"Qu'est-ce-que le beau ? Se discute-t-il ?
samedi 20 mai 2017 à 18H30 à la Maison des Arts de Bédarieux
dans le cadre de la Nuit européenne des Musées
Le sujet :
"Qu'est-ce que le beau ? Se discute-t-il ?"
Présentation
Ecrit philo
Qu’est-ce que le beau ? Se discute-t-il ?
Ø L’idée du beau présuppose un jugement esthétique qui implique la possibilité d’une certaine « objectivité »…
Ø « Le » beau ?
Ø Le classicisme : beauté, représentation, vérité
→ La conception classique
→ La critique des empiristes (XVIII)
→ La thèse hegelienne du beau comme représentation sensible du vrai
Ø La beauté, une question « vitale »… Nietzsche et le « grand style »
Ø La subjectivité du beau : en quel sens ?
→ La subjectivité comme chemin privilégié vers une réalité plus « vraie » ?
→ La beauté semble résider dans l’alchimie de la rencontre entre un sujet et un objet
→ Le rapport à la vérité de la beauté nous apprend-elle quelque chose sur ce qu’elle est ?
Ø « Est Beau ce qui plaît universellement sans concept », Emmanuel Kant
Ø Beauté naturelle et Beauté artistique
Ø L’être du beau est tout entier dans son apparaître (distinction avec l’objet d’usage et de consommation)
Ø « La forme, c’est le fond qui remonte à la surface » (Victor Hugo)
Ø Le « sens » du beau plutôt que sa « vérité »….
Ø Un « là-bas » qui n’est autre qu’ici
Ø La beauté comme accomplissement qui me transporte hors de moi
Ø « Ce qui reste » malgré l’effort de la pensée…
L’idée du beau présuppose un jugement esthétique qui implique la possibilité d’une certaine « objectivité »…
Deux questions qui nous entraînent dans le domaine du jugement esthétique, du jugement du beau. Beauté naturelle, beauté aussi qui est celle de nos créations, artistiques bien sûr, mais aussi de tous les objets que nous fabriquons et qui nous entourent… L’accent est mis en effet de plus en plus sur une « esthétisation » de notre environnement, via le packaging, le bodybuilding, les visages maquillés, la publicité, le design, les vêtements, le cadre de vie, la chirurgie plastique, ou encore les tatouages et les piercings, mais aussi nos jardins et nos architectures… etc. Souci esthétique qui paradoxalement d’ailleurs semble s’être volatilisé dans l’Art contemporain…Qu’est-ce que la beauté ? Sans écarter la question de la beauté naturelle, nous serons davantage attentif à la beauté artistique… Si elle a une valeur qui se veut un tant soit peu « objective » (c’est-à-dire à minima ayant vocation à être reconnu par un grand nombre… voire universellement reconnue), elle ne peut pas être dépendante seulement du goût de chacun… Qui dit « jugement du beau » dit possibilité de trouver un accord ou un relatif consensus sur ce qui est beau, ce qui suppose qu’il y a un certain « sens commun » du beau… Sauf à privilégier un relativisme ou un subjectivisme du beau qui nous contraindrait à reconnaître que « les goûts et les couleurs ne se discutent pas ». Mais alors, comme le souligne Nietzsche, pourquoi passons-nous notre temps à le discuter ? Lorsque nous discutons de quelque chose, comme nous allons le faire, nous supposons deux choses : la première est que nous faisons le pari d’un possible accord, que nous avons l’espoir d’obtenir, en droit sinon en fait, un assentiment partagé, que nous ne sommes pas condamnés à un subjectivisme radical. Mais la seconde est que nous discutons parce qu’il n’y a pas de preuve qui tranche de façon démonstrative (car sinon, à quoi bon discuter, la chose serait entendue). Malgré cette impossibilité de pouvoir trancher « scientifiquement », nous avons une « attente d’accord » sur le beau, et il a pour nous une valeur universalisable. En quoi donc peut consister une certaine « objectivité » du beau dans ces conditions, c’est bien notre question de ce soir… Mais qu’est-ce donc que l’idée du beau ?
« Le » beau ?
Remarquons pour commencer comment notre langage (l’expression « le » beau, telle qu’elle est employée dans notre question) a tendance à essentialiser la beauté en en faisant un concept (le beau). François Jullien, philosophe et sinologue qui n’a de cesse de mettre pensée occidentale et pensée chinoise en vis-à-vis, nous rend attentif à cette spécificité de la première depuis Platon (« Cet étrange idée du beau ») : dans l’Hippias Majeur, Platon met en difficulté son interlocuteur qui ne sait pas distinguer entre des objets beaux et « le beau »… Une belle journée, une belle pièce, un beau tableau, un beau livre… etc., un tel usage de l’adjectif montre que « les belles choses » ainsi nommées recouvrent un large spectre de beauté dans sa pluralité et sa diversité. Mais le substantif « le beau », qu’une langue comme le chinois n’utilise jamais, a d’autres ambitions, celles du concept. Revenons à Platon : l’idée de beau désigne la « vraie réalité », celle de l’intelligible, alors que toutes ces versions sensibles et diversifiées n’en sont que de pâles copies dégradées par rapport à l’original. L’idée du beau renvoie donc à « l’eidos », c’est-à-dire l’essence ou la forme idéale. « Le beau » est au cœur du sensible, mais fait signe vers ce qui le dépasse. La présence des beaux corps sont comme les témoins de l’être. Par leur intermédiaire, le philosophe a accès aux belles âmes puis à la quintessence des idées… Plotin ira jusqu’à tirer un trait d’équivalence entre l’être et le beau. Autrement dit, plus il y a d’être, plus il y a de beauté. L’artiste imprime dans la matière (par exemple le marbre) la forme idéale de ce qui va devenir une statue… Que nous le voulions ou non, nous sommes les héritiers d’un certain nombre de partis pris de cette pensée occidentale, en particulier cette disposition à la quête de « l’être des choses » est notre marque de fabrique.
Le classicisme : beauté, représentation, vérité
La conception classique.
« Le beau est l’éclat du vrai » disait Hegel. Nous ne pouvons retracer ici l’histoire du beau comme représentation sensible du vrai, mais nous donnerons quelques points de repères. Nous avons vu comment chez Platon le beau sensible peut nous conduire du visible à l’invisible (le monde intelligible), et entretient donc un rapport étroit avec la vérité. Le classicisme est dans son prolongement direct : l’universalité du bon goût, comme posé à priori, correspond à un certain nombre de critères esthétiques que l’on peut qualifier de canoniques, et la finalité de l’œuvre consiste à capter la beauté qui lui est extérieure, celle de « la belle nature » chère aux anciens et de ses vérités éternelles. Le microcosme de l’art doit reproduire l’essence du macrocosme. Transposition sensible de la vérité d’un monde et de sa beauté. L’art poétique de Boileau, véritable bréviaire de cette conception de l’art, nous apprend que le génie classique est celui qui est capable d’imiter la nature, et qu’il y a une adéquation naturelle entre l’artiste (le sujet) et l’objet représenté. Le peintre, le sculpteur, le poète sont des intercesseurs entre l’homme et la nature. Il s’agit de « copier la nature éternelle », ce dont s’amusera Pascal, qui se demande avec malice pourquoi admirer la copie plutôt que l’original… C’est peut-être la prouesse technique que l’on salue, mais surtout l’idée de copie est trompeuse car elle nous incite à penser qu’il ne s’agit que d’une forme de clonage… Or l’œuvre n’est pas un simple analogon de la réalité, mais une « représentation ». Qui laisse place en conséquence à la subjectivité projective de l’artiste, et à sa quête de l’Idée, sensée saisir « l’eidos » (l’essence).
Cette conception de l’art classique a prévalue pendant de nombreux siècles, alors qu’aujourd’hui elle nous apparaît beaucoup trop naïve : la variété et la diversité des formes de beauté auxquelles nous sommes désormais confrontées nous empêchent de croire en la possibilité de critères canoniques et objectifs capables de définir à la fois la finalité et les conditions de réalisation du beau.Nous savons la façon dont l’histoire et la culture pèse sur nos jugements esthétiques, et donc la relativité de ces derniers.
La critique des empiristes (XVIII)
La fonction du beau étant de plaire et de provoquer une sensation agréable, il est en relation directe avec le sentiment et la sensibilité de chacun, et ne peut être l’objet d’une définition unique. Même la discussion ne peut nous permettre de nous entendre là-dessus, car le sentiment peut varier d’un individu à l’autre. Le danger qui apparaît aussitôt par rapport à une telle théorie est bien sûr un relativisme et/ou un historicisme extrêmes, jusqu’à compromettre l’idée même de « jugement de goût », tout se valant d’une certaine manière. Hume parvient à éviter ce risque avec un argument de fait : même si ces jugements peuvent varier, ils sont partagés la plupart du temps car notre jugement de goût renvoie à une commune structure psychobiologique des êtres humains, qui explique pourquoi ces jugements ne sont pas purement aléatoires et dépendant de chacun. Certes les circonstances historiques et culturelles sont responsables de variations, mais sur fond d’identité commune. Cet argument matérialiste d’une harmonie préétablie entre l’objet beau et la conformation du récepteur est séduisante, et ne s’embrasse plus du rapport à la vérité dans l’art. Mais cela suffit-il pour expliquer la formation du jugement esthétique ? L’idée du beau semble disparaître dans cette forme de réductionnisme. Nous verrons comment Kant essaiera de dépasser une telle opposition entre le rationalisme dogmatique du classicisme et l’empirisme de Hume. Mais examinons tout de suite comment Hegel parvient dans une certaine mesure à « sauver » le classicisme en introduisant la dimension de l’histoire
La thèse hegelienne du beau comme représentation sensible du vrai
La thèse de Hegel traduit une sorte de classicisme historicisé : à travers l’art et son histoire, mais aussi la religion et la philosophie, c’est l’histoire de la vie de l’esprit qui se représente. La spécificité de l’art, au-delà de ses différentes supports (architecture, sculpture, peinture, musique, poésie, dans l’ordre de sa capacité d’abstraction), est l’incarnation de l’idée dans un matériau sensible. Comme le dit Luc Ferry, « l’art s’escrime et s’épuise à exprimer l’intelligible dans le sensible, le spirituel dans le matériel ». Le relativisme du jugement de goût est alors en lien direct avec le moment historique de ce déploiement dans le temps de la Raison : par exemple l’art grec rend sensible l’idée fondamentale d’harmonie cosmique, l’art chrétien fait vivre la splendeur du divin, l’art hollandais est l’expression de l’humanisme moderne, sécularisé, la mise en scène de l’humain dans sa vie de tous les jours… La classification et la hiérarchie des différentes formes d’art (précédemment citées) correspondent à sa plus ou moins grande vocation à réduire l’écart entre le fond (l’idée ou la vision du monde exprimées) et la forme : l’art est en effet selon Hegel traversé par cette contradiction qui existe entre le spirituel et le matériel ; il emprisonne toujours plus ou moins l’idée pure dans une gangue, une forme qui ne peut lui convenir complètement. C’est le support le plus immatériel possible qui sera donc le plus apte à surmonter cette contradiction : dans cette optique, la poésie et la musique ne peuvent que représenter une forme d’art plus évoluée que l’architecture ou la sculpture. De même que la religion et surtout la philosophie (le domaine des concepts) sont supérieurs à l’art du point de vue de ce mouvement d’émancipation de l’esprit vis-à-vis du sensible… Chaque forme d’art comme chaque domaine de l’esprit (art, religion, philosophie) représentera de façon privilégiée un moment historique de ce déploiement de l’esprit dans l’histoire. L’humanité, dans sa vocation à se représenter elle-même (contrairement à n’importe quel morceau de la nature qui se « contente d’être » une fois, elle n’est pas seulement « en soi », mais « pour soi », c’est-à-dire conscience de soi), se réfléchit à travers l’art au cours de l’histoire. « L’œuvre d’art est un moyen à l’aide duquel (l’homme) extériorise ce qu’il est… A travers les objets extérieurs, il cherche à se retrouver lui-même » (Hegel, tiré de « Pensées sur l’Art », Albin Michel). Le beau n’est pas ici extérieur à l’œuvre comme dans le classicisme, mais la présentation de la vérité de l’esprit même. L’œuvre est de nature spirituelle, exprimant le pouvoir absolu de l’esprit sur lui-même. C’est la raison pour laquelle pour Hegel la beauté artistique est d’essence bien supérieure à la simple beauté naturelle. Il ne s’agit plus de traduire dans l’œuvre une beauté naturelle extérieure à nous, mais sujet et objet sont ici mêlés dans un même processus créatif et un même sentiment esthétique.
La beauté, une question « vitale »… Nietzsche et le « grand style »
L’esthétique nietzschéenne met radicalement en cause une telle conception « représentative » de l’œuvre d’art. Elle est avant tout l’expression de la vie et de cette « volonté de puissance » aux multiples facettes qui est « l’essence la plus intime de l’être ». Il s’agit de créer des univers qui sont le prolongement de soi-même, mais plus encore de faire entrer l’art dans la vie à tel point que c’est sa vie même qui devient « une œuvre d’art ».« L’art… est une augmentation du sentiment de la vie, un stimulant de la vie. »La beauté est la valeur cardinale de l’art, mais aussi de la vie-même, et relève de ce que Nietzsche appelle « le grand style ». L’art n’est plus sensé représenter le « vrai » monde opposé aux apparences puisque l’être est tout entier dans son apparaître et dans l’interprétation que nous sommes capables d’imposer pour organiser la réalité de son chaos selon nos propres valeurs. Cette « belle forme » que nous sommes capables de faire vivre, où l’harmonie, l’équilibre, la hauteur, la cohérence, sont les valeurs prévalentes, est le fruit « d’une volonté victorieuse, d’une coordination plus intense, d’une mise en harmonie de tous les désirs violents, d’un infaillible équilibre perpendiculaire. La simplification logique et géométrique est une conséquence de l’augmentation de la force »(« La Volonté de puissance »). Nous pouvons comparer ce « grand style » à la beauté du geste du danseur ou du champion de tennis qui, dans une apparente facilité, parvient à intégrer et à coordonner en un tout harmonieux les multiples mouvements et forces requis. Ou encore la métaphore du cavalier et sa monture peut nous faire toucher du doigt comment « le grand homme » (et l’artiste selon Nietzsche fait partie de cette catégorie) est celui qui autorise le déploiement de ses passions sans se laisser dominer par elles, mais qui au contraire les dominent et les hiérarchisent. Il laisse se développer toute leur ampleur sans jamais en perdre le contrôle (cf. à ce sujet « Qu’est-ce qu’une vie réussie ? », «Le moment nietzschéen », de L. Ferry).A l’inverse « la laideur »désigne toutes les formes d’activités qui ne parviennent pas à la maîtrise de soi requise pour une telle hiérarchie des instincts, réduites au déferlement des passions (le romantisme est ici visé) : « La mutilation réciproque des forces, la contradiction et la coordination insuffisante des aspirations intérieures et donc la diminution de force organisatrice, de volonté » définissent la laideur.
En s’affranchissant d’un « monde vrai » qu’il s’agirait d’exprimer, en affirmant qu’il y a une infinité de mondes qui sont autant de perspectives de l’individu vivant, il prépare tout le mouvement artistique à l’individualisme moderne pour qui l’art n’est plus pensé comme reproduction d’une réalité extérieure à soi mais comme prolongement de soi. Ce que nous avons qualifié de « perspectivisme » fait voler en éclats l’idée d’une « beauté en soi » et objective. En ce sens, une telle conception de l’art est « anticlassique ». Mais en un autre sens, la beauté renvoie certes à des points de vue subjectifs, mais ceux-ci sont tous révélateurs de « l’essence la plus intime de l’être », puisqu’ils expriment la multiplicité des forces de vie, certains types d’homme déterminés, différentes formes de volonté de puissance… Autrement dit, l’art « ne ment jamais », il est en adéquation avec le réel. Il joue peut-être sur des apparences et créer des illusions, mais il se montre infiniment plus vrai que toute autre activité selon Nietzsche. Heidegger, pourtant opposé à Nietzsche sur bien des sujets, reconnaît que sa conception de l’art est proche de la sienne : « l’art fait surgir dans l’œuvre la vérité de l’étant »…
Ce que Nietzsche appelle la volonté de puissance et qui correspond à une « spiritualisation des instincts » est proche de ce que Freud nomme la sublimation des pulsions. Chez l’un comme chez l’autre l’œuvre d’art est symptomatique » en tant qu’elle exprime inconsciemment des pulsions en quelque sorte transformées et spiritualisées, dont la satisfaction directe est barrée. Charles Pépin, dans son livre « Cette beauté qui nous sauve », insiste beaucoup sur cette dimension : nous avons besoin de beauté pour satisfaire de façon substitutive nos pulsions agressives et sexuelles refoulées. Cette souplesse et cette plasticité de la pulsion qui lui permet de se mettre au service d’une activité culturellement valorisée est le privilège de l’humain sur l’animal. La beauté permet en effet souvent de transformer notre énergie vitale non exemptede colère, de violence et de frustration, en un « moment d’élévation spirituelle » (Charles Pépin).? La beauté nous permettrait d’exprimer notre vie proprement humaine, ses obscurités, ses contradictions, sa multiplicité, jetant du même coup le doute sur toutes nos tentatives de « crispation identitaire » et d’unité… En cela, la beauté nous fait partager quelque chose qui est au-delà de notre petit moi, et qui rejoint notre humaine condition.
La subjectivité du beau : en quel sens ?
La subjectivité comme chemin privilégié vers une réalité plus « vraie » ?
Nous avons bel et bien perdu en cours de route l’idée du beau comme traduction sensible la plus fidèle possible d’une beauté naturelle extérieure à nous qui caractérisait le classicisme, et entrons avec l’œuvre d’art dans le registre de la subjectivité de l’artiste. Mais il ne s’agit pas pour autant d’un enfermement monadique qui nous couperait à la fois des autres et du monde. L’œuvre donne accès à des représentations de mondes susceptibles d’être partagées ou du moins comprises…Peut-être que la subjectivité est un chemin privilégié qui mène à une réalité plus « vraie », dont l’artiste serait moins le possesseur que « le berger », comme le dit si bien Heidegger. En ce sens l’idéal classique est toujours présent, même si une approche perspectiviste et pluraliste propose des univers subjectifs différents en lieu et place d’un monde posé comme unique et commun. Nous pouvons illustrer cette idée avec le projet de l’art moderne concernant le cubisme : c’est l’exemple des nouvelles géométries qui appellent la suppression de la perspective et un retour aux deux dimensions en vue d’un « réalisme nouveau » qui explorerait beaucoup mieux le sens du réel… En ce qui concerne donc l’intention poursuivie, nul doute qu’il s’agit là encore d’une inspiration de nature « classique ». La « vraie » réalité, comme avec Platon, n’est pas visible, mais seulement accessible à l’intelligence. L’œuvre d’art « sera une réalité en elle-même, plus vivante, plus intense et plus vraie que les objets réels (puisqu’elle en exprime, comme chez les classiques, l’essence) » (Luc Ferry, « Le sens du beau »)
La beauté semble résider dans l’alchimie de la rencontre entre un sujet et un objet,
qu’il s’agisse du processus de création ou de celui de l’expérience esthétique (celle que nous faisons lorsque nous rencontrons l’œuvre). Plutôt que de « jugement », qui suppose l’extériorité et la neutralité de celui qui juge, sans doute vaudrait-il mieux parler d’une expérience où sujet et objet sont mêlés, et où l’émotion esthétique provoquées par cette rencontre est décisive. Nous sommes davantage dans la beauté que face à elle. « Nous pensons avec nos yeux, avec nos oreilles, avec notre sensibilité » (Charles Pépin).En ce sens la question de la beauté ne peut être posée indépendamment de celui qui l’éprouve. Charles Pépin pense qu’il y a deux questions bien distinctes à propos de la beauté :ce que me fait la beauté, et ce qui fait la beauté, et précise que seule la première question l’intéresse, c’est-à-dire décrire l’effet de la beauté sur nous. Mais peut-on vraiment les séparer s’il est vrai que la beauté n’est pas plus dans le sujet que dans l’objet, mais dans leur rencontre sous forme d’émotion esthétique ? Pour illustrer cette sorte d’indistinction entre le sujet et l’objet dans l’expérience esthétique, citons les propos d’un peintre contemporain Jean Balitran qui est tombé amoureux de la Loire : « Je vais souvent bivouaquer dans le lit de la Loire au large de Saint Florent où les étendues de sable sont immenses. Le matin, c’est un opéra de vivre le lever du soleil avec le chant des oiseaux ! Il y a un souffle musical : les longues plages d’eau immobiles sont comme des silences dans une oeuvre musicale. ». La transposition musicale du paysage montre à quel point la beauté naturelle et indissociable de nos projections et de nos schèmes artistiques, et comment s’interpénètrent le sujet et l’objet dans une expérience esthétique où le sens du beau est inséparable de celui qui le regarde. Nous y reviendrons à propos de la distinction entre beauté naturelle et beauté artistique.
Le rapport à la vérité de la beauté nous apprend-elle quelque chose sur ce qu’elle est ?
Nous ne voyons pas en effet en quoi la représentation sensible d’une idée, fusse-t-elle juste, peut lui garantir d’être « belle »… Intéressante, remarquable… mais pourquoi nécessairement belle ? D’ailleurs l’art contemporain revendique depuis longtemps le « non-beau » et refuse résolument de s’inscrire dans une quelconque expérience esthétique… Ensuite, l’art n’a pas du point de vue du dévoilement de la vérité un privilège particulier : et même, si l’on en croit Hegel, la philosophie – mais nous ajouterons surtout la science - est la seule à pouvoir se libérer totalement du sensible et de la représentation dans cette entreprise au service du vrai. Cependant, la force que recèle la beauté pour nous faire accéder à des univers dans lesquels nous ne serions sans doute jamais entrés est indéniable, mais cette puissance ne dit pas grand-chose sur ce qu’est le beau… Nous voyons bien ses effets, mais ses ressorts restent largement invisibles… Il est peut-être inhérent à la beauté d’être mystérieuse, et qu’un « reste » subsiste toujours aux explications… Quel est vraiment le sens du beau, cette question est toujours bien vivante… Et pour commencer et tenter de répondre à notre seconde question (se discute-t-il ?), peut-on vraiment penser qu’il correspond à une certaine forme d’objectivité – condition pour pouvoir être discuté et jugé - et laquelle ? La question est « ardue » : comment cela pourrait être possible alors que le beau n’a pas de concept pour le définir, pas de recettes pour le produire, pas de critères pour le juger ? C’est à pareille aporie que Kant va s’atteler dans sa « Critique de la faculté de juger »
« Est Beau ce qui plaît universellement sans concept », Emmanuel Kant
Impossible d’aborder cette question sans s’attarder quelques instants sur la réflexion de Kant à ce sujet. Si l’on pouvait démontrer l’existence du beau à l’aide de critères infaillibles, toute discussion sur le beau serait superflue (pourquoi discuter puisque l’on sait ?). Or nous savons qu’il n’en est rien, et que nous constatons la diversité des formes de beauté au cours du temps et à travers les cultures… Mais nous savons aussi que nous ne pouvons pas nous contenter du « à chacun son goût », et que le sentiment du beau peut être communiqué et partagé. Kant a l’intuition que, pour individuelle qu’elle soit, notre expérience esthétique ne peut pas être étrangère à autrui, et que la beauté transcende notre subjectivité particulière. Il y a pour Kant deux sortes de jugement. Les premiers, dits « déterminants », procèdent par concepts et vont du général au particulier en appliquant des règles ; les seconds sont « réfléchissants », « à priori sans concept », ils vont du particulier au général. Le jugement esthétique relève de cette seconde catégorie : je dis que c’est beau sans critères particuliers, dans une forme d’intuition. Cette intuition, pour être susceptible d’être partagée et discutée, doit réunir à la fois un sentiment particulier et ce que Kant appelle « une idée universelle ». Elle rejoint une forme de « sens commun » non conceptuellement fondé. A travers l’expérience esthétique se trouve réconcilié (mais pas de manière totalement rationnelle) le sensible et l’intelligible, la matière et l’esprit, et nos facultés humaines, c’est-à-dire la raison et la sensibilité. A la différence d’autres jugements comme le jugement scientifique ou le jugement moral (ou la raison est en conflit avec la sensibilité), le jugement esthétique réconcilie ces deux facultés et les font réfléchir l’une sur l’autre : la vérité de ce que nous ressentons s’impose à nous.A travers une belle chose (beauté naturelle), ou une « belle représentation d’une chose » (beauté artistique), ce sont nos facultés qui se découvrent en accord.La beauté artistique n’est donc pas seulement l’objet d’une production techniquement réussie, à partir de finalités conscientes, mais le résultat du « génie » : un don original, naturel, qui fait « sens commun », c’est-à-dire qui est immédiatement reconnu par le public. Le beau n’est pas « objectif » au sens où il serait le reflet fidèle d’une « beauté en soi » extérieure qui pour Kant est soustraite par définition à notre saisie (« la chose en soi »), mais en tant qu’il fait sens commun. Autrement dit, le beau est reconnu sans concept comme l’objet d’une satisfaction désintéressée, mais aussi vécu comme universelle et nécessaire, et qui manifeste une certaine forme de finalité, sans qu’aucun but extérieur ne soit représenté. Le beau en ce sens est une finalité en lui-même, et non dans le sens où il serait au service de quelque chose d’autre. Les intentions de l’artiste ne sont peut-être pas en ce sens déterminantes, le primat du rationnel risquant alors de nous couper de l’harmonie interne qui est la marque du seul génie. Nous reviendrons sur cette question de la finalité qui est moins simple qu’il n’y paraît.
Beauté naturelle et Beauté artistique
Hegel, nous l’avons déjà noté, pense que la supériorité de la beauté artistique sur la beauté naturelle est sans discussion possible. Cette affirmation résume clairement sa position : « Autant l’esprit et ses créations sont plus élevés que la nature et ses manifestations, autant le beau artistique est lui aussi plus élevé que la beauté de la nature » (Hegel, Esthétique). Cette arrachement et cette émancipation de l’Esprit par rapport à la nature résume à eux-seuls l’histoire entière de l’humanité. Nous pouvons ajouter que notre perception de la beauté naturelle est elle aussi porteuse de schèmes esthétiques qui « informent » (au sens de donner forme) la réalité perçue. La vue d’un champ de tournesols, qui attirent notre regard, est peut-être inséparablement associée aux « Tournesols » de Van Gogh. En ce sens, « l’apparaître » du paysage mobilise un imaginaire à la fois personnel et culturel. Nous l’avions déjà montré lors de ce témoignage du peintre Jean Balitran, tombé amoureux de la Loire. La culture est créatrice de monde en tant qu’elle médiatise et organise notre rapport à la nature, elle ne peut qu’être convoquée dans la perception de la beauté d’un paysage, ou de quoi que ce soit d’autre. A travers ce regard, nous sommes gré à la nature quand elle a l’apparence de l’art, quand tout se passe comme si elle était volontairement détentrice d’une finalité esthétique. Si par exemplenous trouvons si belle la diversité des dessins et des couleurs chez les insectes ou sur les fleurs, c’est parce que nous le percevons comme si la nature avait une finalité, c’est-à-dire faisait exprès d’être belle…
L’être du beau est tout entier dans son apparaître (distinction avec l’objet d’usage et de consommation)
Si le beau est étranger à toute finalité extérieure à lui-même, il est donc sa propre fin et n’a pas d’autre fonction que celle d’être là et d’apparaître.Hannah Arendt l’affirme avec force (« Crise dans la culture ») : « Si la choséité de toutes les choses dont nous nous entourons réside dans le fait qu’elles ont une forme à travers laquelle elles apparaissent, seules les œuvres d’art sont faites avec l’unique but d’apparaître. Le critère approprié pour juger de l’apparaître est la beauté. ». Contrairement à un objet d’usage ou de consommation condamné à s’user ou à être périssable, répondant à une fonction ou un besoin utilitaire, la beauté transcende toute référence utilitaire et fonctionnelle, et sa qualité demeure toujours égale à elle-même. En ce sens, les œuvres d’art, non seulement « ne sont pas consommées comme des biens de consommation, ni usées comme des objets d’usage, mais elles sont délibérément écartées des procès de consommation et d’utilisation, et isolées loin des nécessités de la vie humaine » (Hannah Arendt, « Condition de l’homme moderne »). Le domaine public offre précisément « l’espace de déploiement à ces choses dont l’essence est d’apparaître et d’être belles. » Cependant, aucun objet n’a qu’une valeur d’usage ou marchande, il est aussi plus ou moins beau ou laid. Il est remarquable d’ailleurs d’observer qu’aujourd’huiil y a peut-être moins « d’objets plats, ternes, qui lassent le regard, sans essence, sans individualité, sans force, sans signification », tel que les décrivait MickelLouis Dufrenne, philosophe contemporain spécialiste d’esthétique, et qu’un souci d’esthétisation semble diffuser dans notre environnement quotidien. Plutôt que de s’épuiser dans sa fonction de signe (c’est le cas pour l’objet non-beau), l’objet beau serait tout entier dans son apparaître, « le signifiant portant en lui le signifié » (Mikel Louis Dufrenne). Qu’est-ce-à dire ? En quoi l’art est un langage, mais un langage bien particulier ?
« La forme, c’est le fond qui remonte à la surface » (Victor Hugo)
Le choix de cette formule un peu énigmatique peut nous aider à expliciter et approfondir la précédente. Nous pourrions renouer avec la vieille théorie de « l’art pour l’art » que semble reprendre cette idée selon laquelle la beauté serait une fin en elle-même et que l’œuvre d’art n’a pas de sens en dehors d’elle-même. Purement formelle, la beauté dépendrait par exemple pour la peinture de lignes, de couleurs, de formes adéquates… Mais tel n’est pas le cas. Reprenons donc notre idée selon laquelle l’œuvre d’art est tout entière dans son apparaître : nous ne disons pas par là que l’objet beau ne renvoie à rien d’autre qu’à lui-même ; il ouvre au contraire à « un horizon de signifiés », mais cet horizon est en quelque sorte tout entier contenu dans son apparaître.L’art est en cela un langage très particulier car avec lui le signifiant et le signifié sont mêlés : à la différence du langage ordinaire comme de celui des sciences ou de la philosophie où le signifiant (les mots) a une valeur instrumentale précise et se trouve clairement séparé de ce qu’il signifie (le signifié), dans l’art, le signe signifie aussi autre chose que lui-même et renvoie à un « monde », mais le signifiant porte en lui le signifié, le discours n’est pas séparé de son objet. Le monde auquel il renvoie est en quelque sorte « l’être même du signe en tant qu’il s’illimite ». Le sens et la signification de l’objet beau n’est pas « ailleurs », indépendant des signes qui l’expriment : signifiant et signifié sont dans l’objet. L’objet n’est pas le seul véhicule de l’idée (c’est un peu le sens de ce que dit Hegel), il est dans son apparaître même. Une des conséquences de cette spécificité de l’oeuvre belle est qu’elle devient elle-même « une réalité additionnelle » : ce n’est pas tant la « représentation » qui importe que le fait d’une œuvre qui devient une nouvelle partie de la réalité sans laquelle quelque chose manquerait : un monde sans Van Gogh, Rembrandt ou Mozart ne serait pas le même…Le beau n’est pas l’indice d’un autre monde qui serait invisible, mais il est ce monde, qu’il s’agisse d’un coucher de soleil ou d’une peinture de Cézanne.
Le sens du beau plutôt que sa « vérité »….
Lorsque nous parlons de « mondes » au sujet de ce que peut évoquer la beauté, en particulier lorsqu’il s’agit d’une « œuvre », mais qui peut être aussi modeste ou populaire qu’une chanson, une musique, ou un film, nous évoquons ainsi des « univers de sens » ou des valeurs auxquels de telles œuvres nous introduisent : il est davantage question de sens que de vérité. La beauté est peut-être moins le médium du vrai que celui du sens ou des valeurs.Souvent nous n’acceptons de nous « ouvrir » à d’autres sens ou d’autres valeurs qu’en présence de la beauté. Nous avons besoin d’elle pour sentir battre en nous des sensibilités (dans tous les sens de cette notion) qui nous sont apparemment peu familières ou éloignées. Si l’Etranger de Camus et l’absurde du monde nous touche, dit Charles Pépin, c’est grâce à la beauté du livre et de son style. J’ajouterai un autre exemple, plus proche d’une expérience récente qui fût la mienne : l’univers mélancolique que nous propose Lars Von Trier dans Melancholia peut apparaître très éloigné du nôtre… mais c’est la grande beauté du film – et n’est-ce pas la fonction essentielle du cinéma ? – qui nous permet d’avoir accès à cette sensibilité. Les limites d’un tel élargissement de la perception sont relatives au degré d’ouverture ou de fermeture en fonction de ses valeurs propres et de son propre rapport au monde.
Un « là-bas » qui n’est autre qu’ici
La beauté a un pouvoir d’évocation qui trahit chez l’humain un rapport de présence-absence au monde qui nous distingue des autres mammifèresqui sont simplement là « une fois » ( !) au monde, simplement « présents ».C’est tout simplement la dimension de l’imaginaire … Le « là-bas » qu’évoque l’œuvre n’est pas nécessairement l’arrière monde platonicien ou un « autre » monde rêvé, mais plus simplement notre façon, comme le dit Edgar Morin, de vivre « poétiquement » et pas seulement « prosaïquement ». La beauté nous indique que le monde commun peut se décliner en une multitude de mondes perçus possibles. C’est le sens de la préconisation de Nietzsche « voir le monde avec le plus grand nombre d’yeux possibles », et ainsi libérer la pensée des illusions inhérentes au point de vue unique. François Jullien (« L’étrange idée du beau ») nous précise que nous sommes d’autant plus présents au monde que nous le quittons…Notre monde n’est peut-être que l’entrelacement de ces mondes perçus possibles, d’où l’intérêt de multiplier ces rencontres – à travers ce qui jaillit d’une belle chanson, d’un beau tableau ou d’un beau paysage – et de vivre dans un monde dès lors plus vaste et élargi.
La beauté comme accomplissement qui me transporte hors de moi
Il y a dans l’expérience esthétique une dimension bien plus importante que « les seuls miroitements du moi » que le simple plaisir égoïste. Quelque chose qui nous rattache à nos vies communes et à l’humanité entière. Robert Misrahi parle à ce sujet de l’expérience esthétique comme accomplissement, qui s’exprime à travers une forme de joie. Cette joie traduit un accord profond de l’individu avec lui-même et avec le monde, rejoignant ainsi celle que l’on peut éprouver dans d’autres expériences telles que par exemple la découverte d’une réciprocité dans l’amour, la lecture d’un texte qui comble ses attentes, l’achèvement d’une action ou d’une œuvre longtemps en travail, l’accomplissement sensuel de l’acte d’amour…etc. Dans la jouissance esthétique, comme la contemplation poétique d’un paysage inépuisable, ou l’adhésion à une musique qui nous enchante, je suis transporté hors de moi par la beauté du monde et de l’existence. Rappelons-nous ce magnifique texte de Camus tiré des « Noces », qui nous parle d’un paysage de la campagne de Florence ; extraits : « Des millions d’yeux, je le savais, ont contemplé ce paysage, et pour moi il était comme le premier sourire du ciel. Il me mettait hors de moi au sens profond du terme, il m’assurait que sans mon amour et ce beau cri de pierre, tout était inutile. Le monde est beau, et hors de lui point de salut……… À portée de ma main, au jardin Boboli, pendaient d’énormes kakis dorés dont la chair éclatée laissait passer un sirop épais. De cette colline légère à ces fruits juteux, de la fraternité secrète qui m’accordait au monde à la faim qui me poussait vers la chair orangée au-dessus de ma main, je saisissais le balancement qui mène certains hommes de l’ascèse à la jouissance et du dépouillement à la profusion dans la volupté ». Avec la joie, je me réjouis de ma propre existence et du monde dans laquelle elle s’inscrit. La même inspiration habite la très belle chanson de Barbara « Est-ce la main de Dieu, est-ce la main du diable qui a mis sur la mer cette étrange voilier….etc. Pour toutes ces beautés-là, merci et chapeau bas ! ». La beauté du monde comme justification ultime d’une vie qui n’en a pas en dehors d’elle-même, d’une vie qui se suffit à elle-même, telle est dans ces deux textes la proposition développée… Cette expérience esthétique est également inséparable de sa dimension du partage et de la réciprocité : lorsque je dis « c’est beau », il y a cette intentionnalité d’élargissement à tout un chacun
« Ce qui reste » malgré l’effort de la pensée…
S’il n’y a pas de « beauté en soi », cette beauté est le fruit d’une alchimie entre objectivité et subjectivité, et engendre des mondes qui viennent se loger entre notre œil et la réalité « du » monde. Malgré la multiplicité de ces mondes subjectifs, la présence de la beauté transcende le particulier pour revendiquer légitimement sa capacité à réunir les hommes en faisant « sens commun », sans pour autant s’imposer sans discussion, comme pourrait le faire une vérité scientifique (du moins provisoirement). Cette sorte de joie dont la vocation est d’être partagée avec mes semblables est sa marque distinctive. Mais force est de reconnaître que cette notion de beauté résiste toujours à nos tentatives pour la cerner. Il y a une énigme du beau qui n’est pas soluble dans nos explications… La beauté est ainsi « ce qui reste », ce résidu non résolu malgré l’effort de la pensée. C’est d’ailleurs ce qui justifie cet effort : pour savoir ce qui reste, encore faut-il avoir pu le dégager de tout ce qui l’entoure ! Nous comprenons mieux les effets de la beauté, « ce que nous fait la beauté », mais nous sommes toujours aussi embarrassés pour la définir (ce qui fait la beauté)…
Daniel Mercier, le 15/05/2017