Humanisme et transhumanisme : des transformations du monde humain jusqu'où ?

 
 
 

CAFE PHILO MEDIATHEQUE ANDRE MALRAUX MERCREDI 6 février 2019          Daniel Mercier

HUMANISME ET TRANSHUMANISME : DES TRANSFORMATIONS DU MONDE HUMAIN JUSQU’OU ?

Quelques livres :« La révolution transhumaniste », Luc Ferry ; « Humain, inhumain, trop humain », Yves Michaud ;  « Règles pour le parc humain », et « Sphères » (trilogie), Peter Sloterdijk ; « Demain, les PostHumains, le futur a-t-il encore besoin de nous ? », JM Besnier ;« La fin de l’homme : les conséquences de la révolution biotechnique », Francis Fukuyama

Le transhumanisme est aujourd’hui générateur de tous les fantasmes, chez ses partisans aussi bien que chez ses détracteurs. Est-il possible de nous en soustraire et d’essayer de laisser notre raison nous guider, de ne pas trop tomber sous le joug des passions ou des idéologies que cette question suscite ? C’est en tout cas le « challenge » que la philosophie se doit de soutenir… tout particulièrement sur un tel sujet, qui ne peut supporter la moindre légèreté…

 

Etat des lieux : l’entreprise de transformation de l’homme par lui-même est déjà bien commencée…. Pourquoi mettre en regard ce mouvement transhumaniste avec notre culture humaniste traditionnelle ?

L’entreprise de transformation de l’homme est déjà bien commencée et peut-être n’a-t-elle jamais cessé… Nous pouvons citer le pouvoir que nous avons sur la reproduction et la procréation (contraception, IVG, avortement thérapeutique, traitement de la stérilité, procréation assistée sous toutes ses formes), les recherches sur les embryons et le développement de cellules souches en vue de thérapies cellulaires de toutes sortes (usine de fabrication des pièces détachées du vivant garantie d’origine…), mais aussi  la chirurgie esthétique, les implants et prothèses, les allogreffes et xénogreffes, mais aussi bien sûr les progrès spectaculaires de la robotique et de l’intelligence artificielle... Sans compter toute la pharmocologie et le dopage qui modifie profondément nos états internes, nos comportements, nos performances.

Dans le prolongement de ces avancées technologiques, un courant de pensée se développe dans le monde, dont le coeur se trouve dans la Sillicon Valley, le transhumanisme. L’influence du transhumanisme dépasse largement les frontières du mouvement proprement dit. Il s’appuie essentiellement sur les nouvelles technos regroupées sous l’acronyme  Nanotechnologies Biotechnologies Informatique (Big Data, Internet des objets)Cognitivisme (Intelligence artificielle), et pensent que celles-ci seront capables de résoudre tous les problèmes de l’avenir et de promouvoir une amélioration déterminante de notre condition. Les projets les plus spectaculaires concerne le ralentissement et même l’élimination du vieillissement (et même l’immortalité ! cf. les déclarations du « pape du transhumanisme, Ray Kursweil), l’augmentation des capacités intellectuelles, physiques, émotionnelles, morales de l’être humain, le téléchargement de la conscience sur un nouveau corps ou un robot[1]… et toutes les formes d’intelligence suprahumaine qui désormais devraient coexister avec nous (dans le meilleur des cas…). Un des concepts centraux du transhumanisme est « la Singularité », de l’Université du même nom (« Université de la Singularité » abrité par la NASA), emprunté à la singularité gravitationnelle à proximité des trous noirs, et qui signifieque la civilisation humaine, à partir d’un point hypothétique de son évolution technologique – qui connaît régulièrement une progression exponentielle – sera dépassée par les machines. Au-delà de ce point le progrès n’est plus l’œuvre que de machines, (les machines elles-mêmes créant de nouvelles machines), l’intelligence artificielle prenant le relais, et devenant rapidement autonome, créant elle-même à un rythme très rapide  des intelligences bien supérieures à la sienne, dans un cycle lui-même exponentiel.La date de cette singularité est généralement durant la troisième décennie de ce siècle. UN certain nombre de ces anticipations sont vraisemblablement délirantes... Peu importe, elles indiquent une direction et une perspective de transformation du monde humain qui, elles, sont on ne peut plus sérieuses... La science-fiction s’en donne à cœur joie depuis de nombreuses années : des dizaines de films par exemple interrogent cette évolution

Mais pourquoi : « humanisme et transhumanisme » ? Parce qu’une dimension essentielle de notre humanisme consiste à vanter sans cesse nos capacités d’invention appliquées à nous-même, dans le but de dépasser la bestialité et la barbarie.Le mythe de Prométhée peut illustrer cette problématique : volant le feu pour  l’apporter aux hommes, incarnant l’idée d’une humanité qui s’émancipe de la servitude à plus haut que soi pour s’auto-construire librement dans le temps et conquérir la nature grâce aux développements de ses techniques, il va cependant être puni par Dieu pour son acte, et condamné à se faire manger le foie par un aigle alors qu’il est attaché à la montagne du Caucase. Le projet prométhéen de conquête de la nature exprime justement toute  l’ambiguïté d’un tel projet d’une liberté humaine sans limites… Le franchissement de certaines frontières peut ainsi être jugé sacrilège et se retourner contre soi. La culture humaniste entretient ainsi des rapports ambivalents avec le transhumanisme, qui se réclame très généralement de l’humanisme des Lumières : c’est au nom du progrès et de la raison qu’il défend cette transformation. Il s’agit en effet d’améliorer la condition humaine par des techniques d’amélioration de la vie. Le transhumanisme défend en général les libertés individuelles (rejet de toute réponse totalitaire), pensent que les machines prendront la relève d’innombrables activités humaines et nous libéreront du travail, défendent l’eugénisme au nom de l’égalité (la loterie naturelle de la génétique est la principale source d’inégalité), et pensent que les transformations biotechniques vont étendre et développer les qualités humaines. Qu’ils s’agissent de la progression extraordinaire du « machinal » ou de celle des biotechnologies, ce déplacement des frontières de ce qui constituait jusqu’à présent « l’humain », pose de nombreuses questions éthiques. N’oublions pas que l’éthique concerne l’approche de la vie bonne : comment voulons-nous vivre à l’avenir ? Qu’est-ce qui est souhaitable ?

Quelles limites pour quel être humain ? Y-a-t-il une « essence » humaine qui puisse servir de bornes à la transformation ? Faut-il assumer « l’ouvert » et « l’indéterminé » de notre condition ?

  • Quelle est la problématique d’une telle question ?

Une telle question pose en effet le problème d’une supposée « essence » humaine : lorsque nous posons la question « des transformations, jusqu’où ? », nous aurions pu ajouter : « sans perdre notre humanité »... La critique du transhumanisme passe généralement par ces références à une essence humaine indépassable dont l’intégrité serait menacée par les transformations. Dans quelle mesure un homme technologiquement assisté reste-t-il toujours un homme, à plus forte raison ? Et même si l’on considère que certains « cyborgs » ne sont pas des humains, ou que d’autres formes de vie succéderont même au cyborgs, devons-nous accepter la perspective de cette « post-humanité » ? Ce débat traverse le mouvement trans-humaniste entre ceux qui veulent simplement améliorer l’espèce humaine sans renoncer à son humanité, et ceux qui plaident pour une « post-humanité » assumée, pourquoi pas la création d’une nouvelle espèce. La biologie synthétique envisage par exemple de réaliser des espèces vivantes autrement qu’avec de l’ADN. La question subsidiaire d’un tel débat étant de savoir à partir de quelles limites nous cessons d’être un être humain au profit d’autre chose…

  • Une certaine « image » de l’homme…

Généralement, la réponse en faveur de limites considérées comme « principielles» repose, comme le dit Habermas, sur une certaine image de l’homme, corroborée par les religions et une éthique de l’espèce humaine dont l’éthique kantienne peut servir de modèle : la notion de dignité humaine inclue l’idée que l’homme étant une fin en lui-même, ne doit en aucun cas être traité comme un instrument ou un moyen, ce qui serait le cas dans le cadre d’une telle orientation futuriste. Nous prendrons trois exemples qui sont significatifs d’une telle démarche : Hans Jonas (le Principe responsabilité, 1979), la position du Vatican, et celle du scientifique généticien Axel Khan.

  • Une nature humaine définie ontologiquement et/ou biologiquement ? Trois exemples empruntés à la philosophie, à la religion, au darwinisme

Hans Jonas considère l’homme comme la butée absolue de l’emprise de la science : « …dans son essence, dans sa substance (les mots utilisés sont sans ambiguïté), l’homme tel qu’il a été créé, tel qu’il est issu soit de la volonté divine, soit du hasard de l’évolution (donc même d’un point de vue darwinien, nous y reviendrons), n’a pas besoin d’être amélioré. Chacun peut développer les possibilités les plus profondes de son être. Mais il n’a pas à chercher à dépasser cela, car l’homme est indépassable. ».Nous constatons ici que le premier grand philosophe à s’opposer à cette perspective de transformation indéfinie de l’humain convoque une nature humaine, définie à la fois biologiquement et ontologiquement. Il dénonce les risques d’altération de l’identité biologique, la domination sans mesure des techniques menaçant à la fois la nature hors de nous et la nature en nous. Il est déjà à son époque très préoccupé par la bioéthique, et rejette la prétention des biologistes à améliorer la vie… Une position radicale donc, qui à tort ou à raison est déjà totalement dépassée dans les faits aujourd’hui. Mais peut-être devrait-on le considérer comme le visionnaire de ce qui nous menace ? D’une façon générale, il faut être soucieux de ne pas affecter l’ensemble des caractères qui définissent naturellement (biologiquement) et traditionnellement l’être humain.

Le versant « religieux » de cette opposition ne peut être mieux illustré que par la réaction du Vatican (déclaration de 2004 intitulée « Communion et Service : la personne humaine créée à l’image de Dieu ») :  « Changer l’identité génétique de l’homme, en tant que personne humaine, par la production d’un être infra-humain (il ne peut être qu’ « infra », comparé à la créature de Dieu) est radicalement immoral… la création d’un surhomme ou d’un être spirituel supérieur est impensable puisque la véritable améliorationne peut survenir que par l’expérience religieuse et la théosis. »(« théosis »: l’appel de l’homme à rechercher le salut par l’union avec Dieu). La religion dénonce l’hybris et l’orgueil d’un homme qui se prend pour Dieu.

Ce type de critique du transhumanisme rejoint paradoxalement celle des darwiniens : la nature humaine est ici pensé en termes de lois d’évolution de l’espèce, mais la démarche est assez proche. Elle se focalise en particulier sur la dimension de la reproduction et donc du « clonage », et sur l’idée qu’il ne faut en aucun cas remettre en cause la loterie génétique naturelle (loterie de l’hérédité), ce que fait par exemple le clonage reproductif ; certes inégalitaire, la contingence de la loterie génétique naturelle doit absolument être respectée, car elle est par un autre côté très égalitaire, « chacun, sans considération de classe sociale, race ou ethnie, doit y prendre part » (Fukuyama). Axel Khan, généticien français, est lui aussi radicalement opposé à cette « utopie technicienne ». Pour lui, nous avons certes déjà accélérer ou modifier l’évolution, comme par exemple en intervenant sur la reproduction humaine (contraception, PMA), ou encore sur la production de sélections florales ou d’espèces animales domestiques ; il s’agit là de manifestations d’adaptation sur le terrain de la reproduction ; mais nous ne sommes pas sortis de l’évolution. La grande loterie de l’évolution continue avec le bébé-éprouvette – celle qui est responsable de la reproduction d’un être à chaque fois original et  singulier - , alors qu’elle est radicalement mise en cause par le clonage reproductif (puisqu’il s’agit de « copier », même si nous savons aujourd’hui que l’idée d’une copie fidèle est aussi une illusion) génétiquement un individu donné, comme par exemple son père, son frère…etc. Le jugement moral de A.K par rapport aux perspectives du clonage reproductif est sans ambiguïté : instituer artificiellement, à dessein, et aux bénéfices de certains, une inégalité biologique, est condamnable. C’est le danger de l’eugénisme qui est ici pointé, qu’il s’agisse d’une initiative collective –fabrication d’une élite ou d’une race supérieure - ou privée. Au nom de quoi des parents pourraient décider du corps de leur enfant (nous allons y revenir) ?

La singularité de l’être humain ne réside-t-elle pas dans le fait d’être « ouvert et indéterminé » ?Une approche anthropologique nécessaire

Ce qu’il faut retenir d’une telle critique, c’est qu’elle se fait d’abord au nom de la violation de ce qui est de l’ordre d’une nature (les lois de l’évolution). Pour relativiser les fondements d’une telle critique (qui peut s’avérer par ailleurs pertinente dans ses conséquences concrètes sur tel ou tel cas), il peut être tout d’abord nécessaire de s’appuyer sur l’anthropologie, et la réflexion du grand philosophe allemand Sloterdijk nous est ici indispensable :  L’homme au cours de son histoire s’avère être un produit, et ce produit est engendré lui-même : contrairement à l’animal qui vit dans le cercle étroit de son environnement, l’homme crée son monde et se créé lui-même : dépourvu d’instincts, pourvu d’un cerveau dont la plus grande partie du développement se fait après la naissance, l’animal humain dépend entièrement de ses ressources techniques pour agir : les outils par exemple sont des substituts ou des machines à amplifier l’action des organes. Cette entreprise de domestication de l’être est longuement analysée dans l’œuvre de Sloterdijk[2]. La domestication de l’homme par lui-même le conduit à échapper de plus en plus à la détermination par l’environnement, pour être généré lui-même par l’artificialité de l’habitat qu’il construit, mettant en question les lois darwiniennes d’évolution de l’espèce. Ce qui va primer, c’est la demeure qu’il va construire, la sphère interne dans laquelle il va évoluer, ce qu’il appelle « l’utérus protecteur de la technique ».  Il est important de resituer et d’éclairer les questions contemporaines concernant le transhumanisme dans le cadre de cette ontologie des processus à l’œuvre dans l’histoire de cette hominisation, sous peine de porter un regard uniquement moraliste et réducteur sur ces perspectives. Nous devons comprendre que l’histoire de l’homme en tant que mammifère prématuré et exposé au monde, prend très tôt les traits du langage et doit être interprété comme rupture avec le monde animal et la nature. Cette réflexion « bio-anthropologique » ne fait d’ailleurs que renforcer le point de vue des philosophes qui avaient mis l’accent sur ce caractère ouvert et indéterminé de la condition humaine. Pic de la Mirandole, le célèbre humaniste de la Renaissance, plaçait la dignité de l’homme dans cette extraordinaire « plasticité ontologique »[3]. JJ Rousseau, avec son concept de perfectibilité humaine, nous explique que la nature de l’homme est précisément de transformer la nature hors de lui et en lui grâce à cette faculté de changement, d’où la dimension essentiellement historique de l’être humain. Fichte précise de son côté cette distinction éthique entre l’homme et l’animal : « En un mot, tous les animaux sont achevés et parfaits, l’homme est seulement indiqué, esquissé… Tout animal est ce qu’il est ; l’homme seul originairement n’est rien. Il doit devenir ce qu’il doit être et puisqu’il doit être un être pour soi, il doit le devenir par lui-même. La nature a achevé toutes ses œuvres mais elle a abandonné l’homme et l’a remis à lui-même. ». Nous voyons à travers ces quelques exemples comment l’humanisme se définit comme une éducation et une formation de l’homme par lui-même. Une nature indéterminée est, contrairement à la nature des autres animaux, ouverte à tous les possibles, pour le meilleur comme pour le pire, et fait de l’homme, pour cette raison même un animal dangereux…  Nous comprenons mieux maintenant pourquoi les transhumanistes se rangent habituellement du côté de l’humanisme des Lumières.Il apparaît désormais difficile de s’en tenir aux critiques traditionnelles quant à la violation ou la transgression de limites supposées être fixes, limites légitimées par l’existence d’une sorte de nature éternelle. L’humanité n’a-t-elle pas toujours été, comme le pense Nick Bostrom[4], en procès de post-humanisation, puisqu’elle n’a pas cessé de se transformer et de transformer la nature autour d’elle ? Et pourtant, nous sentons bien que quelque chose de monstrueux, hors norme, ourdit de certains projets… Que même si la perspective transhumaniste s’inscrit dans une forme de continuité anthropologique et historique, un seuil critique semble en passe d’être franchi, qui nous ferait basculer dans une transformation qualitativement différente des précédentes…Qu’y-a-t-il de sensiblement différent dans l’aventure contemporaine (qui semble s’accompagner d’une forme de désorientation), par rapport aux anciennes évolutions ? L’accroissement énorme de nos pouvoirs sur nous-mêmes semble rendre d’autant plus problématique les possibilités de fixer des normes à ces auto-manipulations… 

S’il n’y a pas de « fondement naturel de l’éthique », comment assumer l’idée de ne plus avoir comme boussole la nature et les lois de l’évolution ?

  • Il n’y a pas de « fondement naturel de l’éthique »

Le caractère contestable d’une conception fixiste de la nature humaine, religieuse ou philosophique, s’étend aussi à la thèse selon laquelle il existerait des « fondements naturels de l’éthique ». Selon cette éthique d’inspiration néodarwiniste, Les lois de la nature et de l’évolution conduirait l’espèce humaine, pour sa propre protection, à adopter des conduites de plus en plus morales, à base d’entraide, d’empathie et d’altruisme pour le congénère, et d’une façon générale indiqueraient le chemin à suivre en fonction de sa propre conservation ou sauvegarde[5]… Luc Ferry a beau jeu  de rétorquer[6] que « si c’était vrai, çà se saurait », et de s’en référer à notre histoire récente pour montrer le caractère contrefactuel d’une telle hypothèse. Pour les raisons déjà exposées, non  « les fins (ne) sont (pas) domiciliées dans la nature », comme Aristote le supposait. Comment donc s’orienter en l’absence d’un fondement naturel de l’éthique ? Doit-on assumer l’idée de ne plus avoir comme boussole la nature et les lois de l’évolution ?

  • Sortir des lois de l’évolution ? Entrer dans une phase « post-darwinienne » de notre existence ?

Concernant ces dernières en effet, les transhumanistes assument tranquillement d’en sortir… JM Besnier[7], le principal philosophe français spécialiste du transhumanisme, pense que nous allons entrer dans une phase post-darwinienne de notre existence, c’est-à-dire une humanité qui échapperait aux lois de l’évolution, et prendrait ainsi la relève de la nature. Il faut bien reconnaître que la fécondation in vitro ou la contraception sont déjà des échappées hors des lois de l’évolution… Mais arrivent maintenant l’utérus artificiel (techniquement presque possible), le clonage thérapeutique mais aussi reproductif (« probable » prévient JM Bosnier…), les techniques de rajeunissement…etc.Les technologies post-humaines ne se contentent plus de vouloir réparer ou soigner, mais se présentent comme des techniques d’amélioration/augmentation du vivant au nom de la santé mais aussi du bonheur ou de la jeunesse.Il est d’ailleurs difficile de dresser une frontière stable entre thérapie et amélioration :lorsque par exemple l’on créé une puce capable de faire retrouver en grande partie la vue à un malade atteint de rétinite pigmentaire, celle-ci orientant directement les informations lumineuses dans le cerveau, il s’agit certes d’une réponse thérapeutique, mais elle n’en est pas moins une « augmentation ».... mais l’essentiel de la transformation concernent sans aucun doute l’eugénisme privé :le clonage thérapeutique, les thérapies cellulaires qui, à partir des cellules souches, amélioreront la performance ou permettront d’avoir les enfants que nous voulons et tels que nous les voulons… De leur côté,L’intelligence artificielle et les nanotechnologies pourraient nous transformer en cyborgs (être hybrides entre l’homme et la machine)…

  • Quel contrôle possible dans « l’ouvert et l’indéterminé » ?

A partir du moment où nous ne sommes plus dupes d’une logique de l’aliénation ou de l’asservissement de l’être humain par la technique, logique qui repose ultimement sur la thèse d’une nature préexistante et éternelle, la tâche consistant à contrôler et à conduire ces évolutions est plus délicate et complexe : dire que nous sommes les auteurs de ce processus d’auto-instrumentation ne signifie pas pour autant que nous en avons la maîtrise : ni maître du monde ni assujetti à lui (comme les animaux), la question de savoir quel genre d’êtres nous voulons devenir ou éviter d’être devient à la fois décisive et difficile. Ni Dieu, ni maîtres pour dire ce que nous devons faire, plus de limites prétendument « supérieures ou transcendantes » pour nous guider… Comment devenir des acteurs plus conscients de ce que nous voulons, tel est l’enjeu principal. Enjeu d’autant plus important que l’augmentation de notre puissance est spectaculaire, la démocratie étant une des dimensions de cette augmentation de puissance (le pouvoir de décider). Auparavant, nos idéaux prenaient sens sur un fond de limitations qui apparaissaient comme « naturelles », car d’une certaine façon hors d’atteintes. Ce que Yves Michaud nomme « un principe de réalité d’acier »[8], a tendance à se dissoudre au profit des nouvelles technologies de plus en plus opératives. Il est facile de voir à la lumière de cette rapide description des nouvelles donnes technologiques que le seuil est franchi, transformant ce qui auparavant pouvait être pensé comme inscrit dans une continuité historique, en un changement qualitatif inédit. 

Pour répondre à la question de savoir maintenant quel type de contrôle est possible, le philosophe pragmatiste américain Richard Rorty peut nous aider : étant impossible d’assigner des limites à priori à notre condition humaine, et devant assumer l’ouvert et l’indéterminé de notre condition, il nous appartient de reconnaître nous-mêmes « Qui nous reconnaissons comme être humain », faisant de cette question l’objet d’une libre décision au sein de la communauté humaine, sans présupposer la réponse en posant par avance des contraintes absoluesimposées par une certaine « image » de l’homme. La seule question que l’on doit poser, c’est : « Qui reconnaît et qui est reconnu comme être humain ? Quel est le contenu de cette reconnaissance (les droits et les devoirs qui en relèvent) ? ». Cela signifie que notre nature biologique ne peut sceller à jamais notre destin, et qu’aucun essentialisme ne peut constituer une barrière infranchissable

 

  • Une analyse pragmatique des situations…

Quelques exemples peuvent suffire à montrer qu’en l’absence de principe à priori, l’examen au cas par cas de certains projets dans le domaine génique peut s’avérer suffisant : suivons à ce sujet les arguments du philosophe Michael Sandel, qui paraissent difficiles à écarter, malgré les objections de Luc Ferry[9]. Comment par exemple accepter l’amélioration génétique des performances chez les sportifs sans tuer dans l’œuf l’admiration qu’on leur porte ? Comment accepter l’intervention génétique sur nos enfants qui deviendraient ainsi nos choses et entraîneraient des réactions en chaîne de la part de parents qui redouteraient que leurs enfants soient désavantagés par rapport aux autres ? Quelle que soit la nature de l’eugénisme – qu’il soit négatif comme avec le nazisme, ou positif comme dans certains rêves transhumanistes, il semble déboucher sur la marchandisation et la réification de l’enfant. Voulons-nous perdre ce rapport que nos vies entretiennent avec la contingence de ce qui est donné, et supporter la responsabilité écrasante de ces nouveaux choix ? Ne plus compter sur l’esprit de solidarité encore présent dans nos Assurances vie ou maladie (qui repose ultimement sur l’ignorance des maladies que chacun va contracter…) à partir du moment où chacun a accès à sa carte génétique et ses risques de maladie ? Sur un plan plus collectif, voulons-nous prendre le risque de la formation de deux humanités selon la capacité de chacun à utiliser ou non (pour des raisons d’argent) cette nouvelle ingénierie génétique concernant la longévité ? Enfin  la question brûlante de l’immortalité ou du moins d’une augmentation spectaculaire de la longévité pose une foule de problèmes que nous ne pouvons pas occulter : problème démographique ; problème social : le coût très élevé de « l’amélioration » (l’ingénierie génétique coûtera très chère, et rendra les différences de fortunes d’autant plus insupportables) , mais aussi du vieillissement de la population, avec les conséquences sur le côut de retraites ; le problème de surpopulation (faut-il arrêter les naissances ?) ... Nous pourrions multiplier les exemples. Mais peut-être que le plus significatif est « l’imposture » et « l’aberration » que constitue le projet ultime des transhumanistes qui est de « tuer la mort ». Michel Besnier[10]montre que le propre de l’homme réside dans le déchirement entre sa vulnérabilité et son désir d’absolu ; Si l’on tue la mort, on tue le désir avec ce qu’il comporte de déchirements, de souffrances, mais aussi d’exaltations. Cela ressemble d’une certaine façon à certains états d’ataraxie recherchés dans le bouddhisme oriental… Mais que vaut la vie sans désir ni peine ? Un feuilleton qui vient de commencer sur Arte – Ad vitam – avec Yvan Attal -  met en scène une société sclérosée où les vivants à perpétuité sont devenus incapables de ressentir l’élan de la vie et de rêver l’avenir (cf. Télérama n° 3590). Ainsi Ulysse dans l’Odyssée refuse l’immortalité que lui offre Calypso car, comme le note subtilement Clément Rosset,« Ulysse préfère la vigueur de l’existence, fût-elle fugitive et misérable, à la pâleur et l’inconsistance de l’immortalité, fût-elle la plus glorieuse ».  

Humanisme et transhumanisme. Que souhaitons-nous devenir, être ou ne pas être ?

  • En quoi la culture humaniste, malgré son ambigüité, peut nous aider à tracer les limites ?

Il est difficile d’imaginer un Prométhée prudent… N’est-ce pas un « oxymore » ? Nous avons déjà noté toute l’ambigüité d’une tradition prise au piège d’une idéologie transhumaniste qui se réclame d’elle. Une culture nous dote des outils de médiation symboliques (par le langage et la technique principalement) qui vont nous permettre d’entrer en relation avec notre environnement et de solidariser le groupe autour de cet aménagement du milieu. L’éducation joue dans ce cadre-là un rôle fondamental de transmission. Il se trouve que la culture humaniste s’inscrit entre autres dans un mythe prométhéen qui aurait tendance à conforter l’idée d’une aventure humaine sans limites. D’où la facilité avec laquelle le logiciel transhumaniste parvient à prendre au piège les valeurs humanistes. Cependant, l’un et l’autre divergent sur un point fondamental : l’humanisme pense le changement par l’amélioration des conditions d’existence matérielles et surtout la formation d’un individu plus autonome et plus heureux, grâce au développement de la démocratie, de l’éducation et de la culture... L’humanisme puisant son sens dans ses origines grecques et judéo-chrétiennes, considère que l’homme doit conquérir sa réalité humaine qui, bien loin d’être un donné, est quelque chose que l’on doit acquérir par l’éducation et le commerce avec autrui. De la même façon au plan collectif, l’histoire est pensée comme le vecteur de l’action et de la construction de l’avenir en vue de l’émancipation humaine. L’important est que dans ces deux cas, c’est par l’intermédiaire de médiations symboliques s’appuyant sur le langage que ces formations se réalisent.Le transhumanisme inaugure un changement radical : les capacités d’action sur l’espèce et sur l’individu ne se déclinent plus seulement en termes de médiations symboliques,  mais en termes de techniques biotechnologiques qui interviennent directement au cœur du vivant pour le transformer. Nous pouvons saisir là une différence de nature entre ces deux types d’interventions, qui autorise un changement de regard. Changement direct et physique (et non plus symbolique) qui affecte la substance même de notre condition, et qui n’a plus rien de commun avec ce long travail personnel d’appropriation que rend possible l’éducation par le langage. Ce franchissement est inédit et marque un point de rupture. En ce sens, il représente une radicalisation du prométhéisme. Un tel projet risque de reposer presque exclusivement sur le développement technoscientifique, aux dépens des autres types de médiations symboliques reposant sur le langage, que la culture humaniste privilégie au contraire.

  • Les risques de l’hybris technologique. Le « solutionnisme ».

Alors que la crise économique, sociale, écologique sévit,  les techniques se portent à merveille et connaissent une progression exponentielle. Leur dynamique propre, comme la dynamique économique qui l’accompagne, semble obéir à des lois de fonctionnement automatiques qui semblent ne dépendre d’aucun contrôle humain. Contrairement à l’opinion répandue, loin d’être neutre, au service de fins qui seraient extérieures à lui, le monde technique a tendance à générer ses propres valeurs, dans le cadre d’un « projet socio-historique » global (c’est ainsi que Marcuse définissait la technique). Ainsi, la situation contemporaine est propice à une forme « d’hubris technologique » ou de démesure qui favorise une sorte de foi technophile, et alimente une course frénétique. Cette foi technophile est bien présente dans ce temple de l’innovation qu’est « la Sillicon Valley » : elle est si forte qu’on en fait une philosophie à laquelle on a donné un nom : le « solutionnisme » ! Autrement dit tout problème a nécessairement sa réponse technique, et l’avenir de l’humanité dépend exclusivement de ces réponses. Après avoir transformé la nature à l’extérieur de nous, ne s’agit-il pas aujourd’hui de se préoccuper de la nature en nous ? Non plus au sens d’une lente formation de l’esprit, enjeu traditionnel de la formation et de la transmission, mais grâce à des interventions techniques d’amélioration au cœur de la matière organique… L’homme ou le monde nouveau  n’est plus le résultat d’une émancipation historique et sociale, mais de l’intervention biotechnologique sur le vivant.

  • Se frayer une voie entre philosophie conservatrice et « solutionnisme » : La chance est-elle préférable au choix ? Débat Habermas contre Ferry

La façon dont nous avons tenté de traiter la question des limites Humain / Non humain nous ont permis, nous semble-t-il, de frayer une voie entre une philosophie conservatrice et une philosophie solutionniste. Une position conservatrice ne peut qu’être farouchement opposée à l’euthanasie, à l’eugénisme des enfants anormaux, ou encore, comme semble le penser Yves Michaud, « à l’exploitation des embryons à des fins de recherche et d’expériences sur les cellules-souches »… Mais ces manipulations du génome humain ne doivent-elles pas être soutenues si elles permettent d’éradiquer la mucoviscidose, la maladie d’Alzheimerou tel cancer ? En revanche, peut-on souscrire, comme certains le préconisent – et un philosophe comme Luc Ferry semble être de ceux-là[11] – d’intervenir sur le génome des enfants pour les faire à notre goût oupour remédier à la loterie génétique génératrice de toutes les inégalités sociales, et ainsi fabriquer des êtres « égaux » ? La question étant de savoir si, contrairement à la « loterie sociale » où l’on s’accorde à reconnaître qu’elle doit être l’objet de corrections susceptibles de réduire ses effets sur le plan de l’inégalité, la loterie naturelle telle qu’elle existe avec la génétique doit rester ou non une donnée irréfragablene devant en aucune façon être l’objet d’une intervention technique. Habermas distingue radicalement à ce sujet une intervention sur la situation sociale de l’individu et celle qui concerne sa propre nature : prenons l’exemple de la situation sociale et culturelle d’un enfant ; celle-ci est en quelque sorte imposée par les parents, à travers le milieu familial, leur culture, leur langue, leurs principes éthiques...etc. C’est-à-dire à travers ce qui est transmis culturellement. Le changement éducatif peut légitimement s’orienter vers une redistribution plus équitable de ces données culturelles et sociales de départ... Rien de commun avec l’imposition de transformations concernant leur nature à l’occasion de manipulations génétiques... Bizarrement Luc Ferry semble refuser une telle distinction : sa conception idéaliste et sartrienne de l’humain – aucune détermination quelle qu’elle soit, sociale ou génétique, ne peut venir empêcherou entraver sa liberté – le conduit à ne pas faire de différence entre ces deux types de transformations. Une « situation » peut toujours être dépassée, que celle-ci soit historique ou naturelle. Contrairement à lui, nous pensons que nous sommes en présence ici, au contraire, des limites que nous cherchions à identifier (jusqu’où l’homme peut-il se transformer ?) ? Peut-on mettre sur le même plan l’éducation et l’amélioration génétique ou de type « cyborg » ? Comment peut-on confondre une transmission d’origine symbolique et une modification de son patrimoine naturel, un héritage culturel avec un héritage génétique ? Alors que le premier a toujours été l’affaire  d’un projet et d’une action humaine (c’est ce qu’on appelle la transmission au plan collectif), et qu’il entre toujours dans un rapport dynamique avec la personne où celle-ci n’est pas seulement un récepteur passif mais aussi un « auteur »[12], le second est l’effet d’une loterie, et n’est pas choisi.  Ferry, s’inspirant du titre du livre de Buchanan « From chance to choice », pose la question « en quoi la chance serait préférable au choix ?» et répond par la négative : aucune objection éthique ne semble devoir ici tracer une limite entre une intervention sur l’histoire ou la société et une intervention sur notre propre nature. Pourtant les arguments d’un  Axel Khan ou d’un Sandel nous apparaissent décisives : la grande loterie de l’évolution en ce qui concerne l’humanité, responsable d’un être à chaque fois original et singulier, doit être préservée. L’hominisation elle-même nous semble inséparable d’un tel rapport à la contingence et au hasard. Le petit d’homme se forme et se constitue à partir de ce donné primitif non susceptible d’être l’objet d’une quelconque maîtrise, serait-ce celle de ses parents : imaginons un enfant qui se vit comme étant littéralement le produit de ce que ses parents ont décidé qu’il serait : la couleur des yeux, le caractère, la taille, le sexe, les talents etc. Nul doute qu’une telle situation compromet gravement les conditions de subjectivation d’un tel individu.

  • Ni tout interdire, ni tout autoriser…

Luc Ferry a raison : plutôt que de tout autoriser ou de tout interdire, il faut penser les limites du transhumanisme, même si nous ne le pensons pas de la même façon que lui… mais pour y parvenir, encore faut-il ne pas être dépassés par un complexe juridico-technico-marchand qui semble s’emballer frénétiquement sans freins ni limites. Peut-on vraiment résister à un processus qui semble irrésistible et qui emporte la planète ? Nous sommes confrontés aujourd’hui à une automaticité qui semble aveugle et nous conduire aux impasses de l’artificialisation complète d’un monde humain totalement découplé de la nature... En même temps, nous sentons bien que nous ne devons pas « jeter le bébé avec l’eau du bain, et renoncer à de nombreuses avancées technologiques, notamment sur le plan bio-médical. L’enjeu est celui-là : sommes-nous en mesure d’imposer une (re)possession démocratique et une régulation qui nous éloigne à la fois d’un pessimisme radical et du solutionnisme technophile ? Pouvoir affronter les uns après les autres chaque projet, en sachant qu’aucun principe à priori concernant une prétendue nature humaine nous permettrait de trancher les yeux fermés… Luc Ferry en revanche ne nous aide pas à penser ces limites en refusant de faire une distinction radicale entre les techniques de changement symboliques et celles qui altèrent le cœur même du vivant. Ces techniques biotechnologiques de transformation de l’homme sont pourtant ouvertement revendiquées par les philosophes posthumanistes[13]. Il ne nous aide pas non plus à penser cette forme d’eschatologie (théorie du salut) que représente cette confiance aveugle en la technique pour remédier aux malheurs du monde…

  • Nous craindre comme des « étrangers inquiétants »… ou choisir d’être des Mutants

Nous terminerons avec cette mise en garde de Heidegger vis-à-vis d’un humanisme trop naïf qui éviterait une véritable interrogation sur soi-même : les hommes doivent apprendre « à se craindre eux-mêmes comme des « étrangers inquiétants »… Craindre « le feu sombre de Prométhée ». Ne sommes-nous pas devenus « les êtres du feu nucléaire » (pensons aux « éclairs » de Hiroshima et Nagazaki…). Mais « ces champignons qui sont sortis du noyau de l’humano-centrisme » (Sloterdijk) me font irrésistiblement penser à ces « humains améliorés » par la génétique ou la cybernétique, désormais aptes à s’adapter à un environnement de plus en plus dégradé… Futur rêvé ou nouvelle barbarie ? Une réponse claire est donnée dans unManifeste des mutants » inspiré de la réflexion de l’écrivain Maurice G. Dantec (http ://www.ifrance.com/mutation)… Chacun pourra se faire sa propre idée…

 



[1] le « downloading » ou « uploading »,qui désigne l’opération de téléchargement de la conscience dans un nouveau corps, un robot, ou même un corps virtuel existant dans un monde tout aussi virtuel (c’est le thème du film « Mattrix »).

[2] Le livre d’Yves Michaud « Humain, trop humain » nous restitue l’essentiel de sa pensée concernant cette question

[3] Dieu a dit à Adam : « …Toi, aucune restriction ne te guide, c’est ton propre jugement… qui te permettra de définir ta nature… »

[4] Philosophe suédois contemporain, d’orientation transhumaniste.

[5]Lire article de Michael Ruse in « Fondements naturels de l’éthique » de JP Changeux

[6] « Qu’est-ce que l’homme ? »

[7] « Demain, les posthumains, 2009

[8] « Humain, inhumain, trop humain »

[9] Lire « La révolution transhumaniste », 2016

[10] « Demain, les PostHumains, le futur a-t-il encore besoin de nous ? »

[11] « La révolution transhumaniste »

[12] Lire à ce sujet sur le blog de l’association Philo Sophia « Qu’est-ce qu’un héritage culturel », intervention juillet 2015 au Festival Méditerranée (médiathèque du Grand Narbonne)

[13] Par exemple, Nick Bostrom, « Defense of Posthuman Dignity »