A-t-on raison d’avoir honte - Mai 2010

La présentation du sujet

« A-t-on raison d’avoir honte ? »

 

La question surprend : la honte est un affect qui, entant que tel, ne se discute pas. Elle est, voilà tout ! Mais comment expliquer la honte ? D’où vient-elle ? Doit-on la distinguer du sentiment de culpabilité, d’ humiliation, de  pudeur, de déshonneur ? Quelle est la place du regard d’autrui dans l’éclosion de la honte ? Et n’y a-t-il pas une dimension proprement sociale de la honte, particulièrement visible dans un certain type de société que l’on a appelé les « sociétés à honneur » ? C’est après l’exploration de quelques uns de ces chemins tortueux et « souffrants » de la honte que nous pourrons alors nous reposer la question de son sens moral et de son utilité sur le plan individuel et collectif… Venez nombreux discuter de ce sentiment que nous connaissons sans doute tous, mais qui est si souvent caché, entouré de secret, enfoui parfois dans notre inconscient…

L'écrit philosophique

« A-t-on raison d’avoir honte ? »

 

 

La question surprend : il paraît difficile d’argumenter qu’un monde sans honte ne serait pas meilleur…(Mais le « monde des bisousnours » n’est pas mal non plus !) Au de là de cette plaisanterie qui trahit mon embarras devant cette question, comment comprendre cette formule « avoir raison » ici ? Il peut s’agir d’une « raison » apparentée à un « tu dois » qui aborde le sentiment de honte d’un point de vue moral : la honte est-elle moralement « bonne » ou non ? Il peut s’agir aussi d’un point de vue plus pragmatique qui se propose de calculer les bénéfices ou les gains qu’on peut attendre d’un comportement de honte, comparés à ses aspects négatifs, pour se demander de quel côté penche la balance et si nous pouvons en attendre quelque chose de globalement utile. Mais peut-être aussi de savoir si nous avons de « bonnes raisons » qui justifient le fait d’avoir honte. Ou tout simplement des « raisons » qui ne « justifient » peut-être pas la honte (avec la connotation morale attachée à ce verbe), mais qui l’expliquent ? Autrement dit, avant de s’interroger sur son « devoir-être », il est en effet plus judicieux de s’intéresser à ses mécanismes réels, c’est à dire à ses causes, à « ce qu ‘elle est » vraiment ! C’est seulement après cette analyse qu’un retour sur cette question pourra se faire…

 

Il est difficile d’aborder cette question pour deux raisons :

Premièrement, le sentiment de honte concerne à la fois des formes mineures et des formes majeures : de la honte ressentie lorsqu’un geste quotidien (je me gratte le nez) tombe sous le regard d’autrui, jusqu’à la honte d’exister qui atteint au plus profond mon identité (causée ou non par un événement traumatique), en passant par la honte de celui qui est surpris par autrui entrain de regarder à travers la serrure une scène quelconque  (exemple pris par Sartre dans l’Etre et le Néant), ou encore la honte du jeune ado lorsque ses parents l’accompagnent au collège, le continuum des expériences de honte est très étendu (de la « honte-crise » au sentiment banal de honte) et se prête difficilement à une approche unique. C’est donc la honte dans sa spécificité, par delà ces différentes manifestations qui doit nous intéresser. Elle fait naturellement preuve « d’ubiquité », si bien que certains pensent que cette ubiquité est dans la nature même de son concept…elle est en effet intimement associée à de nombreuses autres notions avec lesquelles elle entretient des rapports de proximité très puissants : humiliation, culpabilité, déshonneur, opprobe, pudeur, timidité, mépris.. etc. Cette ubiquité doit pourtant être dissipée sous peine d’une confusion qui nous empêche de mieux cerner les mécanismes en question. Il faut discriminer toute une série de termes qui menacent la théorie de la honte de ne capter que de nombreux affects confusément entremêlés. Un comportement de honte peut se confondre facilement avec un comportement d'auto-accusation (de self-blame), de culpabilité, mais aussi d'indignité, d'humiliation, de timidité, ou d'embarras

Deuxièmement, sur un plan psychopathologique (cf « La honte » de Serge Tisseron), la honte, souvent reliée à un acte traumatique et objet d’un refoulement, est associée au silence et au secret, et donc peine à se dire (d’où la difficulté d’en parler en s’appuyant sur des témoignages personnels qui sont nécessairement l’objet de non-dit et de secret). La honte entretient un lien avec le secret d’un double point de vue : d’une part  en tant qu’elle née d’une mise en lumière soudaine d’un comportement ou d’une trait (physique ou non) caché en présence d’autrui, et d’autre part en tant qu’elle devient ensuite l’objet même du secret et du « difficile à parler ».  

 

La honte est un mot d’origine germanique se rattachant à deux chaînes sémantiques : d’un côté, mépris, raillerie, et aussi honnir, voué à la détestation ; de l’autre côté, déshonneur, opprobe, et des significations apparentées comme timide, peureux, pudeur, humiliation (cf. Article Sigalia : « la honte et l’honneur dans les langues d’Europe occidentale ». Charles Baladier). La honte peut se définir de deux points de vue ; le point de vue de l’émotion ou du sentiment de celui qui en est victime : sentiment de pénible humiliation  que l’on éprouve en prenant conscience de son infériorité et/ou de son imperfection, vis-à-vis de quelqu'un ou de quelque chose. Mais aussi un point de vue plus impersonnel : « c’est une honte » : formule qui exprime un effet d’opprobe entraîné par un fait, une action transgressant une norme éthique ou une convenance (d’un groupe social, d’une société) ou par une action jugée avilissante par rapport à une norme sociale). Le sens est ici proche de celui de blâme. En réalité, les deux sens s’impliquent : la spécificité du blâme « c’est une honte » ne peut se définir qu’en référence à la qualité de l’éprouvé de honte que la personne blâmée devrait ressentir. Il est difficile, et même sans doute impossible de sortir de cette circularité en ce qui concerne la honte : la honte est l’émotion que l’on éprouve en commettant une action honteuse ; une action honteuse est une action qui doit provoquer la honte… Enfon, rappelons que l’exact symétrique de la honte est la fierté.

Encore quelques précisions sur les caractéristiques de la honte, telles que l’on peut les repérer à partir de toute la littérature et les témoignages qui existent sur la question. Emotion violente, douloureuse, qui se traduit pas des manifestations physiques (en particulier la rougeur du visage, mais sans doute aussi la pâleur dans certains cas). Elle est envahissante, paralysante, et nous laisse sans défense sous le regard de l’autre. On dit qu’elle nous « tombe dessus », qu’on va « mourir de honte », qu’ « on aurait voulu disparaître »…. La honte peut-être relative à un acte précis, mais peut s’étendre au-delà pour affecter l’être dans son entièreté. Prenons le cas de la honte du mélancolique (en lien avec la dépression) qui est sans doute un cas extrême de ce point de vue : il n’a pas commis quelque chose de si impardonnable ou culpabilisant, et pourtant il est habité par une sorte de « honte d’exister », le désir de s’expulser d’un monde qu’il souille –selon lui- de sa présence. De manière plus fréquente, elle s’accompagne de ce que les psy appellent une rupture dans l’identité, et donc par conséquent affecte les investissements narcissiques (image  de soi très dépréciée), mais aussi retrait et isolement par rapport au monde et aux autres (investissements d’objets), et angoisse fréquente d’abandon (résumé très sommaire des développements de Tisseron sur le sujet in « La honte ».). Bien sûr nous parlons ici de hontes plus ou moins lourdes et non de « petites hontes », mais la différence n’est sans doute que de degré… 

 

Il est temps maintenant de prendre connaissance de deux cas de honte - deux filles et leurs mères - relatés par une psychanalyste (Lya Tourn) : lire Sigalia n° 14 p 57 : « Tierra, trâgame ! » (« Terre, engloutis moi !). La psychanalyste va nous livrer ensuite des éléments de la psychanalyse de ces hontes, mais là n’est pas notre propos. Que pouvons-nous en revanche retenir de ces deux illustrations ?

 

La honte est toujours actuelle, même s’il s’agit de « souvenirs ». En tant qu’émotion, elle ne peut s’éprouver que dans le présent.

Ce ne sont pas les actes qui provoquent la honte. Elle survient quand ils sont « démasqués » (le masque renvoie au visage (« personna »), lieu privilégié de l’identité), d’où la réaction de se cacher le visage, de se dérober au regard d’autrui. La honte implique donc dans ces deux cas la présence de spectateurs qui « regardent ».

Il faut distinguer « avoir honte » (de soi, de ses actes), et « avoir honte de l’autre » (Haydée a honte de sa mère devant ses camarades. Pensons à l’attitude habituelle du jeune ado qui a honte de ses parents quand ils l’accompagnent devant le collège. « L’autre me fait honte ». Mais « faire honte à quelqu'un » est encore autre chose (attitude volontaire visant à générer de la honte chez l’autre, et qui peut s’apparenter à une forme d’humiliation ; mais nous pouvons avoir honte sans que cette action volontaire de la part d’autrui ait lieu…). Enfin, on peut aussi « avoir honte pour l’autre » (ce n’est pas la même chose qu’avoir honte de l’autre) : par exemple on peut faire l’hypothèse que l’un des cousins de Chantal ou l’un des camarades de Haydée peuvent avoir honte pour l’une ou pour l’autre.

A l’origine de la honte, on trouve, comme cela a déjà été dit, la dimension du secret : on a honte de parler de sa honte : ce sont les premières paroles de Chantal à l’analyste

Le point de départ de la marque traumatique, c’est le regard anéantissant de l’autre qui « épingle » le sujet et le paralyse, comme si la victime se découvrait nu devant les autres… venant contredire l’image à laquelle il s’identifie aux yeux des autres. « Ce que la honte découvre, c’est l’être qui se découvre » dit encore Lévinas Ce qui serait commun à ces deux cas, mais qui est une piste souvent mentionnée par les psychanalystes, est la révélation brutale de « l’infatuation narcissique » que le sujet se cache à lui-même, sur le mode du « pour qui tu te prends ? ». Autrement dit, la honte viendrait réduire à néant les constructions imaginaires (en provenance du moi idéal) que nous échafaudons sur nous-mêmes.

 

Nous voyons bien que le sentiment de honte se joue dans mon interaction avec autrui. Abordons donc l’importance du regard à travers la célèbre thèse de Sartre développée longuement dans « l’Etre et le Néant » Lire texte p 259-260, et 309-310.

La situation est la suivante : un homme seul monte l’escalier pour rejoindre son appartement et entend du bruit dans un appartement. Intrigué et curieux, il met l’œil à la serrure pour voir ce qui se passe. C’est alors qu’il va voir une deuxième personne le regarder en train de regarder…

 

Quelques citations sélectionnées sur l’ensemble de l’écrit consacré à la honte (chap « L’existence d’autrui ») :

« La honte dans sa structure première est honte devant quelqu'un. Je viens de faire un geste maladroit et vulgaire : ce geste colle à moi, je ne le juge ni ne le blâme, je le vis simplement, je le réalise sur le mode du « pour-soi ». mais voilà tout à coup que je lève la tête : quelqu'un était là et m’a vu. Je réalise tout à coup la vulgarité de mon geste et j’ai honte. »

 

« (La honte) est honte de soi, elle est reconnaissance de ce que je suis bien cet objet qu’autrui regarde et juge. »…. Il suffit qu’autrui me regarde pour que je sois ce que je suis….. S’il y a un Autre, quel qu’il soit, où qu’il soit, quels que soient ses rapports avec moi, sans même qu’il agisse autrement sur moi que par le pur surgissement de son être, j’ai un dehors, j’ai une nature ; ma chute originelle c’est l’existence de l’autre ; et la honte est – comme la fierté – l’appréhension de moi-même comme nature…. Ainsi, moi qui, en tant que je suis mes possibles, suis ce que je ne suis pas et ne suis pas ce que je suis, voilà que je suis quelqu'un…

« Je suis esclave dans la mesure où je suis dépendant dans mon être d’une liberté (celle d’autrui me regardant) qui n’est pas la mienne et qui est la condition même de mon être. En tant que je suis objet de valeurs qui viennent me qualifier sans que je puisse agir sur cette qualification, ni même la connaître, je suis en esclavage…. Et ce danger n’est pas un accident, mais la structure permanente de mon être-pour-autrui…. Il n’est personne qui n’ait été un jour surpris dans une attitude coupable ou simplement ridicule. La modification brutale que nous éprouvons alors… (est) une solidification et une stratification brusque de moi-même ».

 

En tant qu’être-pour-autrui, je suis ainsi objectivé, épinglé par autrui dans une « nature », un « en-soi » dont je suis prisonnier. Il détient dans son regard « le secret de ce que je suis ». La seule façon de me libérer de cet être-pour-autrui sera d’objectiver autrui à mon tour et de retrouver ainsi la liberté du pour-soi en conférant à autrui la qualité d’un être-pour moi.

L’importance philosophique du regard d’autrui est bien sûr fondamental dans toute perspective morale : la métaphore de l’ « œil qui regardait Caïn » correspond à ce regard « du dedans », celui de la conscience morale, qui serait, dans une perspective psychanalytique, l’expression intériorisée du Surmoi freudien. En ce sens, la honte est proche de la culpabilité : celle-ci n’est-elle pas la conséquence d’une tension entre le Moi et ce Surmoi qui incarne la sévérité de la figure parentale interdictrice et punitive ? Comment distinguer alors honte et culpabilité ? Car après tout la présence physique d’autrui est-elle nécessaire pour provoquer le sentiment de honte ?  Ici, deux thèses s’affrontent. Doit-on penser que le sentiment de culpabilité est un jugement de soi sur soi, qui déclencherait le remords, le regret et la volonté de réparer les tords causés par la faute commise, alors que la honte nécessiterait le regard de l’autre, la présence d’un jugement extérieur qui ne concernerait pas seulement une action particulière mais l’individu tout entier ? Dans cette thèse, la honte ne serait pas seulement de l’ordre du remord de conscience, mais affecterait l’identité du sujet ; elle serait davantage expérience d’effondrement, de paralysie, d’impuissance, tendant à provoquer une réaction de rejet et d’enfouissement, et non l’aveu et la recherche de réparation par rapport à l’acte commis. Il faut aussi ajouter que dans cette perspective, le sentiment de honte ne s’applique pas spécifiquement à une faute commise (en tant que faute identifiée comme « morale ») : le déclenchement de la honte peut se faire pour des raisons très variées (le catalogue serait sans doute infini…), souvent en lien direct avec les histoires et problématiques personnelles de chacun. La honte n’aurait d’ailleurs aucun besoin de raisons particulières pour exister : des individus sont au quotidien honteux de ce qu’ils sont, sans que rien ne semble justifier un tel sentiment.

A l’opposé de cette conception de la honte (d’après laquelle la honte est étrangère à la morale), d’autres (comme par exemple Bernard Williams : « La honte et la nécessité »), très proche de celle des anciens grecs, pensent que la honte participe de « la vie bonne ». Sans nier la place d’autrui dans ce sentiment, il ne faut pas le réduire à la peur d’être exposé à son regard, faisant de celui qui ressent de la honte quelqu'un de trop dépendant de « ce que les autres pensent de lui », soumis à un certain conformisme. Pour B. Williams,  le sujet éthique s’approprie ce regard, l’abstrait de la somme de ses expériences et des réactions passées d’autrui. C’est en quelque sorte « un témoin idéalisé » et imaginaire, somme des attentes que les autres auraient mises sur moi, regard des générations passées, présentes et futures. Il n’est pas un regard hostile comme peut l’être celui de la culpabilité, mais un regard plutôt compréhensif, « qui nous veut du bien », figure morale avec laquelle nous pouvons entré en dialogue constant. Sans pousser trop loin la distinction, la honte n’est pas régie ici par les figures de la réparation, de la dette ou du sacrifice afin de payer nos fautes ou de les faire pardonner, qui caractérise le régime de la culpabilité. A travers cet affect moral qu’est la honte, c’est un « autrui intériorisé » qui incarne une authentique « pesanteur sociale », qui m’aide à distinguer le bien du mal, et qui pallie à l’insuffisance de la raison, même si celle-ci s’appelle « raison pratique » porteuse de la loi morale (Kant).

 

Quelque soit notre prise de position concernant ces deux thèses en présence, la question d’autrui, qu’il s’agisse de la réalité de son regard ou d’une intériorisation de celui-ci, pose à son tour celle de la dimension sociale de la honte : le registre de l’intime nous conduit aussi sur celui de la société. Comme le dit le psychanalyste Jean Paul Ricoeur, « les « gros yeux de maman » s’étendent  en cercles concentriques à l’ensemble des communautés humaines ». Le recours à l’anthropologie peut nous aider à approfondir la signification sociale de la honte et mieux comprendre cette distinction entre honte et culpabilité : nous nous réfèrerons à un article de JP Ricoeur qui s’appuie sur les études de Ruth Bénédict sur la société japonaise, et sur le film de Chris Marker « Level Five », mais aussi sur la lecture du témoignage de Hania Yanat qui parle du statut des femmes dans la société kabile et du rôle de la honte . Les commentaires de Marcel Gauchet sur ces « personnalités–à-honte » et « personnalité-à-culpabilité »seront aussi abordés.

 

Ruth Benedict se voit commander par l’armée américaine (1945) une étude sur les ressorts profonds de la société japonaise. Elle fait face en effet à un ennemi aussi redoutable qu’énigmatique, et elle a besoin de mieux comprendre ce qui se passe… L’anthropologue remet un rapport : « Le chrysanthème et le sabre » qui a un énorme impact, y compris chez les japonais qui considèrent ce livre comme un des grands livres qu’on a écrit sur eux. Que dit-il ? Dans cette société, il y a un prix très fort à payer pour ne pas perdre la face et succomber à la honte, qui peut véritablement être mortelle dans ce cas. Dans cette société « chacun est à sa place », l’ordre et la hiérarchie respectée dans le plus petit détail. Le comportement de chacun est ainsi précisément fixé, et pris dans un réseau de dettes mutuelles dès la naissance. Tout ce qui est accepté de l’autre fait dette. La vertu commence avec le remboursement de la dette que l’on doit à sa famille, à la société et à la nation. Le caractère de ces obligations est absolu et l’individu ne pèse d’aucun poids face à elle. Tout ce qui fait perdre la face ou affecte l’honneur est un affront qui plonge celui qui le subit dans une honte qui exige effacement et réparation afin que la réputation (les anciens grecs diraient la renommée, qui étaient pour eux le sens ultime de la vie) soit gardée sans tâche. Si l’affront n’est pas lavé, ou la dette payée, il n’y aura pas d’autre solution que le suicide. Dans un tel système, la défaillance n’a pas sa place. La compassion n’a pas sa place, ni l’excuse ou le pardon, ni non plus la possibilité de s’en prendre à l’autre, de déplacer sur lui la responsabilité. On ne peut s’en prendre qu’à soi-même. Les japonais n’ont aucun besoin d’impératifs moraux (« ils ne se collettent pas avec le problème du mal… ») ; il s’agit simplement de viser à l’excellence (apporter à sa personne le même soin qu’à son épée) au prix de n’importe quel sacrifice. Cette culture ne fait donc aucune place à ce que la nôtre, judéo-chrétienne, nomme la faute et son corrélat, la culpabilité. Le film de C. Marker permet d’illustrer magnifiquement la réalité de cette « société à honneur » : en 45, les habitants d’Okinawa reçurent l’ordre de ne pas subir la honte d’être pris vivants par les Américains (qui étaient sur le point de débarquer) : 150 000 civils se suicidèrent ou « furent suicidés ». Nous voyons dans le film une bande d’actualité montrant une femmes hésitant à se jeter du haut d’une falaise (en obéissance aux consignes gouvernementales) : voyant soudain qu’elle est filmée, elle saute dans la seconde qui suit… Une autre illustration parmi les plus terribles : un révérend dit comment, supplétif de l’armée japonaise à 16 ans, il tua à coups de bâton –par amour, il insiste fortement – son père, sa mère, ses frères et sœurs pour leur épargner la reddition. Il raconte ensuite comment il s’est converti au christianisme après avoir découvert, dans la Bible, le pardon, idée inconnue au Japon où, dit-il, « la faute reste votre fardeau toute la vie ».

La société kabyle décrite par Hania Yanat rejoint complètement les descriptions précédentes Lire Sigila n° 14 p 122 : « La honte de n’être plus kabyle ».

 

Comment passons-nous donc de la culture de la honte à la culture de la culpabilité dans nos sociétés ? A la suite de Benedict, Dodds reprend cette opposition pour expliquer le passage de l’une à l’autre dans la Grèce antique. Sans revenir sur l’analyse de la Grèce ancienne qui rejoint celle de l’anthropologue, disons simplement que la pression du conformisme social est telle que tout ce qui expose un homme au mépris ou au ridicule de ses semblables tout ce qui fait perdre la face est intolérable. La faute n’est qu’une transgression objective de ce que la collectivité exige. Elle se traduit par l’excommunication. La notion d’individu n’existe pas vraiment. Comment le passage s’opère-t-il ? ll faudra attendre que la démocratie athénienne permette à l’individu de se libérer des liens du clan et de la famille pour qu’apparaisse « une conception véritable de l’individu en tant que personne avec des droits et des responsabilités personnels ». Le sentiment de honte s’efface alors progressivement pour laisser la place au sentiment de culpabilité (d’abord archaïque puisqu’ héréditaire : le pêcheur impuni paiera dans sa descendance). Les commentaires de Marcel Gauchet sur les différents types de personnalité (retraçant en quelque sorte idéalement une évolution sociale) est à ce sujet édifiante :

 

Au départ, il y aurait « la personnalité traditionnelle ». Elle correspondrait aux mondes sociaux d’avant l’individualisme. L’individu se détermine et se structure ici par l’incorporation des normes collectives de sa société d’appartenance, par l’identification ignorée mais agissante à l’ordre symbolique (comme ensemble ordonné de représentations, de règles, d’idéaux, de statuts –d’âge, de sexe, de rang -  et de coutumes) qui structure le collectif. Il y a donc identification de l’acteur individuel au point de vue de l’ensemble. Donc, pas d’écart ni de conflit entre le point de vue de l’individu et celui de l’ensemble. De telles personnalités correspondent précisément aux personnalités « à honte » dont Ruth Benedict, car intimement associées à des sociétés à honneur où la pire des épreuves et de perdre la face. Pas d’inconscient individuel vraiment significatif non plus, puisque la même symbolique régit les processus sociaux et les processus intrapsychiques. L’être individuel est littéralement constitué par la norme collective qu’il porte en lui. Chacun des membres contenant en lui la collectivité, il a une assurance et une solidité qui le rend capable de se déterminer par lui-même à l’intérieur du cadre reçu.

« La personnalité moderne » ou « l’individu bourgeois », qui s’affirme de manière privilégiée entre 1700 et 1900, continue de se référer à un collectif qui le précède, à tout un ensemble de traditions, de normes et d’idéaux dont il n’est pas le créateur. Cependant, il y a reconnaissance de la liberté de choix en droit. Il lui revient de s’approprier personnellement, d’intérioriser (et pas seulement d’incorporer), d’accepter lucidement et de vouloir librement ce qu’il a d’abord reçu. C’est l’âge de la conscience, de la responsabilité, de la culpabilité. Car c’est l’âge du conflit inévitable entre une tradition et une autorité socialement instituées qui continuent de déterminer les vérités les normes et les idéaux auxquels il convient de se référer – et un individu dont la capacité de discernement rationnel et de libre engagement est désormais pleinement reconnue, un individu auquel il revient de reconnaître en conscience et d’affirmer librement la supériorité du point de vue de l’ensemble sur les désirs, les perceptions et les sentiments qui lui sont particuliers. C’est ce compromis que va exprimer la notion de devoir. Le devoir, c’est précisément ce qui s’impose à moi comme à tous, mais qu’il me faut néanmoins vouloir en conscience. L’inconscient devient alors le lieu hautement significatif où se représentent et s’élaborent au sein de la personnalité le conflit entre deux ordres : celui de l’inscription psychique de la règle sociale et ce qui est de l’ordre de l’individualité et de son désir. On aura alors à faire à une personnalité à culpabilité, à « Sur Moi », à « déchirement entre conscience et inconscience ».

En cette fin de XXe siècle, nous assisterions à l’émergence de « la personnalité contemporaine » (« Essai de psychologie contemporaine » 1391). Celle-ci n’est plus structurée par la référence au collectif et à sa précédence, elle n’est plus fondée sur l’appartenance. Bien entendu, l’individu « contemporain » sait qu’il appartient à une société, mais ce n’est plus cette inscription sociale qui le détermine en tant que sujet. Il aurait en propre, comme le dit Gaucher, d’être le premier individu à pouvoir se permettre d’ignorer qu’il vit en société.  L’individu « déconnecté », pour lequel il n’y a plus de sens à se placer du point de vue de l’ensemble, connaît beaucoup moins le sentiment de l’obligation et le sens de la dette, qui ont pourtant étaient très prégnants pendant si longtemps. Il ne s’agit plus que « d’être soi-même », de ne pas être entravé dans l’utilisation des opportunités d’épanouissement qui se présentent, de rester « branché » sur les réseaux susceptibles de favoriser le développement personnel (les techniques contemporaines de communication soutenant ce processus). « Etre soi-même » ne signifie plus la même chose que pour la personnalité moderne : il s’agissait là d’être « au clair avec soi-même », agir avec volonté et liberté intérieure, autant que possible en toute indépendance. L’être soi-même de maintenant est avant tout caractérisé par sa capacité de branchement et de connexion. Il est donc un « être avec les autres », un « être avec le monde avoisinant » (mais qui n’a pas à se préoccuper de ce lien qu’il entretient avec les autres ).

 

Il va de soi, et Gauchet nous le dit explicitement, qu’il ne s’agit pas d’autre chose qu’une modélisation sommaire destinée à repérer quelques traits distinctifs importants. Même si nous admettons la dimension historique et sociale de ces différences, rien ne nous empêche de penser que nous rencontrons, sous une forme bien sûre impure et composée, des types de personnalité dans la vie quotidienne qui, selon les contextes de vie et les circonstances rencontrées, vont laisser apparaître de manière dominante tel ou tel type de comportement. Il serait par exemple très intéressant d’étudier les comportements adolescents en ayant  présent à l’esprit la « personnalité-à-honte » référée au groupe d’appartenance des pairs…

 

Peut-on partir de l’analyse anthropologique de R. Benedict sur les « sociétés à honneur », reprise à sa façon par Marcel Gauchet, qui montre à quel point le processus de honte est inséparable d’une société à caractère holiste faisant subir le poids d’une conformité sociale très coercitive sur les individus (ce qui, soit dit en passant, n’altère nullement leur identité ou leur indépendance) pour revisiter la question sur un plan non plus social mais analytique, de manière à dégager une hypothèse permettant de « signer » en quelque sorte le phénomène de la honte dans le « devenir-sujet » (ce que les psy appellent le procès de subjectivation), et le distinguer en particulier du sentiment de culpabilité ? Nous suivrons ici une nouvelle fois JP Ricoeur.

Reprenons la description que Sartre fait de la honte : « La honte dans sa structure première est honte devant quelqu'un. Je viens de faire un geste maladroit et vulgaire : ce geste colle à moi, je ne le juge ni ne le blâme, je le vis simplement, je le réalise sur le mode du « pour-soi ». mais voilà tout à coup que je lève la tête : quelqu'un était là et m’a vu. Je réalise tout à coup la vulgarité de mon geste et j’ai honte. ». Première objection : la honte peut se manifester sans la présence d’autrui (remémoration ou anticipation de ce regard) ; deuxième objection : le regard de l’autre a aussi tout son poids dans la culpabilité : « l’œil était dans la tombe et regardait Caïn …. » comme métaphore du « regard du dedans » (cf. plus haut). La honte semblerait  davantage reliée au regard de l’Autre de la réalité. Son surgissement semble –cela a été dit à plusieurs reprises- provoquer une néantisation ou un « démasquage » du sujet. Nous savons, depuis que Lacan et d’autres (Henri Wallon par ex) ont étudié « le stade du miroir », que c’est le regard de l’autre (la mère en particulier) qui va donner consistance à mon image dans le miroir. C’est ce regard qui cautionne le fait que cette image que je vois dans le miroir, c’est moi. Au départ en effet, il n’y a pas de dedans, mais une forme extérieure. Celle-ci ne sera reconnue comme sienne qu’ultérieurement. C’est dans cette nécessité où je suis de me confier à cette forme extérieure pour qu’elle me donne consistance, qu’il faut chercher les racines de la honte. Dans ce regard, « je me trouve et je me perds…je suis alternativement fait et défait ». C’est mon existence qui se joue à ce moment de vacillement dans le regard de l’autre. Le regard « du dedans », ultérieur, s’originerait donc dans ce regard de l’Autre JP Ricoeur fait de ce moment le moment inaugural de la honte, car selon lui, la honte porte davantage sur l’existence elle-même, et non sur ce que le candidat à l’existence  est supposé avoir commis (contrairement au sentiment de culpabilité). Suivant la « qualité » de cet accueil (celui de la mère en particulier), la fragilité à laquelle expose ce moment (stade du miroir) sera plus ou moins accentuée et l’enfant plus ou moins exposé à la catastrophe de la honte. Pensons aux personnes (même si nous sommes ici dans la dimension pathologique de la honte) qui disent « ne pas s’aimer », ou encore « ne pas se voir » ( !), ou se voient dans un monde où « il n’y a  pas de places pour eux »… Ce dont il est question, c’est bien du droit à l’existence. Ce regard premier qui m’a porté à l’existence est la matrice de tout regard extérieur néantisant ; celui-ci peut faire vaciller la certitude de mon appartenance à la communauté humaine. Le visage, signe visible le plus patent de cette humanité, est concerné, d’où l’expression « perdre la face ». Je ne suis plus qu’un corps rougissant, et je veux « rentrer sous terre… » ( !). La dépendance  au regard d’autrui se trouve ici dans sa forme la plus archaïque, en l’absence de toute symbolique sociale contraignante (comme dans le cas de la société japonaise ou kabyle). Je dois être conforme pour « être compté avec ». Oser faire « ce qui ne se fait pas » sans en être défait, suppose en effet un long processus de subjectivation. Entre les « gros yeux » qui fusillent du regard en signifiant que « çà ne se fait pas çà », et le « tu ne dois pas », énoncé en toutes lettres, de l’attitude morale, il y a selon JP. Ricoeur, ce procès qui conduit au sujet véritable. Au regard du juge intérieur que chacun porte en nous et qui est celui de la culpabilité, il oppose le regard de l’autre de la réalité, qu’il appelle « les gros yeux de maman ». La honte serait d’autant plus ineffaçable qu’elle est étroitement liée à ses racines dans un temps archaïque préverbal, temps où la symbolisation est problématique.

Après ce grand détour sur les chemins tortueux de la honte, revenons aux questions initiales, et dégageons quelques pistes de réponse :

 

La honte est-elle morale ? Pour juger du caractère moral  ou non de la honte, encore faudrait-il qu’elle soit « discutable » : peut-on discuter d’un affect, d’une émotion ou d’un sentiment (peu importe le terme employé ici) ? Le présupposé d’un acte ou d’un comportement moral, ou d’un jugement moral porté sur cet acte ou ce comportement, c’est qu’il est susceptible d’être la conséquence d’un choix raisonnable et par conséquent libre. Or la honte échappe par définition à une telle maîtrise. Par ailleurs l’expression d’une honte n’implique pas nécessairement le regret ou un reproche fait à soi-même, et encore moins une disposition pour y remédier. Cependant, elle peut le favoriser.                                              

 

Peut-elle avoir un sens par rapport à la recherche de la vie bonne ? Y a-t-il de bonnes hontes ?

Même s’il n’est pas dans la spécificité de la honte d’être « morale », elle peut dans un certain nombre de cas correspondre à un signal utile signifiant « ne pas aller plus loin », et m’aidant ainsi à discerner le bien du mal. Pour les Anciens grecs, la bonne honte était cette crainte qui nous fait fuir le Mal. La honte était une « crainte divine », celle qu’on éprouve à l’idée de faire ce qu’il ne faut pas faire. Quelqu'un comme Bernard Williams (La honte et la nécessité) parlera à ce sujet d’une « éthique de la honte », différente selon lui de l’éthique de la culpabilité, car s’appuyant sur une « sensibilité éthique » où le regard d’autrui joue un rôle déterminant dans mes choix moraux. La responsabilité face à autrui ne passe pas exclusivement par la loi morale, les droits et les devoirs, mais aussi et surtout par des sensations, émotions, sentiments, des mentalités culturelles. Mais nous ne pouvons pas en même temps ne pas souligner les dangers d’une éthique qui prioriserait  l’opinion publique et le « récit » culturel du moment.

 

 

Y a-t-il de bonnes raisons d’avoir honte ?

Comme on peut avoir honte de tout, toutes les raisons sont « bonnes » d’avoir honte ! on peut avoir honte de ses actions, de ses mouvement involontaires, de ses possessions (son nez ou son mobilier…), de ses vives, de ce qu’on fait ou de ce qu’on subit, de nos actes ou de notre caractère, de ce qui dépend de nous comme de ce qui ne dépend pas de nous…Cependant, certaines hontes nous paraissent illégitimes ou inappropriées. Max Scheler nous parle d’une indigène qui a honte de porter le short « ridicule » que le missionnaire lui propose pour cacher « ses parties honteuses », alors que se promenait tranquillement le sexe au soleil n’est pas du tout objet de honte.. De la même manière Stendhal : « Une femme de Madagascar laisse voir sans y songer ce qu’on cache le plus ici, mais mourrait de honte plutôt que de montrer son bras. Il est clair que les trois quarts de la pudeur sont une chose apprise. »

 

La honte peut-elle être utile ?

Nous pouvons ici nous référer à Darwin (« Les émotions chez les hommes et les animaux ») qui s’interroge sur l’avantage qu’il y a à manifester sa gêne par la rougeur. Cette honte qui nous tourmente tant aurait une valeur positive dans la vie relationnelle : elle servirait à apaiser autrui en lui montrant à quel point son regard peut nous affecter, et aussi parce qu’elle fait connaître qu’être humain suppose une différence d’avec soi, une non coïncidence, une vulnérabilité qui nous rapproche en tant que semblable.  B. Cyrulnic nous rappelle à ce sujet (« Autobiographie d’un épouvantail ») qu’une société sans honte serait une société sans regard, et par conséquent sans jugement. « Société narcissique où je me fous de ce que tu penses…Il y a des gens qui n’ont jamais honte, car ils se foutent de l’opinion des autres. ». De ce point de vue, l’existence de la honte est aussi ce qui nous permet de vivre ensemble. Cependant, si nous devons en effet redouter les « sociétés narcissiques », nous devons aussi nous protéger des « sociétés à honneur » et de cette pression sociale de conformité qu’elles exercent sur les individus, rigoureusement incompatibles avec le « règne des autonomies subjectives », selon l’expression utilisée par M. Gauchet pour caractériser nos sociétés démocratiques.

 

En conclusion : si la honte n’est pas discutable, ne peut se discuter, en revanche le risque de silence et d’enfouissement qui entoure la honte peut-être très dommageable. Cyrulnic aborde cette question à propos des rescapés de camps de concentration (honteux de ses bourreaux et du genre humain à travers eux, honteux d’être vivants, honteux de cette expérience indicible…), ou encore de situations de honte associées à la guerre, comme par exemple ces jeunes femmes à qui l’on annonce brutalement « ta mère est une pute qui est partie avec un boche ». Ils ont été souvent « coupés en deux » suite à cette terrible épreuve pendant de nombreuses années, jusqu’à ce qu’ils aient la force de revisiter ce passé et de reconstruire une autre représentation de celui-ci, qui leur permette en quelque sorte de « dissoudre » ou diluer cette honte (disparaît-elle vraiment ?). Mais peut-on dire qu’ils ont eu tord d’essayer de l’oublier, de « ne pas se retourner » (c’est le cas de Cyrulnic qui est lui même un rescapé des camps) ? Cette réaction de défense est souvent inévitable, obligatoire… La survie est à ce prix… mais c’est seulement en reprenant possession de leur histoire qu’ils pourront soigner cette blessure et « se retrouver entier », cesser d’avoir « une partie de personnalité éteinte»… 

 

 

 

                                                                           Daniel Mercier, le 04/05/2010

 

 

 

« Mais l'homme lui-même, pour celui qui accède à la connaissance se nomme : l'animal qui a des joues rouges.
Mais pourquoi a-t-il les joues rouges ? N est-ce pas parce que trop souvent il lui a fallu avoir honte ?
Oh ! mes amis ! Ainsi parle celui qui accède à la connaissance : honte, honte, honte - telle est I'histoire de l'homme !
Et c'est pourquoi l'homme noble s'impose de ne pas faire honte : il s'impose la honte devant tous ceux qui souffrent.
En vérité, je ne les aime pas les compatissants, qui sont bienheureux dans leur pitié : il leur manque par trop la honte. »

                                                            « Ainsi parlait Zarathoustra »

 

 

Quelques lectures ….

 

L’être et le néant ; Chap « l’existence d’autrui », JP Sartre

La honte est-elle immorale ? Ruwen Ogien

Pourquoi tant de honte ? Ruwen Ogien
Les émotions chez les hommes et les animaux Charles Darwin

Ainsi parlait Zarathoustra Nietzsche

Revue Sigila n° 14 : « La honte »

Honte et culbabilité (séminaire Aix-en-Provence, Groupe Régional de Psychanalyse) : JP Ricoeur

Le chrysanthème et le sabre :  Ruth Benedict 

La démocratie contre elle-même (chap Essai de psychologie contemporaine) : Marcel Gauchet

La honte et la nécessité : Bernard Williams

Autobiographie d’un épouvantail  Boris Cyrulnic

« La honte » Serge Tisseron