le vendredi 12 mai 2023 à 17h45 à l'office de Tourisme La Domicienne Maison du Malpas.

 

Le sujet :

" A quoi servent nos émotions ? "

 

Présentation du sujet 

par Catherine Cazaux, formatrice en communication.

"A quoi servent nos émotions ?"

Tout le monde en parle ! Le sujet de  l'émotion est partout: livres, revues, émissions tv, radio...
L’omniprésence d’un tel engouement s’explique en particulier par la valorisation de l’expression personnelle : accueillir nos émotions est une façon de s'affirmer, d’oser dire et se dire.
Alors qu’il y a quelques décennies il s’agissait plutôt de cacher ses émotions, ou même d’en avoir honte, de tels comportements sont devenus aujourd’hui signe de faiblesse
Pour se servir de ses émotions, il faut les comprendre et surtout comprendre leur besoin sous-jacent.

 

 

Ecrit Philo

" A quoi servent nos émotions ? "

 
De quoi parle-t-on ?

L’émotion qui vient du mot latin « ex-movéré » nous dit que ce mouvementse fait hors de nous : nous percevons, nous recevons des informations de nos sens. Nous réagissons physiquement : montée d’adrénaline, modification du flux sanguin, pigmentation du visage.

Cette réaction se produit avant que le néocortex ait pu analyser l’information et renvoyer ses ordres.

Si nous pouvions prendre du temps, la force de l’émotion et son charme, parfois seraient rompus. Donc, la raison tuerait l’émotion. C’est un point vital de la philosophie stoïcienne. Nous ne décidons pas de l’émotion que nous allons subir.

Il nous arrive d’appréhender nos émotions car elles peuvent être douloureuses, imprévisibles, paralysantes ou d’une ampleur terrifiante. Longtemps elles ont été vues comme des entraves à la raison et au bonheur car nous les avions réduites à des pulsions qu’il était bon de réprimer et de cacher, dont il fallait avoir honte.

La peur, la colère, la tristesse, la joie sont les émotions essentielles autour desquelles viennent s’accrocher des expressions émotionnelles comme le dégoût, la honte…

Une émotion est une réaction psychologique et physique à une situation de plus ou moins courte durée. Une émotion a en premier lieu une manifestation interne et génère une réaction extérieure. Elle s’exprime de façon plus ou moins physique, visible et contagieuse, selon l’environnement dans lequel l’individu est confronté.

En cela l’émotion est différente d’une sensation, laquelle est la conséquence physique directe (relation à la température, à la texture…). La sensation est directement associée à la vision sensorielle « j’ai une sensation de froid » que cela soit justifié ou pas, par une atmosphère extérieure, elle est connectée à notre compréhension de la situation.

Les sentiments eux vont être la conséquence de l’émotion s’appuyant sur le raisonnement. Ils peuvent durer beaucoup plus longtemps,ils sont le fruit de l’interprétation de l’émotion. Le sentiment va avoir besoin de justifier l’émotion en l’externalisant, en cherchant des coupables, des prétextes, des boucs émissaires.

En opposant radicalement l’esprit et le corps, René Descartes (1596 – 1650) a profondément influencé notre conception des relations entre l’intelligence et les émotions. Pour Descartes, l’esprit est une « substance pensante » immatérielle, alors que le corps est une « substance étendue », c’est-à-dire physique. Dans le cadre de ce dualisme radical, les émotions, nommées passions, sont conçues comme des actions du corps sur l’esprit.

Descartes distingue six passions primitives : l’admiration, l’amour, la haine, le désir, la joie et la tristesse. Il considère que toutes ces passions aveuglent l’esprit et n’apportent rien de positif à la pensée. Par conséquent, il est essentiel de sauvegarder l’indépendance de la pensée en connaissant les passions pour mieux les contrôler.

Bien que plusieurs philosophes, en particulier Spinoza (1632 – 1677) aient mis en question le dualisme cartésien et la théorie des passions qui y est associé, la conception cartésienne des émotions reste dominante jusqu’à la fin du 19ème siècle et imprègne encore les représentations contemporaines des émotions.

La publication de Charles Darwin en 1872 de « l’expression des émotions chez l’homme et les animaux » est le point de départ d’un changement majeur du regard sur les émotions. Dans cet ouvrage, Darwin analyse l’expression des émotions d’un point de vue évolutionniste. Il défend l’idée que les diverses formes d’expression émotionnelle ont été sélectionnées au cours de l’évolution des espèces du fait de leur valeur adaptative. Pour Darwin, l’expression physique des émotions a une importante fonction de communication et d’adaptation dans nos interactions avec autrui.

La fonction sociale positive que Darwin attribue aux émotions a été confirmée par de nombreuses recherches contemporaines.

Ainsi, Frans de Waal, démontre que l’expression des émotions est à la base de comportements pro sociaux comme l’empathie et la coopération. Il considère que « les émotions sont notre boussole » s’écartant ainsi radicalement de la conception cartésienne des émotions, source de perturbations de l’esprit.

Par ailleurs, le développement de la neuropsychologie à partir des années 1980 conduit à une révision profonde des relations entre émotion et pensée rationnelle. L’étude de patients cérébrolésés présentant des dissociations cognitives, c’est-à-dire la perte de certaines fonctions habituellement associées à d’autres, qui, elles, restent intactes, a permis de mieux comprendre le rôle que jouent les émotions dans le développement et le fonctionnement normal de nos aptitudes intellectuelles.

En 1994, Antonio Damasio offre une première synthèse de ses recherches « L’Erreur de Descartes ». Il y montre que les processus neuraux qui sous-tendent la raison et les émotions sont imbriqués au niveau du cortex préfrontal et de l’amygdale. Les systèmes impliqués dans le raisonnement et la prise de décision sont les mêmes que ceux qui interviennent dans la perception et l’expression des émotions.

Les émotions sont des expériences conscientes (le ressenti) qui associent des réactions physiologiques, expressives et comportementales.

Bien avantl’apparition du langage, elles constituent une première forme de vie mentale. Elles sont la représentation de l’état plaisant ou déplaisant de notre corps. Sur cette base, nous pouvons déclencher un comportement d’approche, pour prolonger ou renouveler un état plaisant, ou de fuite pour interrompre ou éviter un état déplaisant.

Les émotions guident ainsi nos premiers comportements et nos premières prises de décision. Elles sont non seulement à l’origine de notre pensée, mais aussi de notre conscience d’exister et du sentiment d’être soi.

Parallèlement aux recherches neuropsychologiques sur les émotions, Peter Salovey et John Mayer publient en 1990 un premier modèle de l’intelligence émotionnelle (IE). Cette dernière est conçue comme une composante de l’intelligence générale en charge de la gestion des émotions. Les deux chercheurs identifient quatre aptitudes coordonnées au sein de l’IE.

  • La première est la perception de ses propres émotions et de celles d’autrui au travers du visage, de la voix, des images et des productions culturelles.
  • La seconde est la régulation de ses émotions et de celles d’autrui (par exemple, le contrôle de leur intensité).
  • La troisième est l’utilisation des émotions pour faciliter différentes activités cognitives (par exemple, pour stimuler la créativité ou pour soutenir sa motivation).
  • La quatrième enfin est la compréhension des émotions (par exemple, la capacité de distinguer la joie de l’extase ou, la compréhension de la manière dont évoluent les émotions au cours du temps).

La plupart des chercheurs utilisent à présent le terme « compétence émotionnelle », plutôt que « intelligence émotionnelle ». L’utilisation de ce terme a permis de circonscrire un champ de recherche relativement indépendant des débats qui agitent le domaine de l’intelligence, tout en soulignant la dimension cognitive du traitement des émotions.

Des recherches récentes se sont intéressées aux facteurs qui influencent les compétences émotionnelles et leur développement. On considère aujourd’hui que le développement des compétences émotionnelles est sous-tendu par de multiples facteurs génétiques et environnementaux en interaction.

Plusieurs études se sont aussi penchées sur la possibilité de développer les compétences émotionnelles des adultes et ont pu montrer que des améliorations substantielles et durables sont possibles.

Toutes ces recherches soulignent la valeur adaptative des émotions, pour autant que les processus cognitifs chargés de leur gestion soient correctement développés.

D’évidence, nous avons dépassé l’opposition cartésienne entre pensée et émotions en concevant celles-ci en termes d’intégration.

« Nos émotions ne sont pas des ennemies intérieurs mais des alliées pour la construction de soi »

Malgré ces compréhensions, ces prises de consciences, pour la plupart d’entre nous, nous cachons nos émotions car elles seraient un signe de faiblesse que de les laisser s’exprimer.

L’émotion peut se définir basiquement comme une manifestation de la vie affective, généralement accompagnée d’un état de conscience agréable ou pénible. L’émotion est un trouble de durée variable, une rupture d’équilibre. Le trouble est parfois violent et entraine une augmentation des mouvements (colère, joie enthousiasme) ou au contraire, un arrêt de mouvement (peur, sidération, coup de foudre…)

L’émotion agit donc tantôt à la façon d’un excitant, tantôt à la façon d’un stupéfiant.

Les répercussions sur le corps peuvent aller jusqu’à la syncope mais se limite le plus souvent à des manifestations physiques minimes (rougissement, la pâleur, les tremblements…)

L’émotion, contrairement à la passion qui se présente comme un déséquilibre durable de la raison, reste un déséquilibre éphémère qui marque l’effort de l’individu pour se plier aux circonstances. L’émotion est donc une réaction à une situation nouvelle et inattendue.

Kant écrit : « l’émotion est le sentiment d’un plaisir ou d’un déplaisir actuel qui ne laisse pas le sujet parvenir à la réflexion. Dans l’émotion, l’esprit surpris par l’impression perd l’emprise sur lui-même. »

Pour Alain : « L’émotion est un régime de mouvement qui s’établit dans le cœur sans la permission de la volonté et qui change soudainement la couleur de pensées », cette réaction physique partirait du cœur et non du cerveau ce qui confirme bien que la réflexion n’entre en jeu qu’après l’expression physique.

Pour Jung, « sans émotions, il est impossible de transformer les ténèbres en lumière et l’apathie en mouvement »

D’ailleurs Casanova (1725-1798) dans Ma fuite des plombs de Venise, écrit

« L’émotion est aveugle, il est donc facile qu’elle nous aveugle. L’émotion est une réaction automatique, stéréotypée et pré conditionnée. Elle est aveugle au contexte et à la portée de ses effets. L’émotion peut donc se retourner contre soi-même.

« Tel est l'homme ; et il ne se doute pas que ce qui tient ce langage dans lui n'est pas la raison, mais sa plus grande ennemie, la colère. »

Samuel Lépine,pour son approche philosophique écrira dans son concept d’émotion, « Les émotions ont parfois été dépréciées, notamment parce qu’on les soupçonne couramment de perturber le fonctionnement optimal de notre raison. Il nous arrive en effet de penser que nos émotions nous conduisent à agir bêtement, comme lorsque la colère nous pousse à crier sur notre entourage de façon excessive, ou lorsque la peur nous paralyse alors que l’on aimerait avoir la force de réagir face à la situation que nous rencontrons… Même les émotions désagréables comme la tristesse, le dégoût, ou la peur semblent attirer notre attention sur des choses importantes pour nous. »

Le corps est le premier concerné

Avoir la gorge nouée par la tristesse, les poings et la mâchoire serrés par la colère, une boule au ventre à cause de la peur, envie de sauter de joie, les émotions s’expriment et partent du corps. Cette réaction physique nous incite à nous préparer à l’action. Par exemple, la peur peut contracter tous les muscles pour faciliter la fuite éventuelle devant un danger.

Il est rare d’entendre une personne avouer qu’elle a peur (surtout dans le monde professionnel) et fréquent qu’une autre en pleurs s’excuse et parte se cacher.  Car l’émotion est honteuse (un grand, ça ne pleure pas).

Pour apprivoiser l’émotion, il suffirait pourtant de 3 minutes pour se brancher sans jugement sur les sensations provoquées par nos émotions et observer ces grands courants qui traversent le corps sans s'y opposer.

Plus largement, sur le plan social ou politique,

L’émotion activée avec une intention manipulatoire ou pas, elle peut avoir des conséquences délétères jusqu’à l’anti-démocratie : comme l’exemple d’Israël construit sur la peur, la notion d’appartenance, la colère.

Et comme nous le précisait la philosophe Myriam Revault d’Allonnes concernant la post-vérité, ce terme désigne « des circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour former l’opinion publique que l’appel à l’émotion et aux croyances personnelles ».

C’est bien cette absence de référence aux faits qui peut générer une perte de confiance qui pourrait aller jusqu’au populisme.

Toutefois, le fait que les émotions puissent effectivement être sciemment manipulées par des pouvoirs politiques ne doit pas occulter un autre fait : Elles sont mobilisées en permanence dans la vie sociale ce qui implique en particulier que toute vision ou analyse politique d’une situation donnée ne peut en aucun cas faire l’impasse de cette dimension soit toute rébellion, contestation, mais aussi toute adhésion, soutien, consentement etc… repose en partie sur des émotions.

En entreprise, par exemple, prenant le prétexte du « bien-être au travail », certains employeurs peuvent avoir recours à la manipulation en s’appuyant sur les émotions des collaborateurs afind’activer la peur du licenciement ou de la mise en péril de l’entreprise…

Les émotions, si elles ont été longtemps réprimées, étouffées c’est aussi parce qu’elles peuvent très destructrices.

En revanche, Les émotions sont vitales

Elles nous permettent de nous adapter dans un monde en changement. Les émotions entretiennent en permanence un dialogue entre notre cerveau, notre corps et notre environnement. On s’intéresse depuis longtemps à l’expression faciale des émotions qui est universelle, ce qui renforce bien l’idée d’un système de communication important dans les relations. Comprendre les relations corps-cerveau ouvre de nouvelles voies de compréhension.

 Selon nos préférences comportementales, nous avons tendances à adopter face à des stimuli différents, des réponses identiques et habituelles : pour contrer les sentiments désagréables, (états affectifs complexes élaborés par notre mental, qui émergent avec l'émotion) certains vont marcher et faire les cent pas ou se laissent déborder par la colère, tandis que d'autres rentrent dans leur coquille et se rongent intérieurement... En effet, certaines émotions activent notre système sympathique (notre accélérateur) et nous poussent à agir en augmentant notre activité cardiaque, respiratoire et notre température, par exemple la colère ou la joie. D’autres émotions, en revanche, comme la frustration, la tristesse ou le soulagement, activés par le système parasympathique (notre ralentisseur), produisent l’effet inverse, en ralentissant notre rythme et en réduisant notre température.

« En avoir plein de dos », avoir « la trouille au ventre », « se faire de la bile »,« avoir les reins solides », sont autant d’expressions qui nous révèlent la relation étroite entre nos émotions et notre corps. Lorsque nous sommes fiers, tristes ou heureux, nous éprouvons des sensations corporelles localisées dans des zones spécifiques de notre corps.

Nous en avions l’intuition avec ce rouge qui monte aux joues (morts de honte), ou avec cette douleur intense qui oppresse la poitrine en cas d’anxiété. Les neurosciences nous permettent désormais d’en établir une cartographie plus précise.

La première étape d’analyse pour la compréhension de l’émotion, loin d’être la plus facile, est d’arriver à identifier l’émotion. De façon plus habituelle,notrepremière réaction est de chercher des causes extérieures, des coupables afin de nous protéger.Lorsque nous avons la capacité de comprendre le besoin sous-jacent exprimé par l’émotion, il est plus aisé de nous en servir : Trouver de l’aide sur ce sujet me parait tellement important car il a été démontré que si l’émotion n’est pas prise en compte, elle revient avec de plus en plus d’intensité jusqu’à ce que ce soit le corps lui-même qui l’exprime sous la forme des maladies…les émotions jouent des rôles d’avertisseurs pour gérer les situations et nous faire réfléchir pour des remises en cause constructives.

Les émotions lorsqu’elles sont exprimées nous font vraiment grandir et leur compréhension peut nous aider à guérir.

Réflexions de la philosophe Marie Robert
La joie

Chez Spinoza, la joie est une sorte de baromètre qui nous informe que l’on est à la juste place. C’est un très bon indicateur pour savoir si les choses vont bien, si l’on prend les bonnes décisions. Il s’agit presque d’intuition. Les enfants sont exactement dans cet usage de la joie : c’est une joie qui n’est pas en train d’être interrogée, mais qui est simplement et pleinement ressentie.

La tristesse

Cette émotion passionnante,lors de notre capacité à l’accueillir. C’est elle qui peut nous permettre, grâce à son existence d’être capable à l’inverse de ressentir également de la joie. C’est-à-dire que l’une ne peut exister pas sans la connaissance de l’autre.

J’entendais l’autre jour l’interview d’un sportif qui disait que l’on a toujours envie de transformer les défaites en victoires, parce qu’on a donné le meilleur de soi, parce qu’on a participé… Mais non ! Comment pourrait-on être victorieux car sans vraies défaites il n’y aurait pas de vraies victoires non plus. Les larmes peuvent être un cadeau magnifique que l’on offre à soi-même. Elles ont quelque chose d’héroïque, on a tout de suite envie de nous consoler.  Edgar Morin dit que la vie est tissée de tristesses et de joies, que l’un ne va pas sans l’autre, et que nous pouvons mesurer la valeur de la joie que parce que nous avons connu le négatif de la tristesse.

Bien que nos proches aient envie de nous consoler, pour autant, la tristesse reste l’opportunité d’une introspection. C’est l’accueil de la tristesse qui est important, c’est le moment qui demande le plus de courage. Vivre ses émotions est essentiel même si elles sont négatives, mais il ne faut pas oublier cependant que « les passions tristes (honte, ressentiment, culpabilité, haine, colère) sont aussi très destructrices pour soi et pour les autres.

On l’observe beaucoup dans les tragédies Grecques d’ailleurs. Dans l’Odyssée d’Homère, Ulysse et Achille pleurent. Ulysse discrètement, Achille bruyamment ; il sanglote ! et pourtant ce sont des figures héroïques comme seuls les Grecs savent en faire. Leur tristesse est à la hauteur de leur puissance.

La peur

La peurest peut-être l’émotion la plus partagée. Comme la tristesse, c’est une émotion qu’on a souvent envie de supprimer. Mais, qu’est-ce qu’elle me permet ? Le philosophe Hans Jonas, par exemple explique que « si l’on a peur, on ne va pas agir. C’est la peur qui nous permet de nous sentir responsables, et c’est parce qu’il y a la peur qu’on adopte une attitude adéquate. »Il s’agit là par exemple, d’activer un principe de responsabilité face au danger qui menace la planète : seul ce qu’il appelle l’heuristique de la peur peut nous empêcher de commettre l’irréparable…(premier écologue) et donc de renoncer à poursuivre la conquête technologique.

« Certaines de nos peurs, nous ont permis d’éviter des catastrophes. J’ai la peur viscérale de perdre les gens que j’aime, et c’est ça qui me permet d’avoir ce degré d’intensité et d’amour à leur égard, justement. Ça me rappelle qu’il est important de s’appeler, de passer des moments ensemble, de lâcher sur certaines choses qui n’ont pas d’importance à l’aune de nos crépuscules. Si je ne m’en suis pas séparée, c’est qu’en fait je trouve à cette peur une profonde utilité. Et, au bout du compte, il est aussi intéressant de se poser cette question en négatif : on parle beaucoup de nos peurs, on peut tous en faire la liste. Mais qu’est-ce qui nous sécurise ? »

La colère

Sublime interrogation… ! La colère en philosophie, est assez mal vue car on considère qu’elle nous éloigne de la raison. Elle peut parfois camoufler la peur ou la tristesse.  L’outil « clé en main » des stoïciens,c’est de nous demander ce qui dépend de nous. Elle nous permet de faire le tri. Afin de pouvoir apaiser cette puissante émotion, il est nécessaire de déterminer par une analyse de la situation qui sont les acteurs responsables et quelles sont leur intention afin de pouvoir rendre à chacun ce qui lui appartient et de diminuer l’impression d’être injustement coupables.

Ceci étant dit, la colère est aussi extrêmement bénéfique dans nos combats. Elle n’est pas seulement irrationnelle, elle est aussi légitimée par des situations intolérables. Tout comme la peur, si la colère nous dévore et qu’on se sent dépassé par elle, c’est effectivement important de trouver des stratégies pour prendre du recul. Mais la colère, c’est aussi notre levier éthique. Heureusement qu’on est en colère.

Beaucoup de philosophes du XXe siècle ont montré que la raison est aussi opposition. Est-ce que notre humanité ne tient pas aussi à nous indigner, à trouver quelque chose insensé ?

Nous n’aurions pas mené beaucoup de combats si nous n’étions jamais en colère. Ne faut-il pas se méfier, souvent, de cet appel à la sérénité absolue : «  il faut être zen, rester calme »… Parfois non ! La colère, c’est aussi une puissance de changement, un levier de transformation de nos sociétés, une façon de poser ses limites.

Comment avez-vous pu utiliser vos émotions ?

Je vous propose maintenant que nous évoquions ensemble, à travers vos témoignages, comment se servir de ses émotions…