La question de l’égalité - Existe-t-il des 'inégalités justes' ?

 

Cette question est à la fois passionnante et incontournable parce que première à toute philosophie morale et politique : elle est en effet associée à l’idée de justice, entendue aussi bien d’un point de vue moral (c’est une vertu), que politique et social.

«  Tous les hommes sont d’avis que le juste consiste en une certaine égalité… Mais quelle sorte d’égalité et quelle sorte d’inégalité ? C’est un point qui ne doit pas nous échapper, car il contient une difficulté fondamentale de la philosophie politique » (Aristote). C’est cette difficulté qu’il s’agit d’explorer ce soir.

 

Annonce de la démarche, du plan : 

  • Opérer quelques distinctions conceptuelles : égalité formelle, égalité de droit, égalité civile, égalité politique, égalité réelle, égalité des biens…
  • Confronter cette notion à celles qui lui sont spontanément associées : égalité et inégalité naturelle, égalité et collectivisme, égalité et équité (ou proportionnalité), égalité et mérite, égalité et liberté, et enfin le sens de « l’égalité négative » du point de vue du libéralisme politique.
  • A partir de cette exploration notionnelle, montrer comment « La théorie de la justice » de John Rawls propose une réflexion qui tend à concilier l’idéal égalitaire avec l’efficacité économique et sociale, et donc à opérationnaliser sur le plan politique et social cette aspiration à l’égalité ; en introduisant notamment une notion sur laquelle nous nous arrêterons quelques instants : celle d’inégalité juste.
  • Enfin nous terminerons cet exposé en revenant à la notion d’égalité pour suivre avec Marcel Gauchet comment celle-ci a évoluée au cours de l’histoire de la modernité : c’est la notion d’ « égalité-identité » qui sera aborder ici.

 

Premières définitions

Rousseau affirme on ne peut plus clairement les rapports de l’égalité avec la justice : « Le premier et le plus grand intérêt public est toujours la justice. Tous veulent que les conditions soient égales pour tous et la justice n’est que cette égalité ». Des conditions égales pour tous, c'est-à-dire ? Il y a trois façons de l’envisager :

 

Dans un premier sens existentiel ou métaphysique : nous relevons tous d’une condition humaine identique, quelque soit nos différences ou inégalités par ailleurs. Il ne s’agit pas directement de cela ici.

 

Dans un deuxième sens dit « égalité formelle », en termes de droits égaux (il peut s’agir de droits juridiques, ou bien de droits politiques. L’égalité juridique est un principe selon lequel les prescriptions, défenses et peines légales sont les mêmes pour tous les citoyens sans exception de naissance, de situation et de fortune (on peut parler ici aussi d’égalité civile). L’égalité politique est le principe d’après lequel les droits politiques (le droit de vote), et dans la mesure de leurs capacités, l’accession aux fonctions, grades et dignité publiques appartiennent à tous les citoyens sans distinction de classe ou de fortune.

 

Dans un troisième sens, où l’on parlera d’ « égalité réelle », c’est le fait que deux ou plusieurs hommes ont même fortune, même instruction, même santé …etc. Dans cette catégorie, il ne s’agit plus d’égalité des droits, mais d’une égalité en quelque sorte matérielle, dans laquelle on peut ranger l’ « égalité des biens », et l’égalité sociale d’une manière plus globale. A travers cette acception de l’égalité, il apparaît évident que l’idée d’égalité et de justice ne peut concerner seulement les droits dits « formels », mais aussi les inégalités de condition sociale.

(Pour les deux dernières définitions, cf. le Vocabulaire de Lalande)

 

Egalité naturelle, inégalité dans la société… ( Les théories du contrat social )

Toutes les grandes théories de philosophie politique de « l’Age classique » (par exemple Hobbes, Locke, Rousseau, Kant…) se réfèrent également à l’idée de « droit naturel », qui renvoie à celle d’ « égalité naturelle » : le recours à la fiction d’un état de nature originaire où les hommes étaient « libres et égaux » servant ainsi à fonder le droit (et par conséquent ne pas en rester au positivisme juridique, c'est-à-dire à la réduction du droit au fait). Outre le fait que cette « état de nature » est problématique et qu’on peut lui faire dire ce qu’on veut (on ne le connaîtra sans doute jamais), l’argument peut également se retourner : les inégalités naturelles (de force, de talent, d’intelligence…) existent bel et bien, et Rousseau  peut toujours affirmer qu’elles restent en quelque sorte périphériques dans la société naissante qu’il décrit (1), rien ne le prouve ! Kant préfèrera s’appuyer sur une autre notion de la nature humaine, comme fin ou destination, pour fonder le droit « à priori » (il faut entendre : l’homme « comme but final de la création »). Mais il s’agit dans tous les cas de s’appuyer sur le droit naturel pour montrer le caractère contingent et social de l’inégalité, et par conséquent, non pas de revenir en arrière, mais de voir comment par la convention, il est possible de reconstruire de nouveaux rapports sociaux légitimes, étant entendu, dit Rousseau, qu’il est manifestement illégitime « qu’un poignée de gens regorgent de superfluités, tandis que la multitude affamée manque du nécessaire. ».Il explique également que « si les riches sont trop riches et les pauvres trop pauvres », c’est la stabilité du contrat implicite qui fonde la vie en commun qui est menacée.

 

Egalité et collectivisme … Face à ce constat, il serait trop facile d’écarter d’un revers de main la perspective collectiviste (communiste), sous prétexte qu’elle a, jusqu’à présent en tout cas, historiquement échouée. Collectivisme : absence de propriété privée, communauté des biens. Platon a sans doute était le premier à préconiser le « communisme des élites » (La République). Pour éviter dans la cité rivalité et division, il faut donner le pouvoir à ceux qui ne le désirent pas, c'est-à-dire les philosophes ( !), et mettre en commun, du moins au sein de cette classe des « gardiens », les biens, les femmes et les enfants. Personne ainsi ne pourra dire, comme le dit Rousseau, « ceci est à moi », phrase qui pour lui est constitutive de la société et de l’inégalité parmi les hommes. Aristote va objecter que contrairement à ce que dit Platon, cette mise en commun, en particulier en rendant opaque la filiation, bien loin de resserrer les liens entre citoyens, va dissoudre le lien social. La rivalité est selon lui une donnée permanente de la vie sociale (qu’on ne peut par conséquent supprimer), et la vraie question n’est pas celle de la communauté des biens mais celle de la distribution des biens (d’où la notion de « justice distributive »)

Chez Marx, on retrouve l’idée que c’est bien la propriété privée des moyens de production qui est responsable du processus d’exploitation et donc du profit extorqué au travailleur, sorte de travail gratuit appelé « plus-value » (2). Là encore, on peut constater qu’à partir du constat de l’inégalité, il y a deux façons très divergentes d’aborder la question : soit on pense exploitation inhérente à la propriété privée, est nous sommes dans « un jeu à somme nulle » (les gains d’une poignée correspondent exactement à la perte de tous les autres), c’est à dire que le gain ou le profit est véritablement extorqué et inhérent au procès de production capitaliste. Soit nous considérons  que la distribution ou la répartition des surplus dans l’entreprise est ouverte et soumise aux rapports de force et négociations, et qu’il ne s’agit en aucune manière d’un jeu à somme nulle, même s’il n’est pas question non plus d’en faire, de manière angélique, le jeu d’une pure coopération. La répartition du sur-produit de la coopération sociale (car c’est bien de cela qu’il s’agit…) est ainsi l’objet d’un compromis à partir de la reconnaissance de l’autre comme égal, et du choix en commun de règles valables pour tous (c’est à mon sens toute la différence entre la perspective réformiste et social-démocrate et celle « marxiste-révolutionnaire »). 

 

Egalité radicale et proportionnalité ou « équité »

Des auteurs comme Baboeuf ou Proudhon (« la propriété, c’est le vol ») vont défendre l’idée d’une stricte égalité de condition sociale entre les hommes, au-delà des égalités de droit De leur point de vue, seule cette stricte identité des conditions d’existence est moralement juste (3). Hegel expliquera que la volonté d’imposer coûte que coûte à une réalité complexe et rétive des idées dictées par la Raison peut conduire à la Terreur… Dans la sphère des droits politiques également, cet idéal égalitaire peut déboucher sur l’idée de démocratie directe (chaque individu exerce également le pouvoir) ou sur le tirage au sort tel qu’il a été un moment pratiqué dans la cité athénienne : les magistrats étaient ainsi tirés au sort… comme dans les jurys d’assise, et non pas choisis comme « meilleurs » (= la plus grande égalité possible). Mais il s’avère que cela « ne marche pas » pour les stratèges (commandants de guerre), et conduit à la défaite… Et les ingénieurs ? Les profs ? Les juges ? renchérira, non sans une certaine malice, Socrate.. Faut-il donc introduire une dose d’aristocratie dans la démocratie pour qu’elle survive ? Elire le « meilleur » est déjà une dérive pour les démocrates radicaux. Rousseau notamment adhère à cette critique du système représentatif qualifié d’aristocratique. Dans cette obsession du partage du pouvoir, on retrouve aussi le principe de l’envie, que l’on pourrait résumer ainsi : « plutôt en avoir moins, plutôt que l’autre en est plus que moi… ». Cette volonté « qu’aucune tête ne dépasse », peut faire penser à ce que Nietzsche dénonçait violemment dans une certaine idée de la démocratie : l’instinct grégaire, de conformité, le « nivellement par le bas », qui finit par condamner ses protagonistes à la médiocrité…

Quoiqu’il en soit, c’est Aristote qui le premier introduit la notion de proportionnalité au sujet de l’égalité. Est-il juste en effet de donner la même chose à tout le monde, quelque soit le comportement de chacun ? « A chacun son dû » ou « à chacun sa part », ou « à chacun ce qui lui revient », telles sont les formules consacrées ; même si certains y voient un « sophisme de l’inégalitarisme », il est difficile de ne pas prendre en compte cette idée de proportionnalité, et donc de distinguer égalité et équité ( ?). Mais en même temps, les formules sont un peu tautologiques : comment peuvent-elles se traduire dans les faits ? Le problème central de la justice va précisément être de définir des principes à priori de détermination des parts de chacun. Comment, en quelque sorte, opérationnaliser le « à chacun son dû » ? Cette formule peut être complétée au moins de trois façons différentes : à chacun selon son … travail, … ses besoins, … son mérite. Mais ces formules ne vont pas sans poser de redoutables difficultés. « A chacun son travail » : comment comparer des travaux de nature différentes ? Qui va comparer (avec tous les risques d’autoritarisme associés) ? Comment peut-on prendre en compte et mesurer l’utilité du travail, si c’est le critère que l’on retient) ? « A chacun selon ses besoins » : c’est très problématique compte-tenu de la grande variabilité et relativité de cette notion de besoin ? De quels besoins parlent-on ? S’agit-il également de ce qui est désirable ? Qui fait la part entre besoins légitimes et besoins illégitimes ? De plus, quelle est la société d’abondance (au niveau mondial…) dans laquelle ce principe est applicable ? La dernière formule étant celle qui a été souvent retenue par notre « idéal républicain » (le fameux élitisme républicain qui passe par l’ « égalité méritocratique »), nous pouvons nous y arrêter un peu plus.

 

Egalité et mérite

Il s’agirait donc de proportionnaliser l’égalité au mérite ou à la compétence, au moins au nom d’une certaine efficacité, et par conséquent de donner inégalement à des individus inégalement méritants ; V. Hugo dira à ce sujet (les Misérables,IV partie, I, chap IV : « Le partage égal tue l’émulation, et par conséquent le travail. C’est une répartition faite par le boucher qui tue ce qu’il partage » (on ne peut pas ne pas penser à ce sujet au Jugement de Salomon…). Ceci dit, cette notion de mérite n’est pas simple du tout ...Que désigne-t-il au juste ? Qu’est-ce qui « vaut » véritablement pour justifier l’inégalité ? Trois caractéristiques attachées au mérite peuvent nous aider : 1) un ensemble de compétences ou de vices réalisés  2) la distance qui sépare le point de départ de la compétence acquise  3) la vertu liée à un certain effort. Cette conception de l’égalité méritocratique apparaît comme finalement aristocratique (au sens étymologique du « meilleur » et non au sens de l’Ancien Régime ou tout est joué à l’avance par les privilèges de la naissance). C’est la raison pour laquelle l’élection du « meilleur » apparaissait comme une dérive aristocratique pour les démocrates radicaux (d’où la critique du système représentatif, en particulier chez Rousseau). Quoiqu’il en soit, en démocratie, tout homme a la même valeur, la même dignité morale. L’inégalité des talents ou les efforts consentis n’auraient par conséquent pas de valeur morale intrinsèque ? Mais surtout, il n’y a  nul « mérite » attaché aux atouts naturels ou à sa position de départ dans la vie (car en effet on ne peut faire abstraction dans le jeu social de l’arbitraire et des inégalités des conditions initiales). Nous savons bien également que les inégalités prétendument naturelles (de talents, de force, mais aussi concernant des capacités de mobilisation, d’effort, de motivation) sont lourdement grevées par les hasards de la naissance, les diverses déterminations sociales et histoires personnelles. «  Nous ne méritons pas notre place dans la répartition des dons à la naissance, pas plus que nous ne méritons notre point de départ initial dans la société. » (John Rawls, in « Théorie de la Justice »). Et pourtant, n’y a-t-il pas une certaine légitimité à ce que les individus s’attendent à voir leurs efforts et leurs « résultats » récompensés ? 

Comment peut-on, dans l’esprit d’une justice que nous qualifierons alors d’ « équitable », accorder un rôle au mérite sans abandonner l’idéal égalitaire ? Nous reviendrons bientôt sur cette question.

 

 Egalité et liberté

Cette référence au mérite s’appuie implicitement sur un principe de liberté seul capable d’entraîner et de promouvoir l’esprit d’initiative et de responsabilité de chaque individu. Car en effet, même si nous ne « méritons » pas notre position dans l’existence ou nos talents personnels, il ne peut être question non plus de refuser ce que nous pourrions appeler un droit naturel à profiter de ceux-ci (qui nous appartiennent). De fait, à partir de 1848 en France, l’égalité apparaît indissociable de la liberté et de la fraternité. Mais comme le montre bien E. Morin dans « Une politique de civilisation », chaque notion de cette « figure trinitaire » est à la fois dans une relation complémentaire et antagoniste avec les deux autres (relation dialogique) : l’égalité imposée tue la liberté sans réaliser la fraternité ; la liberté seule risque de tuer l’égalité et la fraternité. Pourtant (c’est moi qui l’ajoute), elle a partie liée avec l’égalité, puisque la première égalité, c’est l’égalité des droits, c'est-à-dire une égale liberté pour tous… Pour que la fraternité puisse se développer (c’est ce qui assure le lien communautaire vécu entre citoyens), il faut réguler la liberté et réduire l’inégalité, dit enfin E. Morin. En effet, un des paradoxes importants de la démocratie, est que l’attribution d’une « égale » liberté à tous (et n’est-ce pas le fondement de la démocratie ? Nous y reviendrons à propos du libéralisme politique) va introduire un mouvement, une dynamique dans l’histoire, telle que des inégalités de richesse importantes vont pouvoir se manifester. L’égalité (de droit) et la liberté démocratiques peuvent produire des inégalités réelles. C’est bien pour les corriger, et rendre effectives la conquête de nouvelles libertés que le socialisme s’est bâti. Il est important de noter ici, lorsque l’on parle « d’égale liberté », que nous nous référons implicitement au concept « d’égalité civile » ou « juridique » (H. Poltier, parle « d’égalité négative ») ; c’est précisément cette idée d’égalité qui sera centrale dans la théorie du libéralisme politique, beaucoup plus que celle d’égalité politique, et encore moins de celle d’égalité sociale… C’est précisément peut-être ce qui permet de distinguer la tradition libérale de la démocratie…

Mais avant de les distinguer, il faut sans doute commencer par dissiper un malentendu fortement ancré dans nos représentations politiques du moment. Car contrairement au sens qu’on lui prête habituellement (il est aujourd’hui assimilé au libéralisme économique), le libéralisme s’identifie très fortement à la tradition républicaine et démocratique (ce qui peut autoriser Delannoë à se prétendre –à mon sens à bon droit – socialiste et libéral). Il ne faut pas confondre à ce sujet le libéralisme avec la droite libérale qui relève, au sens strict, de la doctrine libertarienne (ou ultra-libérale) (4). Lire à ce sujet le débat dans Philosophie magazine de juillet-août 2008 entre Vincent Peillon et Jean-Fabien Spitz (professeur de philosophie politique à La Sorbonne, et l’un des meilleurs connaisseurs du libéralisme)

 

Egalité, libéralisme et démocratie

Sans revenir sur le processus historique qui conduit à distinguer libéralisme et socialisme, nous pouvons montrer, en nous appuyant sur un excellent article de Hugues Poltier (article de Hugues Poltier : www.contrepointphilosophique.ch), comment nous pouvons opérer, philosophiquement, une distinction entre libéralisme et démocratie.

Faisant de Hobbes (et Grotius) le père d’une pensée libérale qui va se continuer avec Locke, Kant, et B. Constant, H. Poltier explique non sans un certain « brio » comment le libéralisme se distingue de la démocratie et comment également c’est la tradition libérale qui pourrait le mieux rendre compte de la réalité de nos sociétés modernes aujourd’hui. Il distingue en effet « le gouvernement de la société par elle-même », la prise en main de son propre destin par le peuple lui-même (ce que Marcel Gauchet appelle « le gouvernement de soi collectif », qui selon lui se défait actuellement), réputé être la visée originaire constitutive de l’aspiration démocratique, du libéralisme politique. Pour celui-ci en effet, le pouvoir politique réside en deux choses :  d’une part, assurer la protection de l’individu vis-à-vis des empiètements de ses semblables ; d’autre part, le protéger de l’arbitraire de ce même pouvoir. Il est par conséquent question avant tout d’« égalité négative » ou « égalité civile » (égale protection, et droit égal à faire tout ce que la loi n’interdit pas) comme valeur centrale, alors que les droits politiques, censés instituer le « sujet-citoyen » comme principal artisan de la conduite de la société sont au contraire dévalorisés. Cette conception du pouvoir est donc plutôt technique et gestionnaire : il s’agit surtout de réguler la vie sociale et les échanges entre individus et d’assurer la paix sociale permettant à chacun d’être libre de ses actions et de ses choix, la liberté et la jouissance de l’individu dans la sphère privée étant la fin dernière. Dans cette perspective, l’important n’est pas tant d’assurer la souveraineté populaire que d’assurer, via la participation du peuple en tant que corps électoral, la légitimité incontestée du gouvernement.

Quelque soit le jugement porté sur une telle conception, il faut bien reconnaître qu’elle semble correspondre à la politique d’aujourd’hui et au fonctionnement de notre société : dimension gestionnaire du pouvoir et place donnée aux experts, démocratie comprise avant tout comme méthode de gouvernement et de prises de décisions, importance considérable de la protection de l’espace privé, repli sur le privé et relative désertion du politique (sinon comme scène de théâtre). Nous pouvons considérer qu’historiquement la pensée libérale a finalement imposée ses priorités à la démocratie, mais nous pouvons également penser qu’il est possible et souhaitable de réinsuffler un esprit plus conforme à l’idéal démocratique, notamment en réactivant l’égalité et l’effectivité des droits politiques. Mais aussi « la question de la justice comme équité » (la question sociale), selon l’expression de John Rawls. La suite montre avec Rawls que le libéralisme peut très bien intégrer la question de la justice sociale, contrairement à ce que prétendent des théoriciens de cette école comme Hayek ou Nozick

Concilier l’idéal égalitaire et l’efficacité : qu’est-ce qu’une « inégalité juste » ? La théorie de la justice de John Rawls

Il est difficile aujourd’hui de parler d’égalité et de justice sans se référer à l’œuvre qui a fixé le cadre de cette discussion pour la période contemporaine : la fameuse « Théorie de la Justice » de John Rawls. Il se situe dans la tradition libérale, mais sa conception de la justice est telle qu’elle a rencontré les préoccupations du mouvement socialiste et socio-démocrate. Il s’agit donc pour lui de définir ce qui est juste, sans évacuer pour autant la valeur de l’efficacité dans nos sociétés modernes, et donc la notion de mérite. Mais contrairement à ceux qui en font une valeur morale, la récompense des efforts et des talents n’est pour lui qu’un instrument. Autrement dit, ce n’est pas au nom du mérite (qui n’est donc pas une valeur en soi, ni un critère de justice) que l’on peut justifier (moralement) les inégalités. Il s’agit cependant de reconnaître la légitimité de ces attentes (voir ses efforts récompensés), et le mécanisme du marché comme nécessaire en tant que mécanisme de régulation principal des incitations à produire des richesses. En ce sens, l’idéologie du mérite est à la fois illusoire et nécessaire. Nous aimons nous dire qu’il est juste que nos mérites soient récompensés en tant que tels, alors que la justice doit être fondée indépendamment de ces considérations liées au mérite. Les récompenses ne sont que des stimulis utiles (au nom de l’efficacité), rien de plus. Mais la transparence de ces mécanismes n’est peut-être pas possible, ni souhaitable…

Rawls s’inscrit dans une perspective libérale et affirme notamment le pluralisme des conceptions du bien et du bonheur ; Comme Popper, il pense que l’Etat ne doit pas chercher à faire le bonheur des citoyens et imposer une idée du Bien, mais seulement diminuer leurs souffrances, éradiquer un certain nombre de maux. En revanche, il pense qu’il est possible et souhaitable d’arriver à un accord sur la conception du juste, des fondements du droit et de la citoyenneté.

Car au-delà du pluralisme des conceptions du bien, il y a un certain nombre de « bien sociaux premiers » que tous les hommes désirent avoir plus que moins, et qui sont la condition de réalisations de tout projet de vie, quelque soit sa singularité. Ces biens sociaux premiers sont les droits, les libertés et les possibilités offertes, les revenus et la richesse. Ils constituent « les bases sociales du respect de soi-même »). L’importance qu’il accorde à la philosophie sociale l’éloigne de penseurs de l’individualisme classique comme Tocqueville ou Hayek. Pour lui, il y a deux raisons pour lesquelles la conception libérale est insuffisante : 1) la répartition des richesses et des pouvoirs obéirait à une sorte de « loterie naturelle », ce qui est arbitraire d’un point de vue moral. 2) Le développement des capacités naturelles (même la disposition à faire un effort) est affecté par toutes sortes de conditions sociales et d’attitudes de classe, dépendantes de circonstances sociales et familiales ; il est donc pratiquement impossible d’assurer des chances égales de réalisation et de culture à ceux qui sont doués de manière semblable. Il va ainsi réconcilier théoriquement le libéralisme politique avec les droits sociaux. Pour lui, la justice sociale est un moment essentiel de la liberté individuelle (et non en opposition)  

 

Qu’est-ce qui va donc être retenu comme principes de justice qui fassent consensus ?

Rawls présente une « expérience de pensée » dit du « voile d’ignorance » à partir de laquelle il va pouvoir déduire ces principes. De quoi s’agit-il ? Imaginons un « voile d’ignorance » qui soumet les citoyens à une incertitude totale sur les déterminations qui les caractérisaient en propre : leur place dans la société, leurs goûts, leurs croyances, leurs talents, leur sexe…etc. Et demandons leur de s’entendre sur des principes de justice qui font l’unanimité. Cette égalité radicale des conditions par construction doit permettre l’équité de la solution retenue. Il serait peu plausible d’imaginer qu’ils choisiraient une société radicalement égalitaire où les parts de pouvoirs et de revenus ne seraient corrélées d’aucune manière à la contribution de chacun : car alors quelles incitations à travailler, à prendre des risques (c’est en ce sens que le mérite, même s’il n’est pas une valeur dans la théorie de Rawls, reste un instrument de l’efficacité) ? Les principes retenus introduiront notamment le concept d’inégalité juste ;  ils seront les suivants ( à noter que l’ordre de ces principes est hiérarchique, « lexical » suivant son expression)

1)      principe de liberté : droit égal de chacun au système le plus étendu possible de libertés égales pour tous, qui soit compatible avec le même système pour les autres

2)      les inégalités sociales doivent être organisées de telle façon que :

 

a)      principe de l’égalité des chances

b)     principe de différence : Rawls s’appuie ici sur le « principe de Pareto » très connu en Economie, dit aussi « principe d’unanimité » : « Si une situation A est plus inégalitaire qu’une situation B, mais que tous les individus préfèrent pour ce qui les concerne A à B, alors A doit être socialement préférée à B ». C’est le critère de l’avantage mutuel. Les inégalités sociales doivent être organisées de façon à ce qu’elles apportent aux plus désavantagés les meilleures perspectives. En réalité, c’est au nom des plus défavorisés que les inégalités peuvent être justifiées. Ces principes ont des conséquences très concrètes : l’Etat peut redistribuer les revenus au profit des plus défavorisés jusqu’au point où une nouvelle diminution des inégalités provoquerait en retour une telle baisse de la production que les plus défavorisés eux-mêmes y perdraient. Nous avons ainsi cette définition de « l’inégalité juste », à l’allure quelque peu paradoxale : « Une inégalité est juste si et seulement si la diminution de l’écart entre le plus favorisé et le moins favorisé (dans le cas simplifié d’une situation à deux partenaires : les « riches » et les « pauvres »), loin d’améliorer le sort du plus mal loti, contribue à l’empirer. », par exemple en « désincitant » les individus à innover, à prendre des risques ou à sacrifier des heures de loisir, pour les  consacrer au travail. Une société moins inégalitaire qu’une autre n’est pas forcément plus juste. Cette théorie de la justice va ainsi légitimer les interventions volontaristes de l’ Etat sur le marché, contrairement aux principes de l’économie libérale classique.

 

Cependant un objection de taille…

En ce sens, tout en étant libérale, cette théorie est tout à fait compatible avec une conception très « politique » de la démocratie, au sens de « gouvernement de soi collectif » (M. Gauchet). Elle est en effet solidaire d’une démocratie moins vécue comme méthode de gestion que comme le milieu favorable à un combat politique pour faire entendre sa voix, conquérir des droits, et gagner des luttes grâce auxquelles ceux qui ne font pas partis des « favorisés » peuvent prétendre à une part plus substantielle du produit de la coopération sociale. Mais cette caractéristique de la théorie constitue peut-être aussi la principale objection que l’on peut lui opposer aujourd’hui, compte-tenu des nouvelles donnes contemporaines de la globalisation. C’est en tout cas le point de vue développé par H. Poltier : cette conception de la démocratie est selon lui, on l’a vu, solidaire du cadre national : jusqu’à la fin des « Trente Glorieuses », même si les échanges se produisaient déjà à l’échelle de la planète, la plus grosse part de ce qui était consommé sur le territoire y était également produite. Ainsi « un partenariat fort unissait les parties en présence, à savoir le Capital et le Travail. Le premier sachant qu’il avait besoin du second puisqu’il ne pouvait pas aller chercher ses forces de travail ailleurs, a dû, pour obtenir sa collaboration, lui concédait une part croissante du produit de la coopération sociale, ce qui a entraîné une diminution, relative certes, des inégalités » (cf. en effet à ce sujet Dossier récent de Sciences Humaines : « Le retour des riches »). Dans ce contexte, la théorie de Rawls, qui s’appuie sur une communauté de contractants définis par leur capacité productive, et dont le présupposé est que l’apport productif de chacun est avantageux pour tous les autres, apparaît tout à fait crédible. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? La situation dans laquelle il place ses contractants n’est-elle pas devenue « de plus en plus impensable » ? La possibilité pour une communauté humaine de s’appliquer des règles qu’elle souhaite s’appliquer à elle-même suppose que celle-ci soit pour chacun le lieu le plus intense d’échanges avec ses semblables. Or cette condition apparaît ruinée par l’intensification du processus de mondialisation : la souveraineté des Etats Nations n’est-il pas qu’un leurre aujourd’hui ? Que se passerait-il, par exemple, si un pays, de manière isolée, décidait, par souci de justice sociale, d’imposer les gains spéculatifs ? Ne verrait-il pas tous ses investisseurs déserter aussitôt le territoire ? Sur la description de ce phénomène, se reporter à André Gorz «( « Misères du présent. Richesses du possible »), cité par H. Poltier : la libéralisation de la circulation des capitaux a entraîné une émancipation du capital à l’égard du pouvoir politique inconnue jusqu’alors : « l’Etat supranational du Capital apparaît pour la première fois comme un Etat émancipé de toute territorialité…, indépendant et séparé de toute société, situé en un non lieu d’où il limite et règlemente le pouvoir des sociétés de disposer de leur lieu. ».Comment alors penser l’exercice de la citoyenneté ? Ce constat ne renvoie-t-il pas à une forme d’impuissance citoyenne, habités que nous sommes du savoir que l’essentiel se joue ailleurs que ce sur quoi nous-même, et les autorités de nos pays, avons prise ? Nous comprenons en même temps pourquoi la conception libérale, axé essentiellement sur la protection de l’individu privé et de son domaine réservé, est aujourd’hui, et sans doute pour longtemps encore, dominante. … peut-être parce que la seule praticable…

 

 

Après avoir commencé notre sujet en parlant de l’égalité de droit, puis de l’égalité réelle (au sens de justice sociale), nous terminerons en revenant, en guise de prologue, sur cette même égalité de droit, pour dire quelques mots, avec Marcel Gauchet, sur la manière dont cette notion a évolué au cours du processus de la modernité.

 

Egalité et identité

« Nous sommes égaux en ce sens que le respect que l’on doit à chacune de nos identités propres est égal, non au sens où l’on pourrait nous échanger les uns avec les autres. ». Cette affirmation de Rawls est très intéressante car avec sa mise en valeur de la notion d’ « identité propre », elle semble dépasser un certain universalisme abstrait habituel des « droits de l’homme » (un = un, d’où le risque d’interchangeabilité). Pour Rawls, l’égalité ne doit pas effacer l’identité. Il est instructif à ce sujet d’évoquer la manière dont Marcel Gauchet retrace l’évolution historique de cette idée d’égalité dan l’ère de la démocratie.

 

- « l’égalité-ressemblance » : l’égalité, c’est d’abord le refus des inégalités naturelles qui servaient de légitimation à l’aristocratie. Nous sommes en réalité beaucoup plus ressemblants que différents. Egalité et identité (au sens de identique) sont presque confondues ici.

 

- « l’égalité de droit » : c’est l’égalité de la Déclaration Universelle. Tous les hommes sont égaux en droit, au-delà ou malgré leurs différences individuelles. Notion abstraite d’Homme, à laquelle sont associés des droits inaliénables. Les différences ne sont qu’un épiphénomène. Les individus sont en quelque sorte des « atomes de droit » interchangeables. C’est ce que Gauchet appelle « l’individualisme égalitaire ».

 

- « l’égalité-identité » : approfondissement de la notion de droit dans la période contemporaine, avec un retour, corrélatif, de l’individu concret. L’égalité, c’est le droit égal pour chacun à affirmer ses différences. C’est une affirmation de l’égalité dans la différence. Je ne suis pas ton égal malgré ma différence ; je suis ton égal avec ou dans ma différence. Cette conception intègre et dépasse les deux premières, et correspond à l’ère de « l’individualisme identitaire ».

 

En forme de conclusion…

Sans entrer davantage dans un débat, il serait à mon sens instructif de « tester » ces différentes conceptions de l’égalité à l’épreuve du traitement philosophique et politique de la différence des sexes, ou encore de la diversité culturelle (traitement en France de la question des minorités ethniques et culturelles)… Et plus encore, comment notre conception traditionnelle de la laïcité à la française peut-elle « intégrer » cette notion d’égalité-identité ? Et le peut-elle ?

 Nous pouvons suggérer aussi d’aborder dans la discussion la question de l’égalité des chances à l’école, pour « appliquer » sur un problème récurrent et important notre discussion sur l’égalité. Comment pourrions-nous définir ici ce que Rawls appelle des « inégalités justes », à défaut d’une école idéale et parfaitement égalitaire qui non seulement n’existera jamais mais qui peut-être aussi nous empêche d’aller vers le changement. C’est à cette tâche que semble s’atteler le sociologue de l’éducation François Dubet dans son dernier livre « L’école des chances »…

 

NOTES

 

(1) « Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes » : la position de Rousseau sur l’origine de l’inégalité est loin d’être simple. D’une part il affirme que ce sont les institutions sociales qui produisent l’inégalité : qui empêchent que les chances soient égales pour tous, qui placent les uns en position de supériorité, les autres en position d’infériorité ; qui donnent certains droits au uns pour les refuser aux autres (c’est bien sûr la société d’Ancien Régime qui est visée). Mais il reconnaît d’autre part que les inégalités naturelles existent et qu’elles deviennent manifestes aussitôt que les hommes se regroupent et commencent à s’organiser collectivement : lorsque les relations se développent entre eux, aussitôt apparaissent, avec l’amour-propre (premier sentiment social d’après Rousseau ; Hegel parlera de la première manifestation de la conscience de soi), les comparaisons et leurs lots d’inégalités cette fois vécues comme telles : le plus fort, le plus adroit… et de sentiments sociaux comme la jalousie, le mépris, l’envie, l’idée de mérite…. Rousseau pointe également le ressort économique de l’avènement de l’inégalité matérielle et sociale : « dès qu’on s’aperçut qu’il était utile à un seul d’avoir des provisions pour deux (ce qui suppose ce que les marxistes appelleront l’apparition d’un surplus économique), l’égalité disparut, la propriété s’introduisit ». Mais à partir de là, de manière assez étonnante, Rousseau déclare que cette société commencée, ou communauté, aurait pu être non seulement le commencement, mais aussi l’aboutissement du processus social. A certains moments, il montre que cette phase communautaire contient en germes tous les développements ultérieurs ; à d’autres moments, il parle d’un « heureux équilibre » ou « juste milieu » qui aurait dû durer, si un « funeste hasard » n’était pas intervenu ; « par un funeste hasard, l’égalité disparut, la propriété s’introduisit ». Comme s’il refusait de faire le lien entre ces premières inégalités et les inégalités « matérielles » (de biens). Il y a en réalité chez Rousseau une « préscience » de nature sociologique prête à rendre compte du développement des processus sociaux en tant que tels, irréductibles aux volontés individuelles. Mais celle-ci est contrebalancée par un romantisme culturel nostalgique d’une communauté bienfaitrice conciliant harmonieusement la nature et l’artifice, et donc la volonté de marquer une rupture entre cette société naissante proche de l’état de nature, et ce qu’il appelle l’Etat civil.

Ces difficultés avec lesquelles Rousseau se débat sont inhérentes au projet de vouloir fonder l’égalité sur l’état de nature, projet qui le conduit à ce que l’on pourrait appeler après Kant une antinomie : soit on pose un état de nature égalitaire et alors comment introduire dans un second temps la rupture caractéristique de l’état de société ? Soit on montre que dès le départ les germes de l’inégalité sont là, mais alors que devient notre prétendu état originel où règne l’égalité naturelle ? Claude Levi-Strauss montrera que cette séparation et ce dualisme nature/culture repose en réalité sur une fiction. Comment d’ailleurs passer insensiblement de la nature à la culture comme essaie de le décrire Rousseau dans son Discours, alors qu’on est parti d’un dualisme premier qui l’interdit ?  En vérité, ne sommes-nous pas de part en part culturés, sujets d’histoire et de culture ?

 

(2) Marx va prolonger de ce point de vue l’analyse de Rousseau en déclinant chaque forme de propriété comme historiquement déterminée, c'est-à-dire correspondant à des conditions d’existence, d’organisation du travail, de développement des forces productives propres à chaque stade du processus historique. Nous retrouvons là bien sûr à l’œuvre la méthode du matérialisme historique pour lequel il faut non pas « descendre du ciel à la terre », mais « remonter de la terre au ciel » (l’Idéologie Allemande) pour comprendre l’histoire du monde, et donc partir non pas du concept abstrait d’homme (ou d’autres Idées telles que la volonté, la conscience de soi ou la liberté pour expliquer la propriété comme le fait Hegel…), mais des individus concrets, historiques, aux conditions d’existence déterminées. Ainsi Marx va distinguer la propriété féodale (propriété agricole et propriété corporative), la propriété manufacturière, et enfin la propriété capitaliste (et l’apparition concomitante d’une nouvelle classe sociale : la bourgeoisie) correspondant au développement de la société industrielle.

Cf. aussi Engels, « L’origine de la famille, de la propriété et de l’Etat », et E. Mandel « Traité d’économie marxiste, Tomes 1, 2, 3, 4)

 

(3) Proudhon et « son enthousiasme de l’égalité » ; sa conception de l’égalité se confond  avec celle d’identité de condition et de fortune

Il entend démontrer « l’immoralité flagrante de toutes ces théories de la répartition proportionnées au mérite et à la capacité, et croissant ou diminuant suivant le capital, le travail ou le talent. »

C’est ainsi que partant en guerre contre toutes les formes d’accumulation et de propriété capitaliste, il ne cessera de défendre l’idéal de la petite propriété agraire -5 hectares pour chaque famille-, qui est pour lui le remède aux maux de la société (il ne faut pas oublier en effet que Proudhon rejetait catégoriquement l’idée marxiste de communauté des biens)

(in « Célébration du dimanche »)

 

(4) Hayek et Nozick : Ces deux théoriciens sont considérés comme les penseurs du libéralisme radical : ils partent du principe que la notion de justice redistributive est privé de sens et dangereuse. La justice doit veiller au respect des règles « de juste conduite », de la propriété, des contrats, des conditions d’échanges, règles avant tout issues de la société civile. Le postulat de départ est que le marché, supposé fonctionner idéalement sans contraintes, s’auto-régule sans instance centrale et produit le maximum de bienfaits.