les autres et finalement assez jubilatoire ! Nous savons cependant aussi que nous avons besoin des philosophes pour nous aider dans cette aventure, et qu’il n’y a pas de véritable « penser par soi-même » qui ne s’alimente de l’héritage du passé. De ce point de vue, Daniel Mercier  ajoute une importance particulière à l’introduction qui balise philosophiquement le sujet, et  au type d’animation développé pendant la discussion. C’est aussi sans doute cet « accompagnement » que viennent retrouver les participants…

 

Le 05/10/07

Daniel Mercier, animateur du café philo et président de l’association Philo Sophia