" Se souvenir ? Oublier ?"

 

Samedi 15 décembre 2018 à 17h45 à la Sortie Ouest

Le Sujet

"Se souvenir ? Oublier ?"

 

Présentation du Sujet

 

"SE SOUVENIR OU OUBLIER ?"

 

Comme le dit si bien le regretté Paul Ricoeur dans son beau livre : « La mémoire, l’histoire, l’oubli », nous sommes troublés par « l’inquiétant spectacle que donne le trop de mémoire ici, le trop d’oubli ailleurs, pour ne rien dire de l’influence des commémorations et des abus de mémoire – et d’oubli. ». Cette inquiétude s’applique aussi bien sans doute au plan collectif de notre histoire qu’à celui de notre expérience individuelle. Trop se souvenir ou trop oublier semblent en effet avoir des conséquences dommageables... Mais doit-on opposer la mémoire et l’oubli ? L’un peut-il en réalité exister sans l’autre ?  Le nécessaire travail de mémoire n’implique-t-il pas aussi de savoir séparer le monde des morts et le monde des vivants, pour que la vie s’affirme au dépens du « ressassement » du passé ? S’il y a des formes pathologiques d’oubli, n’y a t-il pas en revanche des oublis salutaires et curatifs ? Quelle serait la politique d’une « juste mémoire » qui saurait s’écarter à la fois d’une mémoire obsessionnelle de toujours la même chose, et de l’oubli négligent de celui qui « ne veut pas savoir » ?

  

 

 

Ecrit philo

 

« SE SOUVENIR ? OUBLIER ? »

 Trop de mémoire ici, trop d’oublis ailleurs, comment trouver le bon équilibre ? Comment ne pas « ressasser » le passé, tout en évitant l’amnésie de ce qu’on ne veut pas savoir ? Entre oubli et souvenir, quelle juste mémoire ? C’est une des questions que pose Paul Ricoeur dans son livre « La mémoire, l’Histoire, l’Oubli » : « Je reste troublé par l’inquiétant spectacle que donne le trop de mémoire ici, le trop d’oubli ailleurs, pour ne rien dire de l’influence des commémorations et des abus de mémoire – et d’oubli. L’idée d’une politique de la juste mémoire est à cet égard un de mes thèmes civiques avoués ». Quelle est la juste place de l’oubli et su souvenir dans notre vie, question qui peut se poser aussi bien pour l’individu que nous sommes que pour des collectifs humains comme les Nations

1- Se souvenir de tout comme tout oublier conduit à une sorte de folie. D’un côté nous serions engloutis dans la mer du devenir, de l’autre, nous  perdrions notre identité :

►Englouti dans la mer du devenir (la formule est de Nietzsche) ? C’est le thème d’un roman de Borgès, « Funès et la mémoire »,  l’histoire de quelqu'un qui est atteint d’une forme d’hypermnésie et qui sombre dans la folie et l’obscurité en retenant tout. Son existence, ses pensées, ses perceptions sont parasitées en permanence par un jaillissement de souvenirs d’une précision inutile. Noyé dans l’accumulation des détails, il est incapable de penser. Incapable de vivre avec une telle mémoire, qu’il compare à un tas d’ordures, il s’enferme dans une pièce vide pour ne plus rien enregistrer.Edgar Morin parle à ce sujet d’un « devoir d’oubli » pour ne pas devenir fou.

►Perdre son identité en oubliant tout ? « Je ne suis le même que parce que je prends à mon compte un certain passé comme le mien ».Cette « mièneté » (Ricoeur), cette façon d’assumer un passé comme m’appartenant malgré tous les changements traversés, c’est le principe même de l’identité. Comment envisager toutes les sortes de fidélités (envers soi-même, envers ses idées, envers les autres, sans la mémoire pour se souvenir ? 

►En réalité, bien loin d’être contradictoires, mémoire et oubli ne peuvent exister l’un sans l’autre : se souvenir de quelque chose, c’est le sortir du fond de l’oubli ; lorsque je raconte quelque chose qui m’est arrivé, mon récit met en relief certains éléments pour en laisser d’autres dans l’oubli, je fais un tri… Il n’y a pas de souvenirs, qui implique une certaine forme de sélectivité (pour quoi celui-là et pas un autre ?), sans oubli corrélatif…

2-Y-a-t-il différentes formes d’oubli ?

►Il y a d’abord des oublis passifs (défaut de mémoire, déficit du travail de mémoire) et des oublis actifs, lorsque je fais l’effort d’éviter de penser à ce que je ne « veux pas savoir ». Il s’agit alors d’une stratégie active d’évitement.

►D’autre part, il y a des oublis irréversibles où l’altération ou la perte de la trace est définitive (par exemple due au vieillissement), ou bien des « oublis de réserve » qui concernent des éléments mis en réserve susceptibles d’être réactivés, ce qui suppose que leurs traces sont conservées (la notion de trace est déjà chez Platon qui utilise la métaphore de l’empreinte sur la cire pour expliquer la mémoire).Dans ce cas-là, l’oubli et la mémoire sont strictement complémentaires. Les psy ou philosophes parleront de « traces psychiques », les neurosciences de « traces corticales ou mnésiques ». En tout état de cause, nous oublions beaucoup moins que nous pouvons le penser ou le craindre. Nous pouvons rapprocher cela de Freud et la psychanalyse qui postule le caractère inoubliable de tout évènement vécu. C’est précisément le travail de« l’anamnèse »dans la cure analytique de faire revenir ces choses à la conscience.Nous oublions beaucoup moins que nous pouvons le penser ou le craindre, et nous devons supposer une survivance des images qui se créée au moment même où une chose arrive… C’est « la mémoire qui revoit », un souvenir perdu revient et je le « reconnais ». On voit là encore que l’oubli est intimement lié à la survivance des traces, et ne peut pas être considéré uniquement comme une défaillance ou une dysfonction de la mémoire. La forme fondamentale de l’oubli profond désigne  ce caractère inaperçu de la persévérance des souvenirs, sa soustraction à la vigilance de la conscience.

► Il y a enfin une autre forme d’oubli, celui qui est sous-jacent à la « mémoire de répétition », « la mémoire qui répète » (Berson), ce que les psychologues appellent aujourd’hui la mémoire procédurale ou motrice : nous n’avons pas besoin de nous souvenir comment on conduit une voiture, on joue au tennis, ou on fait des phrases : ces habitudes d’action n’ont pas besoin de faire revenir à la conscience les savoir-faire acquis pour être efficaces… L’oubli ici est rigoureusement associé à une mémoire très efficace.

3- La présence du passé peut faire oublier le présent…L’oubli est habituellement celui du passé, mais il peut être aussi celui du présent au profit de ce même passé…S’adonner aux souvenirs implique que nous sortions du cercle de l’attention à la vie et du présent de l’action. C’est la « conscience rêveuse » à la manière de celle de Proust dans « A la recherche… ». Pascal comme Montaigne ont mis en relief cette propension humaine à « vivre dans des temps qui ne sont pas les nôtres »,en particulier dans l’irréalité du passé (il n’est plus), aux dépens souvent du présent. Ce « grand dérèglement de notre esprit » nous amène à « n’être jamais chez nous, nous sommes toujours au-delà ; nous pensons toujours ailleurs. »C’est souvent une manière de contester ce qui est au nom de ce qui a été…  La réalité du présent perd alors sa vivacité au profit de l’irréalité du passé… Pour Clément Rosset, c’est une folie ordinaire mais essentielle à l’être humain, que de toujours faire la part la plus belle à l’inexistant par rapport au domaine de de l’existant. Mais peut-être, ajoute-t-il, que cet intérêt pour l’ailleurs est l’exact reflet de la minceur de l’intérêt porté à ce qui est ici… Comme le dit Mallarmé (cité par Rosset), « quelle est cette faim qui d’aucuns fruits ne se régale ? ». « La véritable dégustation de l’existence se contente des limites de celle-ci… elle ne se complique d’aucune convoitise, même très vague, qui porterait sur les choses de l’ailleurs ou d’un autre temps que le temps présent. ». L’oubli du passé apparaît ici comme une hygiène de vie salutaire, mais cependant l’expérience humaine peut-elle faire l’économie du passé et de l’avenir ?

4- Le passé n’est pas seulement ce qui n’est plus (ce qui est révolu), mais « ce qui a été » : La métaphore célèbre de Bergson du cône renversé pour figurer la mémoire est toujours très parlante : la pointe serait le présent, et la base l’ensemble des souvenirs de notre passé, témoignant de la persistance de l’inscription. Ce passé inconscient « qui n’agit plus » (idée qui sera contesté par Freud) n’est pas pour autant « impuissant ». Il pèse de tout son poids sur la pointe du présent, et dans chaque vécu de conscience notre passé intégral coexiste avec notre présent.   Freud défend une conception plus dynamique de l’inconscient où le passé agit en permanence sur le présent, impact révélé notamment à travers le rêve,  l’acte manqué, le lapsus, et bien d’autres symptômes (le passé agit ainsi de façon inconsciente, cachée et déplacée). Et cette « présence » du passé  dans le présent est autant collective (historique) qu’individuelle. Il pèse de tout son poids sur le présent, aussi bien sur notre avenir personnel que sur l’avenir des peuples. Il est « ce qui a été » et pas seulement ce qui n’est plus (ce qui est révolu et ne revient pas), et donc il est aussi passage – le passé « passe » -, son être continue d’exister de façon mystérieuse dans le présent (Heidegger).

5- « Si tu en as fini avec le passé, le passé n’en a pas fini avec toi. » Le passé fait donc souvent irruption dans notre vie, alors qu’on le croyait ou qu’on le voulait révolu… Un très beau film « Elle s’appelait Sarah » avec Christine Scott Thomas développe cette thématique : des circonstances particulières amènent une journaliste à enquêter sur un drame horrible du Vel-Div : au cours d’une rafle, un enfant est mort dans le placard où sa grande sœur l’avait enfermé pour le soustraire à la gendarmerie. Après une longue enquête, cette journaliste parvient à retrouver aux USA de nombreuses années après le fils de cette sœur, elle-même morte par suicide… Il ne sait rien de ce passé (rapt de sa mère au Vel-Div ainsi que toute sa famille, et surtout le terrible secret de sa mère à propos de son petit frère), et le rejette en bloc dans un premier temps… Quelques années après, il va accepter de se confronter à lui, ce qui sera le point de départ d’un véritable travail de mémoire permettant de commencer une reconstruction salvatrice. Boris Cyrulnic, lui-même durement touché par la déportation de ses parents, appelle cela la problématique du « je ne veux pas savoir » (lire « Mourir de dire, la honte »), qui est souvent une question de survie (il y a des situations où il est sans doute vital d’oublier. Ne pas se retourner, se condamner au silence et refuser de regarder son passé en voulant en savoir le moins possible, est parfois obligatoire), mais qui devient nocive si elle s’installe trop longtemps.Le passé éjecté par la porte risque de faire violemment irruption par la fenêtre…  Cyrulnic explique que les rescapés ont été souvent « coupés en deux » par cette terrible épreuve, incapables qu’ils étaient d’avoir la force de revisiter ce passé et de reconstruire une autre représentation de celui-ci (déni, anesthésie spontanée face à l'impossible).… jusqu’au moment où ils s’en sont sentis capables et qu’ils ont pu, en reprenant possession de leur histoire, soigner (partiellement ?) ces blessures et « se retrouver à nouveau entier », cessant d’avoir « une partie de leur personnalité éteinte ».

6- Devoir de mémoire ou travail de mémoire ?« Mettre la mémoire à l’impératif, c’est le début d’un abus. Je préfère dire le travail de mémoire. » (Paul Ricoeur). Notre époque est marquée par une forme d’obsession de la patrimonialisation et de la commémoration. Selon l’historien Pierre Nora, il s’agirait d’une attitude réactionnelle symptomatique devant les difficultés de notre époque contemporaine à entretenir un rapport vivant à un passé que nous percevons de plus en plus éloigné de nous. Nous sommes restés pendant longtemps dans une forme de présent éternel où nous nous sentions collectivement de plein pied avec notre passé. Le problème des excès de commémoration réside souvent dans l’instrumentalisation du passé et l’anachronisme : on prend en otage la recherche historique aux seuls fins du présent. Les commémorations conduisent souvent à la sacralisation ou à l’exécration, à la nostalgie ou au ressentiment. Une certaine mémoire collective favorise l’enfermement et l’isolement sur soi. Un historien polonais (dont je me souviens plus du nom…) disait au moment de la guerre du Kosovo (mais cela peut s’appliquer à bien des conflits) : « nous ne pouvons pas gratter indéfiniment les plaies du passé, sous peine d’être toujours en guerre ». L’appel au souvenir consiste alors souvent à sanctifier certains évènements historiques pour en faire des mythes unificateurs au nom de la conscience collective, et à entrer en guerre (au sens propre ou figuré…) au nom d’un sacré national qui, par définition, ne supporte aucune tentative de négociation…  Davis Rueff, dans un essai intitulé « Eloge de l’oubli. La mémoire collective et ses pièges », dénonce une certaine mémoire collective qui ne songe qu’à sauver le passé pour nourrir des désirs de revanche au présent et à l’avenir. Quelle est la durée d’un souvenir historique, se demande-t-il ? Un siècle ? Deux siècles ? De toute façon il sera délogé tôt ou tard par d’autres souvenirs plus récents qui vont finir par effacer les premiers… En arrière-plan de cette question, c’est l’idée du caractère mortel de notre condition ainsi que de toute chose, y compris de la mémoire… David Rueff nous invite, au moins dans un certain nombre de circonstances, à dédier à l’oubli une partie de l’énergie que l’on consacre à une mémoire collective trop souvent déformée, peu respectueuse de la réalité historique, et en partie responsable, dans un grand nombre de cas, de la recrudescence des conflits et de la guerre au nom des tragédies du passé.  Il y aurait selon lui « un impératif éthique de l’oubli ». Un certain nombre d’exemples pourrait en effet étayer sa thèse : la Grande Serbie, Jérusalem, le Grand Islam…etc. Ce n’est pas vraiment l’avis de Ricoeur, qui semble maintenir à égale distance à la fois d’un côté un devoir de mémoire qui peut induire une telle obsession et instrumentalisation du passé, et l’oubli ou l’indifférence de l’autre côté. Une juste mémoire et une mémoire à la fois vivante et apaisée. Cela passe par un véritable « travail de mémoire », qui est aussi un travail de deuil : il s’agit à la fois de lutter contre l’oubli, le refoulement, les manipulations de la mémoire, et de « séparer le passé du présent et faire face au futur ». Le deuil n’est pas seulement une affliction, mais consiste en une négociation avec la perte de l’être aimé dans un lent et douloureux travail d’assimilation et de détachement (Freud. « Deuil et mélancolie »). Ricoeur insiste sur la dimension éthique de l’Histoire (celle des historiens), car celle-ci répond à une dette que nous avons vis-à-vis des morts, et s’apparente à un « travail de sépulture ». En quel sens ?

Il s’agit d’honorer leur mémoire par le récit, et ainsi de remédier à la fragilité et au caractère éphémère de l’existence en inscrivant les morts, et en nous inscrivant nous-mêmes, dans la continuité d’une communauté plus grande qui idéalement englobe tous les êtres humains. Et ainsi assumer notre position d’héritiers et d’interlocuteurs des morts d’hier et d’avant-hier. Grâce à cette conscience historique, il s’agit d’avoir une meilleure intelligibilité du passé et donc de marcher un peu moins dans les ténèbres. Enfin, ce travail de mémoire et de deuil consiste également à marquer une séparation claire entre le domaine des morts et celui des vivants, car « La lumière du jour doit être réservée aux vivants. »

7- Des stratégies pour oublier en fonction de ce que nous voulons croire et retenir Le travail de mémoire personnel, comme d’ailleurs celui de l’historien, doit se prémunir autant que faire se peut des diverses pathologies de la mémoire visant à refouler ou à manipuler le passé… Nous savons que le souvenir est toujours l’objet d’une reconstruction, d’un travail plus ou moins sélectif. Les travaux de Freud sont ici très utiles : des concepts come ceux de refoulement, de « souvenirs-écran », de déplacement, de répétition, nous aide à comprendre les déformations de la mémoire, et les oublis qui lui sont associées.Dans certains cas, nous sommes en présence d’une mémoire collective qui organise l’oubli. Nous pouvons par exemple retenir une chose de façon obsessionnelle, et s’aveugler sur une autre tout aussi importante : par exemple, après la seconde guerre mondiale, notre Histoire officielle a longtemps mis le projecteur sur l’Occupation, la résistance et la libération et « oublié » (l’oubli prend ici le sens d’un refoulement) le traitement que nous avions infligé aux personnes juives : il a fallu de longues années avant que  nous acceptions de voir l’extermination et l’antisémitisme de l’Etat français (lire « Le syndrome de Vichy », H. Roussot). Nous sommes avec cet exemple en présence d’un cas où la mémoire collective « organise » l’oubli. Souvent le passé (en particulier quand il est lié à un traumatisme) « passe mal », en l’absence d’un véritable travail de mémoire. Mémoires empêchée, manipulée, occultée (dans le cas de l’amnésie), autant de stratégies d’évitement face à des évènements traumatiques et/ou à des fins politiques…

8- « La faculté active de l’oubli » : il est « vital » : mais il doit être « digestif »… Nietzsche : « Il est possible de vivre, et même de vivre heureux, presque sans aucune mémoire, comme le montre l’animal ; mais il est absolument impossible de vivre sans oubli. Ou bien, pour m’expliquer encore plus simplement sur mon sujet : il y a un degré d’insomnie, de rumination, de sens historique, au-delà duquel l’être vivant se trouve ébranlé et finalement détruit, qu’il s’agisse d’un individu, d’un peuple ou d’une civilisation. ». Contrairement au « ressassement » qui rend malade, Il faut s’appuyer sur son passé non pas pour s’y figer mais pour le transformer en force, le métaboliser, le digérer pour devenir plus fort. « Incorporer », transformer le passé en force, n’est-ce pas là la version nietzschéenne du travail de deuil freudien ?  L’oubli entendu ainsi devient une force régénératrice et curative. Il ne s’agit donc pas d’une attitude de fuite vis-à-vis du passé au nom de la vie et de l’avenir, mais d’un oubli « digestif », qui permet de ne pas trop s’attarder sur les choses du passé en s’empêchant par là même de participer activement au présent. Car alors le passé peut être le fossoyeur du présent… Il faut sélectionner ce qui est favorable à la vie et le transformer en force. A défaut, nous risquons de nous laisser envahir par la rumination éternelle du passé, est ainsi être un « homme du ressentiment », qui est pour Nietzsche la maladie la plus grave : les traces mnésiques envahissent la conscience au point que nous ne sommes plus capables de réagir, mais seulement de ressentir. Cette mémoire venimeuse empêcherait la réceptivité et la disponibilité de la conscience au service du présent et de l’avenir. Mais Nietzsche n’oppose pas ce qu’il appelle « le point de vue historique » au point de vue non historique : il nous propose de construire un subtil équilibre entre la métabolisation du passé et la salubrité vitale de l’oubli.