Quel bilan d’étape pour le Café Philo Sophia - Mars 2011

 
 

PROJET ARTICLE MIDI LIBRE

 

Quel bilan d’étape pour le Café Philo Sophia ?

 

Vous vous acheminez maintenant vers la 15ème année de fonctionnement, au moins 10 ans à la Maison du Malpas, votre motivation, comme celles des participants, est-elle intacte ? Ou bien constatez-vous une retombée de l’engouement initial ?

 

Le plaisir d’être là est non seulement intact, mais sans doute encore plus manifeste : cette rencontre mensuelle est d’abord l’assurance de retrouver des personnes dont la compagnie nous est chère, et surtout avec lesquelles on partage un moment important d’activité intellectuelle. Bien sûr, il n’y a peut-être plus la surprise plus ou moins jubilatoire de découvrir une façon nouvelle d’être ensemble pour discuter comme des « apprentis philosophes » ! Mais cette curiosité des débuts a fait place maintenant à des attentes plus profondes sur la teneur philosophique de la discussion. C’est une véritable « culture » de la discussion philosophique, tant en ce qui concerne la forme que le contenu, qui s’est progressivement développée pendant ces années. Je suis sincèrement impressionné par la qualité de la plupart des interventions, et la manière dont nous parvenons ensemble à nous dégager des lieux communs pour aborder rapidement les véritables enjeux de pensée. Les progrès sont indiscutables dans ce domaine. Quant à moi, ma motivation est toujours à la hauteur de ce qui se passe là… Et pour tout dire, depuis la création du café philo, j’ai renoué avec mes anciennes amours philosophiques (enfouies pendant des années… c’est en réalité ma formation initiale), et je consacre aujourd’hui de plus en plus de temps dans ma vie à la lecture et l’écriture philosophique …

 

Qui sont les participants ? Sont-ils nombreux ? Y a-t-il du renouvellement entre les séances ?

 

N’ayant jamais fait d’enquête à ce sujet, il ne peut s’agir que d’un sentiment : nous touchons prioritairement des personnes appartenant aux classes moyennes, dont les professions sont très variées. Malheureusement, nous ne parvenons pas encore aujourd’hui à attirer beaucoup de jeunes (18-30ans). Concernant la jeunesse scolarisée, l’expérience montre que cette activité  rencontre un franc succès lorsqu’elle est mise en place dans les lieux de scolarisation. Plusieurs collèges de Béziers ou des environs l’expérimentent, et nous avons souvent contribué à son lancement. Pour revenir à notre public, il se renouvelle fortement au cours des séances. Sur 60 personnes – c’est l’affluence « moyenne » -, la moitié d’entre elles ne sont pas là très régulièrement, mais viennent sans doute en fonction du sujet et de leurs envies ou disponibilité. De plus, chaque séance accueille un nombre significatif de « nouveaux » qui viennent découvrir, souvent avec étonnement, cette nouvelle façon de réfléchir ensemble. En réalité, c’est plusieurs centaines de personnes qui fréquentent à un moment ou à un autre notre café philo. C’est donc un lieu très ouvert, un « espace public » conforme à nos vœux initiaux.

 

Le café philo a commencé à Maureilhan, puis s’est déplacé salle du Malpas à Colombiers… Et aujourd’hui, quelles perspectives d’avenir ?

 

Nous sommes vraiment bien accueillis à la Maison du Malpas, et le lieu est tout à fait adapté pour ces discussions. Nous n’envisageons donc pas d’en changer, si bien sûr l’équipe de Malpas veut toujours continuer à nous héberger ! Cependant, nous envisageons de nous « délocaliser » de temps en temps : par exemple, nous reviendrons en septembre à Maureilhan où nous devons animer un café philo enfants et un café philo adultes à l’école primaire, dans le cadre de la Fête du Patrimoine. Nous envisageons également d’organiser un café philo sous « le Chapiteau Gourmand » de Sortie Ouest, et de profiter ensuite des plaisirs de sa table ! Pour quoi pas aussi de « coupler » des café philo avec certains spectacles de Sortie Ouest … Ceci dit, nous souhaitons, pour continuer à fidéliser notre public, qu’il puisse nous identifier clairement à un lieu donné : ce lieu reste donc la Maison du Malpas.

 

Ya –t-il d’autres ateliers ou « café philo » que le vôtre ? Entretenez-vous des liens avec eux ?

 

Il y a en effet plusieurs autres activités qui se développent. A Narbonne en particulier, où la présence d’un universitaire, Michel Tozzi, qui est la référence française et même internationale (il travaille beaucoup pour l’UNESCO) de ces nouvelles pratiques philosophiques, a fait beaucoup pour promouvoir « la philosophie pour tous » : pôle philosophie à l’Université Populaire, café philo au café de La Poste, atelier philo régulier sur un thème exploré une année entière (et même plusieurs années…), groupe de lecture philosophique…. Nous sommes amicalement et philosophiquement en contact régulier, les uns participants aux activités des autres, et réciproquement ! Sur Béziers, c’est la médiathèque André Malraux qui a pris à son compte  les café philo aussi bien pour les enfants que pour les adultes, et qui nous sollicite régulièrement pour leur animation. Là encore, les relations sont très conviviales et positives. Nous avons ensemble plusieurs projets pour l’an prochain, notamment une « grande nuit » ou « week-end » de la philosophie, mais je ne peux pas encore trop en parler …

 

En quelques mots seulement, quel est selon vous l’utilité des café philo ?

 

Bien que le terme d’utilité ne me convienne pas vraiment, je reprendrai pour répondre ce que j’écrivais il y a quelques jours lorsque je préparais un texte de réflexion pour notre dernier sujet « Philosopher pour être plus sage ? » : nous n’inventons certes pas de nouveaux concepts philosophiques, encore moins des systèmes plus élaborés, mais peut-être qu’en nous appuyant sur notre réflexion et la philosophie –qui ne nous a pas attendue pour exister -, pouvons-nous contribuer, sinon à la recherche du bonheur – je sais de moins en moins en quoi il consiste ! – du moins à « une vie plus consciente d’elle-même et de sa valeur infinie, plus rationnelle ou plus cohérente, plus ouverte sur les autres et l’immensité du monde » (André Comte-Sponville). Socrate disait à ce sujet qu’une vie non examinée ne valait pas la peine d’être vécue….

 

Avant de se quitter, pouvez-vous nous dire quelque chose sur le choix de cette question de l’idéologie pour votre conférence du 1er avril ?

 

C’est une question fondamentale aujourd’hui pour nos sociétés et leur avenir : Le XXIème siècle sera-t-il celui de la « fin des idéologies », conformément à la prédiction faite il y a déjà presque quarante ans, et que la chute du mur de Berlin aurait consacrée ? Le « désenchantement du monde », corrélatif de la « sortie de la religion », s’accompagne-t-il de l’abandon des idéologies considérées par certains comme des « formes sécularisées du religieux » ? Mais pour répondre à cette question, ne doit-on pas préalablement s’interroger sur la notion même d’idéologie, qui s’avère particulièrement complexe… C’est précisément le travail d’une authentique démarche philosophique !

 

Daniel Mercier, le 22/03/2011