La fidélité est-elle toujours souhaitable ?

CAFE PHILO SOPHIA

SAMEDI 7 FEVRIER 2015 à 18H

MEDIATHEQUE DE MAUREILHAN

 

La fidélité fait la plupart du temps consensus et figure en bonne place dans les « Traités de Vertus ». Pourtant nous pouvons être légitimement mis en garde par l’utilisation du terme à propos des chiens – la fidélité des chiens vis-à-vis de leurs maîtres est légendaire -, ou encore par la disqualification religieuse « d’infidèles » - rappelons que sur certains territoires l’apostasie est puni de mort -  qui peut nous questionner à contrario sur les bienfaits de la fidélité !  Bref, il s’agirait peut-être dans cette discussion de faire les distinctions nécessaires pour ne pas « jeter le bébé avec l’eau du bain », et peut-être être en capacité d’expliciter en quel sens et à quelles conditions  la fidélité est une vertu... Plutôt que la constance dans ces choix ou ses idées, son caractère vertueux ne réside-t-il pas dans la parole tenue ?

 

Ecrit philo

 

La fidélité est-elle toujours souhaitable ?

 

 

Une vertu qui rend possible les autres vertus ?

 

La fidélité ne semble pas se suffire à elle-même...

 

Jankelevitch : « la fidélité est la vertu du Même »

 

Fidélité de soi à soi ?

 

La fidélité et le passé

 

La fidélité et la pensée

 

La fidélité et l’héritage

 

La fidélité et l’amour

 

La fidélité et la promesse

 

« Nous avons préparé pour les infidèles des chaînes, des carcans et une fournaise ardente. ». Coran, sourate 76, verset 4 [LXXVI,4].

Je n’ai pu résister à citer cette sourate pour que nous n’oublions pas que la fidélité, pourtant considérée habituellement comme une vertu, pouvait aussi recouvrir un aveuglement fanatique... Ainsi prémuni contre tout angélisme, avançons maintenant dans l’exploration. « Le Petit traité des grandes vertus » de André Comte Sponville, comme le grand « Traité des vertus » de Jankélévitch, pourront sans doute nous guider dans celle-ci, mais aussi les réflexions du spécialiste de philosophie morale Ruwen Ogien (« De l’influence des croissants chauds... »), ou surtout de Paul Ricoeur (« Soi-même comme un autre » ou « Parcours de la reconnaissance »). Mais nous aurons à interroger fortement l’affirmation de la fidélité comme vertu, pour essayer de (re)trouver ce qui peut fonder une telle affirmation, au-delà de tous les contre-exemples que l’on peut invoquer.  

Une vertu qui rend possible les autres vertus ?

La fidélité, avec la mémoire qui l’a rend possible, est non seulement une vertu, mais ce qui permet l’existence même des  vertus : que deviennent la justice, la paix, la liberté, la vérité, sans la fidélité des justes, des pacifiques, des hommes libres, de ceux qui défendent la vérité, interroge Comte Sponville ? Nous pourrions être tentés de dire plus globalement qu’elle consiste dans la fidélité aux principes de la morale, des préceptes du devoir par exemple, dans le cas de la morale kantienne. Mais n’y a-t-il pas ici un abus de langage sous-jacent à une telle déclaration : pour dire que nous devons obéir à la loi morale, nul besoin de faire appel à la fidélité ! Le propre du devoir, c’est de s’imposer à nous... Employé ainsi, le terme de « fidélité » devient passe-partout et perd de son intérêt. Si en dépit de ce risque nous continuons d’affirmer que la fidélité est en un certain sens la vertu des vertus car elle est nécessaire à l’exercice de toutes les autres (pour être juste, il faut être fidèle à l’idée de justice), nous devons avoir conscience qu’il s’agit d’une évidence confinant à une généralité un peu creuse, voire à un truisme... Cependant, cette affirmation montre que la fidélité, comme d’ailleurs son contraire l’infidélité, suppose la mémoire : pour être infidèle à quelque chose, encore faut-il se souvenir de ce quelque chose... Fidélité comme infidélité sont les enfants de la mémoire.

 

Mais la fidélité ne semble pas se suffire à elle-même car sa valeur dépend des objets sur lesquels elle porte : être fidèle à Hitler est bien pire que de le renier ! Etre fidèle à ses amis est précieux, être fidèle à telle chemise est amusant mais sans véritable valeur ! Etre fidèle à sa sottise est une sottise de plus, dit Jankélévitch. Il y a des « bonnes » et des « mauvaises » fidélités : être fidèle à son ressentiment ou à sa haine n’est pas une vertu... La fidélité à des petites choses sans importance peut être aussi entêtement inutile, rabâchage... Bref tout dépend à quoi nous sommes fidèles, des valeurs auxquelles est attachée cette fidélité. La fidélité ne semble pas constituer une valeur en elle-même.

 

Jankelevitch : « la fidélité est la vertu du Même ». Elle exige en cela le souvenir et la volonté, au-delà du changement, de maintenir ce qui est considéré comme l’essentiel. Car nul ne se baigne deux fois dans le même fleuve (Héraclite), nul n’aime deux fois la même femme (Sponville). Pascal (Les Pensées) : il n’aime plus cette personne qu’il aimait il y a dix ans ; rien d’étonnant : elle a changé, lui aussi... peut-être l’aimerait-il si elle était restée la même personne ? Etre fidèle à son amour, c’est résister à ce changement, affirmer d’une façon ou d’une autre la permanence du Même à travers ce changement même...

Plus profondément peut-être, le fondement de mon identité personnelle repose ultimement sur ce que Montaigne appelle « la foi en soi-même » qui, malgré le fait qu’il change chaque minute et chaque jour, l’amène à affirmer qu’il s’agit bien toujours de lui et de nul autre, à considérer son passé comme le sien, et surtout, « dans l’avenir, reconnaître mon engagement présent comme toujours le mien ». Cette dernière dimension de l’avenir fait directement référence à la promesse que l’on se doit à soi même de tenir ses engagements

 

Fidélité de soi à soi ?

 Pas de fidélité morale sans fidélité de soi à soi » conclut Sponville. Examinons de près cette fidélité à soi-même à la lumière de l’objection de Ruwen Ogien. Pour lui en effet, le rapport à soi-même, qui renvoie à des conceptions du Bien plurielles (c’est la question classique de savoir ce qu’est pour moi une « vie bonne » ou « une vie réussie »), est moralement indifférent, c’est-à-dire ne relève pas du champ de la morale. Car contrairement à Kant et ce qu’il appelle « les morales maximalistes », il ne pense pas qu’il y ait symétrie entre le rapport à autrui (celui-là m’engage effectivement vis-à-vis d’autrui, est par conséquent proprement moral) et le rapport à soi-même : rien de commun de ce point de vue entre le meurtre et le suicide. La promesse est également ici un exemple frappant : lorsque nous faisons une promesse à autrui, nous devenons son débiteur ou son obligé, et nous sommes moralement liés par cette promesse vis-à-vis de lui, sauf s’il m’en libère. Mais quel est le sens moral d’une promesse faite à soi-même, alors que nous avons à tout moment la capacité de nous en libérer ? Comment pourrais-je être à la fois débiteur et créancier, celui qui oblige et celui qui est obligé ? R. Ogien détecte là une contradiction interne, c’est-à-dire une incohérence logique, entre le créancier qui libère de la promesse, et le débiteur qui serait néanmoins tenu par elle, l’un et l’autre étant la même personne... Le devoir envers soi, pour cette raison, est selon lui conceptuellement confus. Il en va de même pour « se mentir à soi-même » : comment être à la fois celui qui ment et celui à qui l’on ment ? Ogien conclut : la morale n’a rien à dire sur la façon dont j’organise ma vie, sur les orientations que je choisis (sous réserve de ne pas faire tord à autrui). Si elle a un sens, c’est seulement dans le rapport à autrui. Doit-on ajouter du positif au devoir négatif de non nuisance à autrui ? Non, sinon il y a un risque de paternalisme : on veut faire le Bien d’autrui sans lui demander son avis. Il faut s’en tenir au résidu critique et négatif, le seul qui tienne[1]. Il restera pour nous à évaluer ce qu’il reste de la valeur morale de la promesse, placée par Ricoeur après Montaigne au cœur même de l’identité, dans l’hypothèse d’une telle morale minimaliste où la « fidélité à soi-même » ne peut être considérer comme un concept moral consistant.

 

Les relations de l’infidélité et de la fidélité avec le passé.  

Nous disions que l’infidélité n’était pas opposée à la mémoire, qu’elle la supposait même... Mais elle finit par l’entraîner : on oublie plus facilement ce que l’on a « trahi »... La fidélité n’est pas le contraire de l’oubli mais de « la versatilité frivole ou intéressée, du reniement, de la perfidie, de l’inconsistance » (Sponville ne semble avoir aucun doute sur l’immoralité de l’infidélité !). Elle ne cesse de perpétuer le combat contre l’oubli. Combat toujours difficile contre « la marée irréversible de l’oubli ». « Le passé, lui, ne se défend pas tout seul comme se défendent le présent et l’avenir. » (Jankélevitch). L’infidélité peut être interprétée au contraire comme un refus de cette forme de travail de mémoire, la fidélité comme un devoir du souvenir. Quand cette fidélité concerne le martyr du peuple juif, la prescription est sans doute évidente... (c’est implicitement la question qui est présente à l’esprit de Jankélevitch quand il écrit cela) mais peut-on en faire une règle morale valable dans tous les cas ?

Encore une fois, la fidélité ne vaut qu’eu égard à la valeur de l’objet (idée, valeur, action, chose) auquel nous sommes fidèles. Pour Sponville cette valeur est toujours reliée à l’amour, amour de quelqu'un, mais aussi beaucoup plus globalement amour de ce qui est beau et de ce qui est bien. Nous pourrions objecter que la fidélité concerne aussi la haine... mais il esquive la difficulté en trouvant un autre nom pour ce cas : il s’agirait alors non plus de fidélité mais d’acharnement...[2] Chemin faisant, il semble réserver ainsi la fidélité à des engagements  dont la valeur morale ne semble jamais interrogée, « tuant » ainsi la question initiale que nous nous proposions de débattre ! Si la fidélité n’est pas envisagée en tant que telle mais en tant qu’elle est associée systématiquement à des choix éthiques positifs, la question de sa valeur ou de son intérêt ne se pose plus vraiment... La question des rapports entre la fidélité et le passé nous conduit à introduire la problématique de l’héritage.

 

Fidélité et héritage

La fidélité au passé, c’est aussi celle de l’humanité à laquelle nous appartenons, d’une culture ou d’une civilisation qui nous a fait ce que nous sommes, celle aussi d’une histoire individuelle et culturelle particulière à nous et notre famille. IL s’agit en effet de ne pas trahir ce « fonds » sur lequel nous avons grandi et nous nous sommes reconnus. Il y a de ce point de vue une ressemblance avec la politesse : avec la fidélité, il s’agit aussi de faire ce qui se fait, d’être fidèle aux us et coutumes, et ne va donc pas sans un certain conformisme social. Fidélité à l’amour reçu, à celui que nous avons admiré, fidélité aussi aux bonnes ou mauvaises manières, aux principes éducatifs que nous avons reçus, à la classe sociale dont nous sommes issus, « loyauté » (c’est le mot souvent utilisé) aux origines ou aux parcours de nos parents qui parfois nous empêchent de choisir vraiment nos propres options[3]...etc. Nous voyons ici poindre Janus dans les deux faces, négative et positive, de ce processus. Support de nos actions ou de nos pensées, mais aussi déterminisme social des appartenances qui peut confiner parfois à des aliénations importantes... Là encore, la fidélité n’apparaît pas systématiquement comme une vertu, mais plutôt comme un ressort anthropologique et psychologique non négligeable : la fidélité « est » (une réalité) avant de « devoir être » ! La question du souhaitable étant alors fonction des circonstances de chaque situation singulière. D’une manière générale, la question posée ici est aussi celle de l’héritage sur laquelle nous avons réfléchi il y a quelques mois : qu’entend-on au juste par  fidélité ? S’agit-il nécessairement du retour du même ? Nietzsche (qui a également parler de « l’éternel retour » mais dans un sens sensiblement différent...), celui donc qui prétend « renverser les valeurs », dit : «  Nous voulons être les héritiers de toute la moralité antérieure, nous n’entendons pas commencer sur de nouveaux frais. Toute notre action n’est que moralité en révolte contre sa forme antérieure. » (« La volonté de puissance »). Dans le même sens, Derrida connu pour cette entreprise de la grande déconstruction philosophique, affirme qu’il s’est toujours reconnu, qu’il s’agisse de la vie ou du travail de la pensée, dans la figure de l’héritier. « Mon désir ressemble à celui d’un amoureux de la tradition qui voudrait s’affranchir du conservatisme ». L’acte même de « s’en prendre à quelque chose » (exercer une critique, même sévère) suppose toujours au commencement (ou devrait supposer) un hommage à ce que l’on critique. L’héritage, ou la fidélité, ne doit donc pas se comprendre sous le signe de la soumission ou de la passivité par rapport à ce qui m’est légué. Cette phrase de René Char, écrite après la seconde guerre mondiale, reprend cette idée par la phrase suivante, et que nous avons déjà eu l’occasion de commenter : « L’héritage n’est précédé par aucun testament ». André Comte Sponville insiste pour sa part sur le processus par lequel l’héritage est constitutif de ce que je suis : « On ne possède jamais que ce qu’on a reçu et transformé, que ce qu’on est devenu grâce à d’autres ou contre eux ». La fidélité n’est plus dans ce cas la reproduction du même, mais le nécessaire travail de mémoire et de reprise (« s’en prendre à quelque chose ») de ce qui nous précède... En ce sens, nous pouvons avancer que si la répétition est une fidélité, elle n’est pas une fidélité de même nature que celle-là...

La notion d’héritage permet également de faire sa place à la Modernité qui s’affirme tout de même sur le fond d’une mise en question radicale du passé ; autrement dit, la fidélité aux valeurs anciennes, est du côté de la tradition : celle-ci est par définition le règne de l’ancestralité et des modèles du passé. L’Autre du passé qui exige de nous la conformité. L’organisation autonome, celle de la modernité,  passe au contraire par un grand basculement vers l’avenir, avec l’idée corrélative de progrès. Nous ne sommes pas obligés de reconduire les modèles du passé puisque nous avons la capacité de faire mieux que nos héritiers. Cela ne supprime pas l’héritage au sens où nous venons de le définir, c’est-à-dire « un héritage sans testament », comme le dit si bien René Char. C’est-à-dire qu’un des problèmes de la modernité sera que « Nous ne savons pas de quoi nous héritons, faute de tradition qui choisit et nomme, qui transmet et conserve, qui indique où les trésors se trouvent et quelle est leur valeur » (Hannah Arendt, introduction de « Crise de la Culture »). Autrement dit la fidélité à ces modèles du passé au sens où  nous l’entendons habituellement n’est plus un principe transcendant au sens où rien ne nous dicte ou nous contraint à obéir à ces modèles. Le principe de l’autonomie se substitue au principe d’hétéronomie, c’est-à-dire de soumission à plus haut que soi. Dans ce contexte social-historique de la Modernité, la fidélité ne peut plus avoir le même sens, ni constituer une valeur indiscutable...

 

Fidélité par rapport à la pensée

Si une certaine forme d’oubli est nécessaire à la santé psychique  (se souvenir de tout équivaudrait à la folie), en revanche la mémoire est indispensable à l’existence même de l’esprit et de la pensée : « Toute pensée risque continuellement de se perdre si nous ne faisons l’effort de la garder. Il n’y a pas de pensée sans mémoire, sans lutte contre l’oubli et le risque d’oubli. » (Marcel Conche, Orientation philosophique). Si nous détaillons les différents sens que peut revêtir la fidélité de la pensée :

  • Pour ne pas penser n’importe quoi, il faut se souvenir de ce qu’on a pensé précédemment. (le contraire serait l’incohérence)
  • Penser c’est rester fidèle à un certain nombre de « règles et exigences du penser ».
  • Il faut être fidèle à une pensée qui veut durer et ne pas se laisser prendre au piège des modes  et des séductions du moment (le contraire serait l’inconsistance) 
  • Etre fidèle à ses idées, c’est non seulement s’en souvenir, mais les garder vivantes et présentes, bref continuer de les avoir.... (le contraire serait l’inconstance)

C’est ce dernier point qui est évidemment le plus intéressant et le plus discutable : la fidélité peut vite confiner au dogmatisme si elle implique  le refus de soumettre ses idées à l’épreuve de la discussion ou de l’expérience pour éventuellement en changer ou les modifier.  L’apostasie est punie de mort dans certains pays arabes... La fidélité peut donc être l’autre face du terrorisme religieux. Mais la valeur de fidélité devient précieuse lorsqu’il s’agit de souligner l’importance de la rigueur de la pensée comme telle, et non la fidélité à ses contenus de pensées. La fidélité à ce qui nous fait avancer sur le chemin de la vérité doit primer sur la foi[4]. Tenir pour vrai jusqu’à nouvel examen (puisqu’il est impossible, nous l’avons vu à propos de notre réflexion sur le doute, de maintenir en permanence notre questionnement sur la vérité), telle serait la fidélité essentielle face aux dangers de dogmatisme et donc aussi de fanatisme. Ni dogmatisme, ni inconstance. Nous ne devons pas non plus oublier nos « vérités » (même si elles sont provisoires) : c’est le sens profond de ce que dit Marcel Conche. Garder le souvenir de la vérité. Mais peut-être plus profondément encore avoir la mémoire de la pensée elle-même – n’est-ce pas aussi une figure de la « culture » ? – la philosophie étant en ce sens une gardienne de cette histoire, qui entretient une fidélité à la pensée ?  La fidélité est alors proche de l’idée de « garde » et de « conservation ». L’histoire de la philo n’est-elle pas plus spécifiquement la gardienne de ces « trésors » ?

 

La fidélité et l’amour

La fidélité serait en ce sens une vertu dont le manquement est reproché à l’être aimé. Mais qu’entend –on au juste par fidélité, et la manière dont elle est entendue ici (au sens de fidélité conjugale) ? N’est –elle pas sujette à critique ? Pourquoi signifierait-elle exclusivité, alors qu’elle n’a pas un tel sens lorsque nous parlons de fidélité en amitié, ou encore de fidélité des idées (on peut avoir des idées nouvelles si elles ne contredisent pas les précédentes) ? En vérité, nulle fidélité au sens moral n’a jamais conduit à une telle exclusivité. Et au nom de quoi pourrait-on prétendre à la jouissance exclusive d’autrui (André Comte Sponville) ? C’est pourtant le sens de la « fidélité conjugale »... La question est : si l’on considère la fidélité dans son acception de vertu morale, peut-on la confondre avec la fidélité conjugale ? Peut-on assimiler cette dernière à une vertu ? Elle peut certes être l’objet d’une ferme résolution qui parfois ne va pas sans violence sur son propre désir. Pensons à cette phrase de La Rochefoucault, l’un de nos plus éminents moralistes : « La violence qu’on se fait pour demeurer fidèle à ceux qu’on aime ne vaut guère mieux qu’une infidélité »... Or comment appeler « morale » une prescription qui s’oppose frontalement à l’expression de mon désir ? Qui risque de diminuer ma puissance d’agir et éventuellement faire le lit de la tristesse et de l’ennui[5] ? Cependant, la fidélité semble avoir une raison d’être si nous acceptons le cadre occidental du couple et de la famille nucléaire moderne : la vie en couple reposerait ainsi sur une dynamique contradictoire du désir : d’une part il est dans la nature d’Eros d’être d’un égoïsme foncier, et de vouloir posséder l’objet de son désir pour sa seule jouissance, comme le dit bien l’expression « je t’appartiens ». Mais d’autre part, le désir est volontiers volage, et ne se laisse pas naturellement enfermer dans un choix d’objet (au sens freudien) exclusif... Il n’est donc nullement étonnant que, dans une  certaine logique culturelle ou sociale de la structure duale du couple occidental, le principe de fidélité, inhérent à l’idée du mariage –qui est l’institutionnalisation de ce couple -  protège ainsi la pérennité de l’institution[6]... Il consiste à réprimer ce désir pour un autre quand il survient, au nom de la fidélité à son conjoint. Il a cependant longtemps été appliqué sous le sceau de l’hypocrisie, puisque l’adultère était quasiment un mode de vie dans la bourgeoisie à condition qu’il soit suffisamment discret et qu’il n’empiète pas sur la vie des mariés... Peut-on identifier cette injonction de fidélité à une vertu morale ? Ne s’agit-il pas plutôt d’une norme sociale ? Cette question de la différence entre norme sociale en lien avec les mœurs de tel ou tel groupe humain, et l’existence de valeurs morales universelles a déjà été évoquée lors d’une récente discussion. Mais revenons à notre question de départ : le fait que la fidélité conjugale doive être considérée non pas comme une vertu morale mais comme un principe de régulation visant à préserver la durabilité du couple n’empêche en rien de trouver « souhaitable » une telle régulation. Cependant, nous pouvons constater que la montée en puissance de l’individualisme et de la privatisation (cf. dernière réflexion sur les frontières entre sphère privée et publique), en transformant la famille, à considérablement relativiser la légitimité de cette norme : « Nous acceptons de moins en moins d’être victime d’une vie commune trop contraignante, et de sacrifier notre épanouissement et notre liberté personnels. La diminution du nombre de mariages, la croissance de l’union libre et de la cohabitation doivent être interprétées comme une réponse de la vie de couple face à cette nouvelle donne. ». Il y a désormais des couples « libres » qui sont fidèles à leur manière : fidèles à leur idée du couple, à leur parole, à leur liberté commune...

Il apparaît qu’une autre fidélité associée au couple et à l’amour, celle-ci véritablement vertueuse,  est celle de la déclaration ou de la promesse « de s’aimer toujours », et en tout cas de s’aimer de façon durable, bien au-delà de la rencontre[7]. Que signifie alors Fidélité à son amour ? Alain Badiou, dans son « Eloge de l’Amour » nous apporte un élément de réponse : la déclaration d’amour « fixe » le hasard, en faisant passer d’une rencontre contingente de quelqu'un que je ne connaissais pas au commencement à quelque chose ressemblant à une nécessité ou à un destin.. Si ce « je t’aime » n’est pas une ruse pour coucher avec quelqu'un, il engage sur une durée, une fidélité. Non pas celle de ne pas coucher avec quelqu'un d’autre, mais celle, beaucoup plus essentielle, de transformer le hasard de cette rencontre dans l’invention d’une durée, qui est naissance d’un monde. Le « je t’aime pour toujours » fixe le hasard dans le registre de l’éternité. En ce sens tout amour se déclare éternel. Tout le problème, c’est d’inscrire cette éternité dans le temps. C’est cette puissance de l’amour qui en fait une chose si importante, un sentiment si intense. A l’éternité de l’instant de la première étreinte, doit succéder une éternité capable d’exister dans le temps de la vie. C’est-à-dire ? Cela signifie deux choses : un couple a besoin d’amour et de durée. Non pas nécessairement qu’il dure indéfiniment (pas plus que tout autre chose de ce monde). Et deuxièmement, que l’amour qui a été vécu ne s’efface pas (du moins dans la mémoire de ceux qui l’ont vécu), ne peut être renié, oublié. La véritable « trahison » serait celle-ci. Aucun couple ne peut durer sans cette fidélité, ce mélange de confiance, d’histoire commune, de gratitude, de fidélité aux souvenirs communs. En ce sens, nous pouvons même penser que le divorce (ou la mort) peut dans bien des cas ne pas annuler cette sorte de fidélité : fidélité à ce qui a été vécu ensemble, à son ancien  amour : même s’il n’est plus, il a néanmoins été et existe par conséquent d’une certaine façon dans les plis du présent[8]. Pourquoi trahir le passé ? Renier ou désavouer ce qui fût ? Fidélité à « l’amour reçu et donné, à l’amour partagé, et au souvenir volontaire et reconnaissant de cet amour » (André Comte Sponville, in « Le petit traité des grandes vertus »). L’amour infidèle n’est pas l’amour libre, n’est pas non plus l’amour qui ne dure pas éternellement, c’est l’amour qui se renie, qui oublie ou déteste ce qu’il a aimé.

Avant de clore cette réflexion, la fidélité à son amour peut sans doute nous permettre de revisiter la première question relative à la fidélité conjugale. En quel sens cette dernière peut-elle être, malgré ce qui a été dit précédemment, une vertu ou un bien ? Il me vient ici une réflexion inspirée de Spinoza : celui-ci rejette le moralisme de ceux qui évaluent à partir d’un système de jugement à priori et indiscutable interdisant ou prescrivant telle ou telle valeur. La valeur –ce qui est bon ou mauvais pour moi – est strictement immanente à la normativité du désir. C’est le désir qui est premier, dont la valeur résulte : « Une chose n’est pas désirable parce qu’elle est bonne ; elle est bonne parce qu’elle est désirable. ». Rien ne semblerait alors pouvoir s’opposer au désir... Mais attention : ce qui est désirable n’est pas l’équivalent de ce que je m’imagine désirer, faute d’une connaissance adéquate. Cela signifie que ce qui est bon pour moi n’est pas toujours ce que je crois à un moment donné... Et de la même façon, ce que je crois être bon pour moi peut évoluer. Dans le mouvement de libération par rapport à la servitude passionnelle qu’analyse Spinoza dans l’Ethique, nous pouvons aussi imaginer que l’option de la fidélité, de principe moral à priori qu’elle était, devienne désirée (sous la conduite de la raison) comme la plus susceptible de me rendre heureux, mon propre bonheur chez Spinoza étant inséparable de celui des autres... L’établissement des valeurs, certes rigoureusement immanentes,  ne suit pas n’importe quel chemin mais est guidé par la recherche de l’utile. Il ne s’agit pas ici d’introduire un « coup de théâtre » à la suite de notre propos précédent pour en inverser le cours, ni de vouloir proposer une réponse universelle symétrique à la question posée par la fidélité conjugale (qui nous l’avons vu et de toute façon une question dépendante d’un contexte anthropologique singulier)... Il s’agit simplement de suggérer que, dans le cadre d’une certaine évolution personnelle, la fidélité, bien loin d’être une exigence morale posée comme extérieur à soi, peut devenir un élément de la puissance d’exister et de la joie qui l’accompagne. Comme l’affirme souvent Spinoza, un affect ne peut être réduit que par un affect contraire : pour que la fidélité puisse opérer positivement, elle doit être à son tour désirée, dans une configuration de forces où l’amour (la joie qui accompagne l’idée d’une cause extérieure) est le vainqueur.

 

La fidélité et la promesse

Il ressort de tout ce qui précède que la fidélité n’est pas « en soi » une vertu, et que sa valeur dépend beaucoup des contenus de pensée ou d’action sur lesquels elle porte. L’idée d’une répétition ou d’une persévération ne suffit pas à la caractériser ; la mémoire ne suffit pas ; la permanence du Même, malgré ce qu’en dit Jankélévitch, ne suffit pas à en faire une vertu. Je peux en effet changer, évoluer, faire mon autocritique, changer de compagne ou de compagnon, changer de religion ou devenir athée, dira-t-on que je suis infidèle ? Peut-être, mais pas au sens où cette infidélité serait un vice (et son contraire une vertu). En revanche, il semble que la fidélité vertueuse, celle qui est précieuse, est intimement liée à la promesse. Qu’est-ce qui en effet, à travers le changement que j’effectue, est susceptible d’impacter mon identité même, et de porter dommage à autrui ? Assurément le manquement à ma parole. La permanence ou le maintien de soi, au-delà de changements susceptibles de porter sur le caractère, ou des idées, des désirs, des intérêts – ce que Ricoeur nomme la « mêmeté » ou « idem »-, est le fait de l’ « ipse », c’est-à-dire du sujet cette fois-ci tourné vers l’avenir (et non vers la mémoire du passé) et  qui engage sa parole vis-à-vis d’autrui. Si l’oubli est le contraire de la mémoire, la trahison est le contraire de la fidélité, et signe bien par contraste la dimension éminemment morale de la fidélité en ce sens. La promesse peut être entendue au-delà de la déclaration explicite à autrui qui annonce la parole qui devra être tenue, elle est plus largement un engagement sur une relation, un travail à venir, un investissement choisi, une valeur pour sa propre existence...etc. qui concrètement aussi nous engage vis-à-vis d’autrui. En effet, aucun acte n’étant isolé, il  interagit avec les autres. Même si nous n’avons pas énoncé de « promesses » en bonne et due forme, nombreux sont nos actes ou nos pensées qui sont en eux-mêmes des sortes de déclarations qui s’adressent aussi aux autres... Mais la forme linguistique de la promesse « stricto sensu » est néanmoins importante et mérite d’être examinée, car elle est tout de même la forme « canonique » dont toutes les autres dérivent comme autant de versions atténuées.

Mais nous sommes aussitôt confrontés à la critique de Ruwen Ogien pour qui la promesse faite à soi-même est minée par une contradiction logique : je ne peux être à la fois le débiteur et le créancier... (cf. plus haut). Nous avions reconnu la pertinence d’une telle objection. Mais si, ultimement, la fidélité à soi-même n’avait de sens que par rapport à celle que l’on doit à autrui ? Si l’origine de la valeur d’une telle fidélité résidait dans cet autrui qui m’oblige ? Et qui, précisément, met en cause une liberté qui se veut auto-suffisante et se vit de façon égoïste ? Autrui, à travers son visage s’impose dans son altérité absolue, indiscutable, et par là-même instaure une relation essentiellement éthique qui m’oblige vis-à-vis de lui, dira Lévinas (« Totalité et Infini »). Ce n’est pas moi mais autrui qui m’oblige...

Revenons alors à la forme linguistique de la promesse. Elle fait partie, dit Ricoeur de ce que l’on nomme un « acte performatif ». Cela signifie que lorsque je déclare « je promets », je suis effectivement engagé dans une action future. Promettre, c’est être engagé à faire ce que la proposition énonce. Engagement vis-à-vis de soi-même, mais surtout envers son interlocuteur. Ce sont bien des actes qui sont promis, et non des sentiments. « On peut promettre des actes mais non des sentiments car ceux-ci sont involontaires », dit Nietzsche... On ne peut que faire ou donner. Quoique nous pensions de la valeur d’une promesse vis-à-vis de soi-même, la parole tenue devant quelqu’un d’autre m’oblige absolument d’un point de vue moral. La grandeur d’une telle vertu réside dans la fiabilité de celui qui s’engage, et donc dans la confiance qu’on doit lui accorder. C’est cette confiance et cette fiabilité qui crédibilise l’institution du langage, sans lesquelles elle perdrait son sens. La pratique du langage repose sur une clause tacite de sincérité. Au-delà de l’institution du langage, c’est selon Arendt l’ensemble des institutions humaines qui est concerné par la promesse, en tant que celles-ci sont dans un rapport intime et difficile avec la temporalité.[9] Nietzsche parle de la promesse en un sens assez différent de celle de Ricoeur, se référant à ce qu’il appelle « la mémoire de la volonté » : il met en balance deux forces, la force d’oublier, gage d’une santé robuste, et « une faculté contraire, la mémoire, à l’aide de laquelle, dans des cas déterminés, l’oubli est suspendu – à savoir dans les cas où il s’agit de promettre. ». Cette « mémoire de la volonté » « persiste à vouloir ce qui a été une fois voulu ». Nous ne pouvons pas ne pas voir ici, avec Ricoeur, une forme de « volonté obtuse et obstinée », et j’ajouterai que la médiation par la parole tenue devant autrui n’apparaît pas. Il ne s’agit pas ici de « parole tenue ». C’est ainsi, toujours selon Nietzsche, que l’homme de cette « mémoire de la volonté » finit par devenir « calculable, régulier, nécessaire », et qu’il en arrive, par la représentation qu’il se fait de lui-même, « à répondre de lui-même comme avenir.... comme le fait quelqu’un qui promet »[10]. Pour Nietzsche, cette mémoire de la volonté, proche de l’obstination, peut-être le terreau sur lequel  germe le sentiment de la faute et de la mauvaise conscience, et peut être aussi entendu comme une mise en garde : cette sorte de maîtrise de soi associée à la promesse – mais dans un sens différent du sens éthique retenu par Ricoeur – peut aussi être un leurre de la reconnaissance de soi. Autrement dit, représenterait une pathologie secrète du pouvoir promettre. Ricoeur nous propose ainsi quelques remèdes à celle-ci : ne pas présumer de son pouvoir, ne pas promettre trop ; se méfier de la constance d’une volonté obstinée ; mais surtout, et là réside l’essentiel d’une promesse véritable : l’important dans l’exercice de la promesse c’est d’abord qu’un autre compte sur moi et sur la fidélité à ma propre parole. « Il faut renverser l’ordre de priorité entre celui qui promet et son bénéficiaire »

 

 

                                                                                           Daniel Mercier, le 30/01/2015



[1] L’argument est fort sur le plan moral. Mais la question de l’identité, qui était celle de Montaigne, persiste : c’est la question d’une certaine continuité et cohérence, que Ricoeur aborde également avec son concept d’identité narrative... cf. texte sur la cohérence personnelle. 

 

[2] « Toute fidélité est aimante » assène Sponville de manière assez péremptoire.

[3] Les conseillers d’orientation psychologues connaissent bien ces situations où certains jeunes sont pris dans des conflits de loyauté.

[4] Au-delà même de la croyance ou non en Dieu, c’est peut-être la différence entre « croire en » et « croire que » (tant que rien ne vient infirmer ma croyance) ; en ce dernier sens croire et savoir sont de la même famille puisqu’aucun savoir aujourd’hui ne peut prétendre à une vérité absolue ; il existe simplement des croyances rationnelles, c’est-à-dire des croyances qui s’appuient sur la raison.

 

[5] Nous utilisons ici volontairement le vocabulaire de Spinoza. Mais nous verrons plus loin comment nous pouvons « retourner » cette argumentation...

[6] Cela ne nous dispense pas non plus de nous interroger sur la question de savoir s’il peut y avoir un socle naturel à cette exclusivité dans le couple, hypothèse qui pourrait éventuellement s’appuyer sur des données éthologiques. Mais à ma connaissance, la nature, comme souvent, nous dit tout et son contraire !

[7] Lire à ce sujet le beau livre de Alain Badiou : « Eloge de l’amour »

[8] Il faut ici évoquer les deux sens du « passé » chez Heidegger : le passé en tant qu’il n’est plus, révolu ; et le passé en tant qu’il a été, et qui est donc toujours là d’une certaine façon.

[9] On comprend mieux à partir de là comment le jeu pervers de la promesse non tenue finit par miner la crédibilité de la politique aujourd’hui...

[10] « La mémoire de la volonté » renvoie chez Nietzsche (notamment dans la Généalogie de la Mémoire) à la nécessité d’une promesse qui ne provient nullement d’une moralité intrinsèque mais de la contrainte à laquelle le créancier soumet le débiteur. Contrainte par laquelle le plus fort oblige le plus faible à ne pas oublier sa dette, à promettre qu’il rendra son dû. C’est l’origine du sentiment de faute et de culpabilité.

 

Aperçu de la discussion

 

LA FIDELITE EST-ELLE TOUJOURS SOUHAITABLE ?  Café Philo Sophia du 7/02/15 à Maureilhan

 

     On a toujours présenté la fidélité comme une vertu, et quelquefois préparé pour les infidèles de durs châtiments… Mais qu’est-ce qui en fait une vertu, et est-elle toujours souhaitable ?

     La fidélité suppose la mémoire : pour être fidèle à la morale, encore faut-il garder en mémoire l’idée de morale…et ainsi pour l’idée de justice. C’est une lutte contre l’oubli du passé. Elle suppose l’idée du même, avec la volonté de maintenir l’essentiel par delà le changement. Elle est fille de l’héritage : je suis le produit d’une éducation, d’une famille, d’un groupe, d’une culture ; je suis un héritier… C’est un repère pour avancer dans la vie. La question de la promesse, de la loyauté, est au centre de la fidélité, faite aux autres, et aussi promesse que l’on se doit à soi-même…Mais la fidélité peut être aussi synonyme d’aveuglement…

   Elle tient une place importante dans l’amour, dans l’attachement : C’est sur elle que repose la pérennité du couple, et celle de la famille…mais parfois ne peut-on pas dire avec La Rochefoucault « La violence qu’on se fait pour être fidèle contre soi-même ne vaut guère mieux que l’infidélité » ?

      La fidélité peut nous être imposée de l’extérieur, et elle est alors vécue comme un carcan. Par contre quand elle est découle de nos pensées et de nos idées, de nos valeurs, elle est plus facile à vivre et à  se maintenir dans le temps.

    Elle est souhaitable parce qu’elle participe à la définition de notre identité : sans elle, pas de repères possibles qui puissent délimiter qui je suis, à mes propres yeux comme aux yeux d’autrui. Une certaine conservation de mes valeurs, actes, pensées est indispensable pour que je puisse me situer, pour que les autres sachent ce qu’ils peuvent attendre de moi.

     Elle suppose la conscience, et aussi des engagements, des responsabilités…. « Tu es responsable de ta rose », dit le petit Prince. Ce qui peut supposer parfois un certain courage, de la volonté, et sans doute, des efforts, un prix à payer…Mais n’y a-t-il pas nécessité parfois de dénoncer certains contrats ? Ce qui suppose aussi du courage…

    N’est-il pas riche et intéressant aussi d’être une sorte de caméléon, d’avoir une flexibilité créative qui nous amène à de fréquents changements ? D’avoir une sorte de fidélité à ses pensées, à ses désirs et ressentis du moment ?

   Il n’est pas toujours facile d’être fidèle à soi-même. Et il y a quelque chose de figé dans la sécurité d’une fidélité à toute épreuve, quelque chose de mort, par opposition à ce qui est vivant dans le risque du changement. Notre identité n’est pas fixe, elle évolue avec le temps, les besoins, les rencontres de la vie ; et effectuer des changements, parfois changer de peau, cela demande du courage…Parfois, l’apparence de fidélité peut cacher autre chose… Etre fidèle à soi-même c’est aussi réévaluer ses choix….Et l’observation des animaux nous montre que certains sont très fidèles, et d’autres très volages !

      Les promesses faites à soi-même n’engagent que soi ; par contre les promesses faites aux autres engagent la loyauté, et la responsabilité, surtout quand il s’agit de personnes fragiles, comme les enfants par exemple.  On peut évoquer également la place particulière de ceux qui occupent des places à grande responsabilités comme les hommes politiques…Qu’en est-il lorsque les promesses ne sont pas tenues ?  On ne peut évoquer cela sans poser la question de la confiance et de la crédibilité.

Il y a pourtant un paradoxe dans la promesse, car on engage  alors un avenir que par définition, on ne peut pas connaitre…On fait comme si le futur était déjà écrit, alors qu’il y a forcément de l’incertain et de l’aléatoire….On pourrait évoquer à ce stade, ce qu’on appelle en politique la « théorie des vérités successives » : il y a nécessité de s’ajuster au plus près de l’évolution des situations….Ce qui peut conduire alors légitimement à ne pas respecter sa promesse….Et cela peut s’appliquer aux hommes politiques, comme à tout un chacun….

 

                                                                                                                                                                         Marie Pantalacci 9/02/15