"Ce que la post-vérité fait à notre monde commun."

 

CONFERENCE DEBAT 

présentée par Madame Myriam Revault d'Allones

 
 

 le vendredi 20 janvier 2023  18h30  à la salle Esprit Gare

de Maraussan 

Présentation de la conférencière. 

 

 

Le sujet :

 

" Ce que la post-vérité fait à notre monde 

 

commun" 

Compte rendu de la conférence par Monsieur Daniel Mercier.

 
Il est difficile de résumer un propos d’une heure et d’une grande densité, qui a réussi à capter l’attention d’une centaine de personnes réunies dans la belle salle Esprit-Gare à Maraussan. Après une court mais chaleureux accueil de Mr Pesce, maire de la commune, Mercier Daniel, Président de l’association Philo Sophia, a présenté la philosophe Myriam Revault d’Allonnes, puis lui a donné la parole
De quoi s’agit-il au juste ? De comprendre à quel point le rapport à la vérité de nos contemporains a changé : l’importance des « infox » et des théories du complot qui déferlent sur les réseaux sociaux en atteste… Ce qui fait dire à certains que nous sommes entrés dans l’ère de la post-vérité. Ce mot a été retenu comme « mot de l’année » en 2016 par le célèbre dictionnaire Oxford, suite aux campagnes du Brexit et celle du candidat Trump. Il désigne « des circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour former l’opinion publique que l’appel à l’émotion et aux croyances personnelles ».
La révolution numérique n’explique pas tout, même si elle contribue à amplifier le phénomène des « infox ». Mais au-delà, ce qui est nouveau, c’est que la vérité est devenue caduque et n’est plus une référence : seul compte  l’efficacité du « faire croire ». Il ne s’agit pas seulement de pointer le mensonge généralisé, ou bien les manipulations du pouvoir, qui sont malheureusement aussi vieux que le monde… L’inédit réside avec la post-vérité dans un régime d’indifférence à la vérité qui brouille la frontière entre le vrai et le faux ; l’essentiel dans cette perspective, c’est que beaucoup de nos contemporains attendent désormais des « infos » qui sont conformes à leurs attentes et leurs désirs, qui vont ainsi pouvoir renforcer leurs préjugés préétablis, sans plus de soucis par rapport à ce qui est vrai ou non.
Le débat public contradictoire caractérise une société démocratique, et il est par principe « interminable ». Mais pour qu’il puisse exister, il est nécessaire que les opinions soient fondées sur des faits réels, même si ceux-ci sont interprétés différemment. Or avec la post-vérité et les « réalités alternatives », cette culture du désaccord disparaît au profit  d’un « marché des idées » où tout se vaut, où le jugement ne peut qu’être perverti. Or c’est précisément ce « monde commun », qui est un peu le sol commun sur lequel les hommes évoluent, se parlent et agissent, et qui est constitué en même temps par cette pluralité des perspectives, qui risque de voler en éclat et de se fragmenter. 
La post-vérité concerne prioritairement les vérités « factuelles », mais aussi le monde de la science : la récente pandémie a révélé en effet à ces débuts que la post-vérité contribuait également à la perte de confiance en la rationalité scientifique elle-même. La peur partagée devant la pandémie et le climat d’incertitude et de controverses affectant la science elle-même (ce qui est en tant que tel parfaitement sain ; la science n’est pas un savoir dogmatique, encore moins lorsqu’il s’agit d’un phénomène inédit) a ainsi laissé le champ libre à une « infodémie » caractérisée par la méfiance généralisée, les rumeurs, le complotisme, la stigmatisation, le simplisme des explications.
Myriam Revault d’Allonnes s’est attachéà montrer comment l’idée de  post-vérité constitue une rupture fondamentale avec la tradition philosophique pour laquelle le souci de la vérité est (et demeure) central et vital. Elle s’est efforcée également de restituer cette question dans l’histoire même de la pensée des rapports entre vérité et politique, depuis Platon et Aristote, en passant par Machiavel, Hannah Arendt et Michel Foucault… 
Un propos soutenu et subtil, parfois exigeant, mais toujours passionnant, qui a maintenu en haleine jusqu’au bout les participants. Après un long moment d’échanges fructueux avec le public, Mme Revault d’Allonnes a dédicacé quelques-uns des nombreux livres vendus à cette occasion, pendant que les participants profitaient d’un apéritif proposé par l’association Philo Sophia, organisatrice de cette manifestation.