Décapitation de Samuel Paty. Il ne faut pas lâcher sur notre principe républicain !

Décapitation de Samuel Paty. Il ne faut pas lâcher sur notre principe républicain !

En 1766, le Chevalier de la Barre est décapité et brûlé pour blasphème et sacrilège parce qu’il n’a pas salué une procession à son passage. Aujourd’hui, dans le prolongement de la sinistre logique de l’assassinat des journalistes à Charlie Hebdo en 2015, c’est l’enseignant Samuel Paty qui est décapité pour avoir montré en classe les caricatures de Mahomet dans le cadre de son cours sur la laïcité. Entre ces deux dates dont le rapprochement est un peu sidérant, c’est la République et son combat acharné pour instaurer la stricte neutralité de la chose publique et de l’Etat par rapport à la religion et aux croyances religieuses, qui va de pair avec la protection des libertés de conscience et d’expression, religieuses ou non religieuses, excepté dans les cas d’abus de liberté défini par la loi…. Alors que les deux grands monothéismes (christianisme, judaïsme) semblent avoir accepté ces règles du jeu de la laïcité, ce terrible évènement nous rappelle qu’il ne s’agit surtout pas de baisser les bras, et que ce combat, dans le nouveau contexte de la présence de l’islamisme radical, est de plus en plus impérieux.

Il va de soi que dans le cadre républicain l’interdit du blasphème, pas plus que le sacré religieux, n’ont aucun sens et ne peuvent avoir droit de cité, puisqu’ils sont subjectifs (ne concernent que ceux qui y sont soumis) et particuliers, et ne peuvent avoir vocation universelle, concerner tout un chacun (mais seulement ceux ou celles qui croient dans cette religion). L’ « offense » subie ou la susceptibilité des uns ou des autres au nom du sacré ne peuvent pas fixer les limites de la liberté commune, encore moins s’imposer aux lois de la République ! Sinon à vouloir cautionner une dérive qui conduirait rapidement au fanatisme et à la destruction des libertés (pensons par exemple aux condamnations à mort dans certains pays pour apostasie). La liberté de parole, y compris celle qui est qualifiée de blasphématoire par certains croyants, est la condition sine qua non en République du respect et de la tolérance vis-à-vis de toutes les croyances et opinions (dans le cadre défini par la loi). C’est précisément ce principe de laïcité qui est sensé favoriser une coexistence pacifique entre tous, au-delà de nos différences. Nous ne devons lâcher prise à aucun prix : le concept de blasphème est d’essence religieuse et ne peut pas avoir de sens dans le cadre du mode de pensée républicain et laïque. Toute idéologie, toute philosophie, toute religion peuvent être critiquées et moquées ; aucun des interdits concernant les croyants d’une religion –comme par exemple l’interdit de la représentation imagée de Dieu ou de son prophète – ne peuvent concerner à priori ceux qui ne croient pas ou qui croient à un autre Dieu !

Ce n’est pas la croyance qui est respectable en tant que telle. Comme toute opinion elle peut être contestée ou moquée. D’où le droit à la satyre, à la caricature. Mais ce qui est respectable inconditionnellement, c’est chaque personne avec ses droits, quelle que soit la croyance qu’elle porte ou non. Bien sûr cette dissociation entre croyants et croyances est de facture « moderne » (occidentale), et peut sans doute être difficilement comprise dans un environnement culturel traditionnel, structuré autour de la référence « à plus haut que soi », et qui incline probablement à une identification très forte entre soi et ses propres croyances, voire à une incorporation pure et simple. Mais devons-nous pour autant ne pas résister ? Et n’est-ce pas une donnée de notre République (et peut-être de notre culture) qu’il s’agit d’accepter et d’intégrer si nous devons vivre  en son sein ? Il en va du maintien de nos principes républicains, et au-delà de ce qui nous relie à notre monde…

        Le 25/10/2020, Daniel Mercier