"La nature est-elle un sujet de droit ?"

 

Samedi 10 octobre 2020 à 17h45

 

à l'Office de Tourisme La Domitienne - la Maison du Malpas

 

Le sujet : 

"La nature est-elle un sujet de droit ?"

 

Présentation du sujet 

 

 

 

 « Les arbres doivent-ils plaider ? ». C’était le titre du livre d’un professeur de droit en   1972, Christopher Stone, en réaction à l’affaire du projet de station de ski de Walt   Disney, au sud de la Californie, qui menaçait les célèbres arbres Séquoias de cette   vallée. Depuis la question se pose très régulièrement : doit-on accorder des droits à   la nature et aux différentes entités qui la constituent, arbres, plantes, animaux,   fleuves,   montagnes, vallées…etc. Plusieurs nations ont attribué une personnalité   juridique au pays, à certains fleuves, certains glaciers, certaines montagnes… La   convention citoyenne pour le climat en France propose de soumettre à référendum   une loi sur le crime d’écocide, consacrant ainsi l’introduction d’un tel droit dans la   nature….  Deux conceptions se heurtent frontalement : l’humanisme d’un côté, le   naturo-centrisme ou écocentrisme de l’autre. Cette opposition est-elle pertinente   jusqu’au bout ? La nature peut-elle - et doit-elle -  être un sujet de droit ?

 

Ecrit philo

 

“La nature est-elle un sujet de droit ? »

Nous nous sommes beaucoup inspirés pour cette réflexion des livres et conférences de Catherine Larrère, ainsi que du dernier livre de Francis Wolff « Plaidoyer pour l’universel »

Pour poser clairement dès le départ l’objet et l’enjeu de la discussion induite pat cette question, commençons par relater un évènement qui avait fait grand bruit dans la sphère intellectuelle en 1972 : Christopher Stone, professeur de droit aux Etats-Unis, écrit un livre intitulé « Les arbres doivent-ils plaider ? », suite à l’affaire du projet de la station de ski de Walt Disney dans la « Minéral King Valley », au Sud de la Californie. Les célèbres Séquoias de cette vallée étaient en effet menacés par le projet, qui a d’ailleurs étaient finalement abandonné. Christopher Stone plaide donc lui-même pour défendre l’idée de « droits de la nature », et explique que toute avancée du droit a systématiquement suscité des réactions et oppositions virulentes… Un exemple récent en France peut également nous montrer à quel point ce débat est actuel : la Convention citoyenne sur le Climat, dont tous les membres ont été tirés au sort, vient de proposer après 6 mois de travaux et l’écoute des principaux experts dans ce domaine, de faire entrer la notion d’ « écocide » dans la Constitution, l’équivalent du génocide (caractérisé comme crime contre l’humanité), consacrant ainsi l’introduction du droit dans la nature… Un tel débat n’est pas seulement « cosmétique » ou symbolique », mais engage au contraire des pratiques ou des mesures très concrètes. Pouvoir mobiliser le droit face à la situation désastreuse de l’environnement, peut être un enjeu important aux conséquences très concrètes. Cependant, si le débat traverse aujourd’hui profondément le milieu des juristes, il suscite chez la plupart une fin de non-recevoir, réservant exclusivement la notion de droit aux sujets humains ou à un ensemble d’humains (comme l’Hôpital par exemple). Comment en effet reconnaître des droits sans reconnaître des devoirs ?

Nous pouvons aussi faire le lien avec notre séance précédente sur « La mort de Dieu » : le nihilisme ou dépérissement des valeurs traditionnelles pronostiqués par Nietzsche n’interroge-t-il pas profondément l’humanisme auquel nous avons l’habitude de nous référer ? En effet, le dilemme de la Modernité peut alors être compris de la façon suivante[1] : l’homme ne vaut absolument que si Dieu n’est pas (car alors il passe au second plan relativement à Dieu), mais sans Dieu il ne vaudrait rien. Les valeurs qui le faisaient tenir debout en tant que créature de Dieu finissent par dépérir sous le régime du nihilisme. C’est peut-être la Nature qui va désormais les remplacer l’un comme l’Autre. Si nous actons la mort de Dieu, il ne reste plus que l’homme et la Nature, et la réflexion se concentre sur l’alternative suivante : qui doit valoir absolument ? L’homme, qui n’est pourtant qu’un être de la nature et qui en dépend ? Ou bien la nature, qui pourtant ne vaut que par l’homme qui l’évalue ? C’est ce dilemme qu’il nous appartient de mieux expliquer et si possible de résoudre…

La nature est-elle un sujet de droit ? Derrière cette question, une opposition désormais classique entre humanisme ou anthropocentrisme, et éco-centrisme. Dans le premier cas, est affirmée l’opposition entre nature et culture, l’homme est un être d’ « anti-nature » et de liberté,  il s’arrache à la nature pour entrer dans l’histoire humaine. Suivant les penseurs, il sera qualifié d’ « excès » (Merleau-Ponty), d’exception, ou d’ « écart » par rapport au programme naturel (Vercors). La nature de son côté est généralement considérée comme un réservoir de ressources qu’il peut exploiter ; ou à tout le moins comme ce qui existe sans intervention humaine, extérieur et indépendant de celui-ci[2]. Philippe Descola[3] appelle cette « ontologie » « le Grand Partage » entre nature et culture de la Modernité. Luc Ferry[4] peut être considéré comme un des principaux représentants contemporains de cette option.  Selon lui, s’il faut certes protéger la nature, c’est en fonction d’intérêts humains. Si la nature recèle beauté, intelligence et sensibilité, c’est au nom et au bénéfice de l’homme seul qu’il faut la préserver.Dans le second cas, il s’agit de dépasser cette opposition ou ce dualisme entre nature et culture, qui ne serait qu’une version culturelle relative à la société occidentale moderne (que l’on peut faire remonter au cartésianisme : « l’homme maître et possesseur de la nature »), au profit d’un éco-centrisme qui entend considérer la nature non pas comme le dehors de l’humanité, mais comme l’ensemble des êtres humains et non humains. L’homme est à ce titre une partie de la nature, et celle-ci doit être considérée comme centrale, c’est-à-dire ayant une valeur intrinsèque absolue. C’est ainsi la notion d’écosystème qui est privilégiée, indépendamment des valeurs spécifiquement humaines. Deux grands noms sont associés à cette approche : J. Baird Callicott[5] et Aldo Léopold[6]. L’incidence sur la question des droits est bien sûr immédiate : l’humanisme consacre la centralité du sujet humain comme seul détenteur de droits imprescriptibles, au sens de la Déclaration des Droits de l’homme. Il relève en ce sens philosophiquement d’une forme d’humanisme ou d’anthropocentrisme universel. Alors que pour les formes (diverses)[7] de naturocentrisme, c’est la vie et la biosphère qui constituent les valeurs absolues (dont la vie humaine, parmi d’autres) : il est donc plus que souhaitable de doter ces entités naturelles des droits dont bénéficie l’être humain.

Avant d’entrer dans les arguments en faveur de l’une ou l’autre de ces théories, signalons que nous avons d’ores et déjà de nombreux exemples qui consacrent une personnalité juridique à la nature : citons dans le désordre la Constitution de l’Equateur qui attribue cette personnalité à la Pacha Mama (Terre-Mère) associée à divers droits (2008) ; Idem en 2010 pour la Bolivie (droits  à la vie, à la biodiversité, à l’eau, à l’air pur, à l’équilibre, à la restauration et la non pollution). Attribution d’une telle personnalité par le Parlement de Nelle-Zélande au parc national de Te Urewera (2014), et en 2017 à la rivière Whanguanui (« ensemble vivant, physique et spirituel s’étendant des montagnes à la mer ») ; attribution également en 2017 par la Haute Cour de l’Etat d’Inde du Nord  de la personnalité juridique à deux fleuves le Gange et le Yamuna, et également aux glaciers Gangotri et Yamunotri.  Catherine Larrère s’appuie sur de tels exemples pour montrer que de nombreux faits sont déjà en faveur de cette reconnaissance du droit à la nature[8], tout en reconnaissant que philosophiquement elle ne va pas de soi et pose des problèmes difficiles… Essayons de voir lesquels.

L’HYPOTHESE NATUROCENTRISTE

Dieu éclipsé, nous pouvons comprendre le naturocentrisme aujourd’hui à la mode comme une façon de le remplacer et de fonder de nouvelles valeurs, comme une sorte de religion de la nature. A l’hétéronomie transcendante de Dieu succéderait une hétéronomie immanente de la Nature. Après la mort de Dieu, les valeurs seraient à chercher au-delà de l’humain[9], dans la Nature ou le Vivant. Les valeurs de l’humanisme qui irriguaient déjà la religion chrétienne seraient désormais transférées sur le naturocentrisme. A l’égalité juridique des individus proclamée par la Modernité - qui est elle-même une sécularisation de l’égalité de tous les hommes en Dieu proclamée par le Christ -, correspond l’égalité proclamée de tous les êtres vivants. Pour Francis Wolff, « la lutte pour le salut de la biosphère serait même la version séculière du messianisme, et la décroissance comme la simplicité volontaire une nouvelle forme laïque d’ascétisme ».  Mais indépendamment de cette interprétation qui mérite d’être discutée – l’écocentrisme n’inclut pas nécessairement la décroissance ou la « sobriété volontaire » -, il part d’une question et d’un constat légitime : Pourquoi après tout défendre prioritairement une espèce –Homo sapiens – qui s’emploie à détruire les autres êtres vivants, qui pollue son propre habitat, qui croît numériquement jusqu’à la démesure, qui dépouille la planète, et dont la redoutable technique peut faire exploser cette même planète ? Les désastres écologiques ont rendu très suspect l’anthropocentrisme (autre nom de l’humanisme) : l’homme ne peut plus être la seule source de valeurs, encore moins n’accorder de valeur qu’à lui-même. Mais accorder une valeur centrale à la vie sous toutes ses formes n’est pas sans poser de nombreuses questions, et différents courants ont vu le jour sur ce principe, que nous pouvons résumer sommairement : pour le biocentrisme, la vie sous toutes ses formes est source de toute valeur ; cette théorie se confronte à une difficulté importante : une forme de vie ne peut vivre que par négation à d’autres formes de vie… Empêcher cela serait empêcher la vie même. Des millions de micro-organismes, bactéries, microbiotes sont nécessaires au maintien de la vie des autres vivants.  Si la vie s’alimente toujours de la mort d’autres êtres vivants, il est difficile de sacraliser la dynamique d’une telle force aveugle qui cherche sans arrêt à se développer, mais qui s’alimentent sans cesse de la mort d’autres êtres vivants. Le zoocentrisme, une variante du biocentrisme, affirme que la valeur réside dans chaque être vivant individuel. Mais la difficulté rencontrée n’est pas moindre que dans le cas précédent : dans la mesure où nous ne pouvons pas là non plus préserver la vie de tous les êtres sans contradiction, la question d’une éventuelle hiérarchie entre les différents êtres vivants va se poser… « Mais pourquoi la vie d’un singe serait plus importante que la vie d’une sardine ou d’une vipère ? »[10]. Enréalité, nous sommes amenés rapidement à privilégier ceux qui sont dotés d’une « conscience » et qui semble résister consciemment pour défendre leur vie, ceux qui seraient plus ou moins « sujets de leur vie »[11]… Nous voyons bien ici que dans un tel raisonnement les hommes sont bien entendu au sommet de la hiérarchie… Ce type d’approche sera donc elle aussi soupçonnée d’être contaminée par une forte dose d’anthropocentrisme… Nous valorisons les êtres individualisables comme nous, privilégions « l’intérêt », la vie vécue, les « sujets » de leur propre vie. Une autre variante consistera alors à considérer chaque organisme vivant  comme un centre téléologique tendu vers l’accomplissement d’un but, celui de se conserver dans l’existence et de se reproduire, le contraignant à développer des stratégies adaptatives comprises comme des moyens au service d’une fin qui peuvent être valorisés comme tels, indépendamment de ce que l’organisme peut apporter à l’homme[12]. Chaque être vivant a ainsi une égale valeur intrinsèque. Il faut préciser d’ailleurs que chez ces auteurs, cela ne signifie pas nécessairement qu’il faille attribuer à ces êtres un statut de sujet juridique ou moral, mais cela justifie l’attention et l’égard que l’homme doit leur accorder. Mais ne retrouvons-nous pas l’objection précédente : comment mettre tous ces êtres sur le même plan sans contradiction, et ne pas prendre en compte de façon plus « écologique » les interdépendances majeures, notamment entre les organismes « supérieurs » et les organismes inférieurs, dont les premiers dépendent massivement (pas de vie possible des premiers sans les seconds). C’est la raison pour laquelle une troisième variante, l’écologisme ou l’écocentrisme semble s’imposer : ce qui est sacré, ce n’est pas l’être vivant en tant que tel, mais la vie elle-même telle qu’elle s’exprime cette fois dans la biosphère[13]. Celle-ci étant la condition nécessaire de toute forme de vie, c’est donc à l’ensemble de la communauté biotique qu’il faut accorder une valeur intrinsèque. L’homme prétend posséder la Nature mais en réalité il en fait partie et en dépend. Elle existait avant l’homme et existera après lui. Aldo Léopold, ingénieur forestier, mais aussi chasseur et pêcheur, est l’auteur fondateur et emblématique de l’écocentrisme[14]. Il affirme que l’homme « doit penser comme un montagne » - c’est-à-dire être capable de se décentrer de sa condition d’humain de façon à épouser et mieux comprendre les processus inhérents à la nature, à la manière d’un chasseur qui doit savoir se mettre à la place de l’animal, voir le monde comme il le voit. Il invite ainsi à mieux comprendre, en quelque sorte de l’intérieur, la complexité et l’enchevêtrement des interactions écosystémiques. Il souhaite que l’homme soit « un compagnon-voyageur des autres créatures dans l’odyssée de l’évolution », et cesse de ne voir dans la nature qu’une valeur instrumentale au service de ses intérêts.

ARGUMENTS ET CONTRE ARGUMENTS…

« Les arbres peuvent-ils plaider » ? Telle était la question posée parChristopher Stone à propos des séquoias menacés dans cette vallée de Californie. On objecte souvent en effet au droit attribué à la nature le fait que celui-ci doit généralement être attribué à une personne libre et intelligente, capable de connaître et de comprendre ce dont il s’agit, et de se « représenter » directement. Un arbre, un fleuve ou une montagne ne peuvent pas le faire ! Mais aussitôt nous voyons bien que cet argument de la représentation ne peut pas être retenu : nous connaissons tous l’objection des « cas marginaux », c’est-à-dire tous ceux – bébé vagissant, handicapé grave, vieillard sénile, dément, qui ne disposent pas de telles capacités. Faut-il pour autant ne pas leur reconnaître les mêmes droits humains ? Pas plus que des arbres ou des fleuves, ils ne peuvent plaider et se représenter eux-mêmes. Cet argument se retourne donc contre lui-même et apporte de l’eau au moulin des défenseurs des droits de la nature. La question de la représentation n’est pas la vraie question en la matière, et Bruno Latour[15] a sans doute raison de dire que nous-mêmes comme les choses de la nature peuvent se faire représenter par des tiers. Nous nous faisons bien représenter en Justice, même si nous ne sommes pas des arbres !  L’argument selon lequel « les arbres ne peuvent pas plaider » ne peut être retenu contre les droits accordés à la nature. Suite à la marée noire provoquée en Bretagne par l’Erika, le préjudice écologique pur faite aux côtes bretonnes a été accordé, même si elles ne peuvent pas se représenter elles-mêmes… ce qui signifie concrètement que nous reconnaissons que des entités naturelles sont atteintes en elles-mêmes (la qualité de l’eau, les plages, les oiseaux…etc.), et pas seulement des sujets dont les intérêts humains ont été lésés. N’est-ce pas une façon de reconnaître des droits à la Nature ? Comme le dit fort justement Catherine Larrère, la réalité de certaines pratiques juridiques plaident de fait en faveur de cette reconnaissance.

Les droits ne peuvent-ils dépendre que de partis-pris culturels ? Il semble que certaines attributions de personnalité juridique à des entités naturelles relèvent davantage d’une attention portée à la diversité culturelle et aux croyances de certains peuples, ce qui tendrait d’ailleurs à montrer que ces décisions relève autant d’un choix humaniste que d’une préférence pour l’écocentrisme, nous y reviendrons dans la partie suivante. Lorsqu’on décrète que le Gange est une personne juridique, on le fait par respect pour la culture et les rites hindous (rites de purification et de guérison dans le fleuve sacré).  Mais un obstacle se présente alors : que penser des Indiens musulmans ou chrétiens, face à ce qu’il faut bien appeler une manifestation du nationalisme hindou ? De la même façon, que penser d’une personnalité juridique accordée à la Terre-Mère en Equateur en considération de la culture autochtone, alors que cette même population représente 20% de la population totale ?

Ethnocentrisme et incohérence de certaines attributions de droit…Accorder des droits à des entités naturelles présente un autre inconvénient : de telles attributions de « droits subjectifs » à des entités naturelles non humaines relèvent de fait d’une attitude ethnocentriste : nous plaquons artificiellement une ontologie et des notions de droit spécifiques à l’individualisme démocratique occidental à ces entités naturelles, trahissant l’esprit de celles-ci (harmonie cosmique à respecter). Il faut aussi signaler que plusieurs de ces mesures –création de droits subjectifs nouveaux- ont suscité des conflits entre les entités qui en sont dotées, entrant ainsi en contradiction avec les droits humains fondamentaux : les patrouilles anti-braconnage de WWF[16], qui porte atteinte aux peuples de l’ethnie Baka, dans les forêts protégées du sud-est du Cameroun ; la mise en place du parc national de trois réserves forestières en Ouganda conduit à l’expulsion des Twas de leur territoire de chasse. Idem pour les 100 000 Masaïs au sud du Kenia et des plaines du Serengeti en Tanzanie, qui sont expulsés pour les même raisons. Ceux qui étaient les gardiens de la conservation de l’environnement se sont retrouvés brutalement les ennemis de cette conservation  (déclaration d’un chef Massaï en 2004 à Bangkok), au nom de ces fameux droits subjectifs. Il y a un aspect « déraisonnable » à vouloir étendre de tels droits subjectifs propres par définition à une certaine philosophie libérale et individualiste (l’égalité de droit entre les êtres humains). Accorder par exemple de tels droits aux animaux est absurde car ils ne sont pas égaux et que les droits des uns s’opposeraient aux droits des autres : que penser du droit des prédateurs face au droit des proies ? Poussée jusqu’à son terme, une telle extension conduit à empêcher les équilibres naturels et à détruire ce qu’elle prétendait protéger… « De la même façon, accorder des droits aux gorilles, c’est en retirer aux peuples autochtones qui les chassent, accorder des droits aux forêts, c’est souvent nier ceux des peuples de ces mêmes forêts… L’égalitarisme devient fou au-delà de certaines limites »[17]

Conclusion : une contradiction propre au naturo-centrisme

L’idée d’attribuer « une valeur intrinsèque à la nature » recèle ultimement une contradiction : que devient en effet une telle évaluation – celle qui consiste à poser une valeur intrinsèque et absolue de la nature – en l’absence d’un évaluateur ? « Peut-on imaginer un monde sans homme et néanmoins évalué ? »[18]. Seul un œil divin peut soutenir une telle évaluation (un homme absent mais remplacé par un regard surplombant et extérieur…). « Comment mesurer une nature dont on a ôté la mesure ? ». On retrouve à peu près la même impossibilité ou contradiction lorsque nous tentons de nous imaginer mort… Nous voyons le monde sans nous mais le fait que nous l’imaginons suppose que nous y sommes toujours, ou contredit le fait de ne plus y être… Le seul fait de « penser » cette nature, ses végétaux, ces animaux, sans nous, en spectateur détaché, contredit en acte cette pensée même, car pour le voir et le penser, il faut y être. « Va voir là-bas si j’y suis, dit le monde – et il n’y est que si nous y sommes. ». Le fait de vouloir installer l’homme au sein de la nature comme on remet un poisson rouge dans son bocal méconnaît ou nie que l’homme est aussi un point de vue extérieur sur la nature. Dire que la nature « a une valeur intrinsèque » est d’une certaine façon contradictoire (dans le seul fait de le dire). Un peu comme si celui qui dirait « je n’existe pas » atteste par là-même de son existence[19].

Mais pour contrebalancer aussitôt cette contradiction, reconnaissons que sur un plan pragmatique, nous l’avons déjà constaté, la reconnaissance de préjudices juridiques commis à des entités naturelles a le mérite d’être un outil souvent efficace de la protection de notre environnement ; L’exemple de l’accident de Seveso dans un village italien[20] en 1976 est significatif de ce qui se fait déjà depuis longtemps : on a pensé au préjudice fait au lieu, et pas seulement aux indemnités aux personnes, ayant le souci de prendre en compte leur relation avec leur milieu de vie. Nous ne devons plus penser l’individu seul au milieu d’autres choses, indépendamment de l’ensemble dans lequel il évolue. Comment alors concilier droits de la nature et droits humains ?

Humanisme et écocentrisme ne sont pas incompatibles. Vers un dépassement de cette opposition

Des droits de la nature qui sont aussi des droits humains ?

Nous pouvons être en accord sur le point suivant : ce que nous avons qualifié jusqu’à présent de droits de la nature sont aussi des droits humains. « Ce ne sont pas les fleuves Gange et Yamuna qui « ont le droit subjectif d’exister », ce sont des hommes, des peuples, des groupes humains, présents ou futurs, à qui on reconnaît légitimement le droit de vivre dans un environnement durablement préservé. Mais ce concept est anthropocentrique par définition, car la valeur de l’environnement tient à la valeur de ce qu’il environne, donc à celle des êtres humains dont il est la condition. »[21]. Si de tels droits conférés à des entités naturelles revêtent parfois un caractère animiste – Francis Wolff parle d’animisme juridique -, en revanche, ils apparaissent par un autre côté comme relevant d’un « humanisme universaliste »[22] et sont très « anthropocentrés » : préserver certains écosystèmes de la pollution et de la dégradation par le productivisme, réparer les griefs commis par la colonisation sur des populations autochtones (la personnification du fleuve Wanganui en Nlle-Zélande doit se comprendre comme une sorte de réparation faite au peuple maories), concernent au moins autant les droits humains que les droits de la nature. Cela doit indiquer une direction à la réflexion, dans le sens d’un dépassement d’une telle opposition…

L’anthropocène[23] nous oblige à penser autrement notre rapport à la nature

A l’époque de l’anthropocène, est-il encore possible de penser une extériorité radicale de l’homme avec la nature ? S’il est vrai, comme le dit Michel Serres, que désormais l’histoire humaine est entrée dans la nature, et la nature dans l’histoire humaine, comment continuer à les penser comme extérieures et séparées ? Les hommes sont dans et de la nature, et en même temps la transforment continument par leurs activités techniques et sociales. Cela est parfaitement compatible avec l’affirmation d’un décalage ou d’un écart, ou même d’une certaine « dénaturation »[24] de l’être humain (pour être « dénaturé », il faut bien être issu de la nature…). Nous vivons aujourd’hui dans une nature fortement anthropisée par la présence humaine, et plutôt que de vouloir protéger à tout prix une nature sauvage dans sa virginité – fantasme de notre propre culture occidentale qui a l’habitude d’opposer culture et nature, et qui semble être réactivée par certains courants de l’écologie profonde -, nous devons nous préoccuper surtout de penser les formes de relations et de cohabitations les plus fructueuses et les moins destructrices pour l’ensemble des acteurs.

Penser la relation plutôt que le statut

La vraie question est de savoir si nous pouvons sortir de l’humanité et reconnaître le préjudice juridique fait à un animal, à un arbre, à un fleuve ou une colline. Il est encore une fois très significatif que d’ores et déjà certaines avancées du droit existent de fait, même si cela ne va pas de soi d’un point de vue philosophique. Certains juristes pensent qu’il faut abandonner la question du statut (sujet ou objet) au profit de la relation : les distinctions au départ radicales posées par la Modernité – sujet/objet, naturel/artificiel, Nature/Culture, Naturalisme/Humanisme…etc. – sontbeaucoup plus difficiles à maintenir à l’époque de l’anthropocène… Nous faisons partie de cette nature, et nous la transformons sans cesse. Plutôt que de penser nos rapports à la nature selon « l’ontologie du naturalisme », Philippe Descola nous invite à le faire en nous référant  à la relation, et donc à la notion d’écosystème. Pour échapper au naturalisme qui caractérise notre façon occidentale de penser la nature selon Philippe Descola[25] – grand partage entre l’homme et la nature -, nous devons nous référer à la relation, et donc à la notion d’écosystème. Ce n’est pas le fleuve qui est en jeu, mais la communauté qui vit là. Il faut toujours avoir présent à l’esprit que lorsqu’on parle des droits du fleuve Whanguanui en Nouvelle Zélande, ce n’est pas le fleuve en tant que tel qui est doté de droits, mais les populations dans leur milieu de vie. Il s’agit donc de défendre le rapport que les hommes entretiennent avec ce dernier. L’exemple de l’accident de Seveso, ou encore celui de l’Erika sont également exemplaires en ce sens. La reconnaissance du préjudice dans les deux cas s’applique au lieu même, c’est-à-dire a le souci de prendre en compte la relation de ces humains avec leur milieu de vie. Nous ne devons plus penser en termes d’êtres individuels mais en termes d’écosystèmes. « Une véritableécologie politique doit raisonner en termes de milieux de vie, c’est-à-dire de massifs montagneux, de villes, de bassins versants, de littoraux, de zones écologiquement sensibles, de mers…etc. Milieux de vie singularisés qui pourraient devenir des « sujets » dont les humains seraient les mandataires »[26]. C’est l’expression politique d’un nouvel universalisme des valeurs  qu’il appelle « l’universel relatif » : des systèmes de relation plutôt que des qualités attribuées à des êtres  forment le fondement d’un universalisme où les humains ne seraient plus la source du droit mais les représentants diversifiés d’une multitude de natures dont ils seraient devenus les mandataires indispensables.

Un « contrat naturel »[27] ?

Michel Serres propose un « Contrat naturel » entre les humains et la nature en prolongeant le contrat social de Rousseau ; ils sont tous deux  « virtuel et métaphysique » au sens où ils n’ont jamais existé et n’ont jamais donné lieu à une réelle transaction[28]. Michel Serres reconnaît donc un équilibre ou une forme d’égalité naturelle entre la force de nos interventions humaines et la force de la globalité du monde, et propose de reconnaître la Nature comme un véritable sujet de droit. Ce contrat remet en question le partage traditionnel entre la nature et ses scientifiques d’une part (qui étudient la nature), et les humains, le droit et la politique d’autre part. La difficulté d’un tel contrat réside bien sûr dans le fait que, comme tout contrat, l’homme est à la fois celui qui signe le contrat et celui qui est mandataire de la nature, l’humanité signant un contrat avec elle-même… En vérité, ce sont les scientifiques et leur contrat savant – les scientifiques doivent s’entendre entre eux sur la façon de faire parler les objets de la nature – qui sont les véritables mandataires de la nature, et qui doivent rendre présents ces objets aux yeux de tous. La vérité scientifique est un contrat dans lequel les objets non humains témoignent en personne. Pensons au GIEC qui n’avait pas encore rendu son rapport sur l’origine anthropique du réchauffement climatique (1992) au moment où le livre a été écrit  (1990) : il est un très bon exemple de contrat naturel, au sens d’une collaboration entre scientifiques sur le climat, et d’une recherche d’accord avec les politiques. Là encore l’idée de contrat naturel est une formalisation rationnelle de ce qui se fait, avec la fragilité déjà évoquée concernant le  problème de l’autoréférence d’un tel contrat, la nature étant peut-être un quasi-sujet de droit, mais ne pouvant pas se faire représenter directement… Il n’y a pas de véritable hétéro-référence. Donner des droits à la nature pose nécessairement ce type de question…

Comme nous l’avons déjà fait valoir avec Philippe Descola, ce sont des ensembles de relations – tel ou tel milieu de vie -, qui pourraient ainsi mériter le qualificatif de « sujet de droit », mais là encore la question reste ouverte, et même quelqu’un comme Catherine Larrère ne se prononce pas vraiment sur ce qualificatif. La référence au sujet de droit reste très individualiste et ne correspond pas vraiment à ce qui est en question… De plus, la notion d’écosystème présente encore aujourd’hui une difficulté particulière : il est vraiment difficile d’individualiser ces ensembles, autrement dit de définir leurs limites ou frontières, et les rapports entre écosystèmes  (les relations entre systèmes) sont encore source d’interrogations pour la science écologique. Mais cette difficulté même est aussi très instructive : il nous faut sans doute sortir du modèle du « sujet » qui est très saturé culturellement, pour embrasser la notion de « relation », et ne retenir qu’elle.

La notion d’écocide : intérêts et limites

Valérie Cabanes est une de ces juristes qui a créé « le Collectif des droits pour la nature », et qui revendique « un nouveau droit pour la Terre »[29], l’introduction dans le droit international de la notion d’ « écocide ». Observons à quel point cette question est d’actualité : la Consultation Nationale Citoyenne mise en place par le président de la République à la suite du conflit des Gilets Jaunes a remis son rapport avant les vacances et propose d’introduire cette notion dans le droit français. La logique d’une telle introduction dans le droit signifie l’extension de la notion de « crime contre l’humanité » quand il y a « meurtre » de l’écosystème. Catherine Larrère semble préférer en rester à la notion de préjudice écologique pur pour une raison simple : la notion de crime ou d’écocide implique l’intentionnalité de l’acte. Le terme a été avancé légitimement quand l’Armée américaine a utilisé « l’agent orange » au Vietnam, détruisant aussi bien les humains que la jungle où ils se trouvaient. Le changement climatique est typiquement un changement non voulu… il y a bien sûr maintenant une « zone grise », puisque nous sommes désormais informés du phénomène et de ses conséquences… L’Amazonie en train de brûler est de nature à nous poser vraiment la question de la légitimité de ce terme d’écocide…  Nous devons cependant nous méfier de l’inflation de ce genre de notions, qui entraîne de facto une dévaluation de ces dernières. Nous méfier également des « Tribunaux populaires », qui font généralement leur apparition dans ces circonstances… Il est facile de désigner unanimement l’ennemi public que serait le capitalisme sans tenir compte que nous en profitons en permanence et que nous sommes donc concernés directement. Concernant les problèmes écologiques, il n’est pas possible de dire « c’est lui le coupable », comme par exemple c’est le cas lorsque quelqu’un vole mon vélo. Nous sommes victimes de l’émission de CO2 dans l’atmosphère depuis le début du XXème siècle. En cela nous sommes responsables, mais non coupables…

Il n’y a pas d’opposition irréductible entre anthropocentrisme et écocentrisme

Nous préoccuper du sort des générations futures est bien sûr un objectif anthropocentrique, mais pour pouvoir le faire il est nécessaire, comme le dit Aldo Léopold, de « penser comme une montagne », et d’être capable de se décentrer pour mieux comprendre les processus naturels dans lesquels nous nous insérons. Pour ce faire, la connaissance scientifique que nous avons du monde doit être sans cesse convoquée, tenir une place centrale.  Ce que le « Contrat naturel » de Michel Serres a parfaitement compris : les scientifiques doivent jouer un rôle déterminant, en tant que « mandataires de la nature », et inscrire dans le débat public des certitudes, mais aussi des hypothèses et des nombreuses controverses autour de questions d’une grande complexité et qui ne permettent pas d’élaborer des scénarios dans la certitude. L’expérience récente montre que nous avons encore beaucoup de progrès à faire pour accepter et être à la hauteur de ces débats publics entre scientifiques, qui sur des sujets incertains, peuvent avancer des jugements divergents[30]. Nulle finalité transcendante ne doit présider à ces liens que les hommes doivent désormais entretenir avec la nature : mais ils sont seulement ceux du langage de la science, celui « où la Terre nous parle en termes de forces, de liens et d’interactions, et cela suffit à faire un contrat »[31]. Nulle finalité dernière de la nature comme on pouvait le penser pendant l’Antiquité[32], mais une conjonction de phénomènes dans lesquels nous sommes insérés.

Avec notamment la notion de biodiversité, nous dépassonsl’opposition devenue classique en écologie entre écocentrisme - centration sur la nature qui consiste à attribuer une valeur intrinsèque et absolue à l’ensemble des êtres humains et non humains, vivants ou non,  et des écosystèmes, indépendamment des valeurs spécifiquement humaines - et anthropocentrisme - centration sur les êtres humains : attribution exclusive de valeurs morales aux êtres humains, ceux-là étant eux-mêmes les seuls créateurs de valeurs. Pourquoi ? Tout d’abord qu’est-ce que la biodiversité ? Elle désigne aussi bien la diversité au sein des espèces, entre les espèces, entre les écosystèmes eux-mêmes. Cette variabilité s’avère être indispensable à l’évolution des espèces et à leur adaptation. Or c’est la première fois que la planète est bouleversée en un instant relativement très court par une espèce vivante (l’homme), et que l’activité de celle-ci est en partie responsable d’une période d’extinction sans précédent des espèces…. Nous voyons bien qu’à travers la question du maintien ou de la défense de la biodiversité, l’opposition entre éco-centrisme et anthropocentrisme devient complètement obsolète : la perspective sous-jacente inhérente à la biodiversité, celle de la primauté du système écologique et de la nécessaire interdépendance des éléments, rejoint un anthropocentrisme bien compris, celui d’un pilotage vigilant des dynamiques naturelles visant à pouvoir léguer aux générations futures un héritage pas trop dégradé… Il ne s’agit pas de considérer que tout ce qui est naturel est bon par principe (nous savons bien par expérience qu’il n’en est rien !) et tout ce qui est artificiel est douteux, mais d’évaluer les activités humaines du point de vue des conséquences qu’elles ont en matière de diversité biologique, et de « piloter » la nature dans un sens favorable à cette diversité, et donc aussi désirables pour les hommes. Le point de vue de la nature est celui des affaires humaines doivent aujourd’hui se rejoindre complètement. Les notions de « bien commun » ou de « patrimoine commun » semble pareillement réunir écocentrisme et humanisme dans l’idée d’une garantie d’accès à tous les ayant droit, et d’un devoir de transmission de ce bien ou de ce patrimoine par chaque génération. Un bien commun qui n’est pas transcendant mais qui surplombe cependant l’affirmation individualiste.

CONCLUSION : desserrer l’étau du dualisme. Pour un « dualisme faible »[33]

La question des droits de la Nature pose nécessairement celle des rapports que l’homme entretient avec cette dernière : comment penser des rapports qui ne soient pas de simple extériorité, sans pour autant relever du finalisme de ce nouveau Dieu que serait la Nature, et auquel les humains seraient subordonnés ? La réponse du monisme spinoziste apparaît intéressante, mais doit être elle aussi interrogée : l’idée de l’homme comme simple partie de la nature – « « Montagnes, loups, humains, nous ne sommes jamais que des modes de la substance unique et infinie, des fragments de tout ce qui est» - n’est pas non plus satisfaisante jusqu’au bout. Considérer les hommes comme des êtres naturels comme les autres, sans prendre en considération leur responsabilité particulière vis-à-vis du reste de la nature, c’est tout simplement évacuer la possibilité même d’une perspective écologique ! Un peu comme lorsqu’on dit que la science –biologique, éthologique – montre que « l’homme est un animal comme les autres », sans comprendre que le seul fait de l’affirmer prouve que cette proposition est fausse : quel animal pourrait dire la même chose, c’est-à-dire être capable de science ?Autrement dit, nous ne pouvons pas évacuer complètement l’idée d’une certaine forme d’exception ou d’écart propre à l’humain. Le paradoxe est alors le suivant : il faut remettre en question la séparation homme/nature, et en même temps la conserver pour évaluer, qualifier la façon dont les hommes se comportent, et agir pour le changement. Cette difficulté est aussi celle de notre langue et de notre culture, en l’absence d’une véritable théorie de la nature. Comme le dit Catherine Larrère, il serait sans doute déraisonnable de vouloir abandonner purement et simplement le paradigme occidental du dualisme entre nature et culture ; mais il s’agit plutôt d’en desserrer l’étau pour promouvoir un « dualisme faible ». Les politiques écologiques à mettre en place ne relèvent pas d’une quelconque conversion en faveur d’un Totem – celui d’une Dieu-Nature  qui indiquerait de façon univoque les fins à poursuivre – mais correspondent à des choix rationnels suite à des délibérations démocratiques visant à savoir où les humains veulent placer le curseur… Nous devons concevoir sur un autre modeque celui de la domination et de l’exploitation les relations d’interdépendance entre les humains et les non humains. Lorsque nous évoquons l’extension des droits à des non humains, ce n’est pas tant la question du statut juridique d’un grand singe, d’un cours d’eau ou d’une montagne dont il s’agit (pour la plupart des juristes, il ne peut en être question),  que ceux de milieux de vie dans lesquels ces éléments sont inscrits, tout comme les hommes qui y habitent… Ce n’est pas le fleuve en tant que tel qu’il s’agit de défendre, mais une communauté de vie dans laquelle le fleuve joue un rôle essentiel. De la même façon, quand préjudice il y a (ce genre de préjudice est reconnu aujourd’hui), il ne concerne pas seulement des individus (en termes d’indemnités par exemple), mais doit se réaliser en direction de ce milieu relationnel. On ne doit plus penser l’individu en dehors du milieu dans lequel il évolue. La question n’est donc pas « ou les humains, ou la nature, mais les humains pris dans des relations »[34]. En ce sens, desserrer l’étau du dualisme, signifie concrètement affirmer une valorisation consciente et assumée de notre appartenance à la communauté écologique. 

 


[1] Francis Wolff, « Plaidoyer pour l’universel »

[2] C’est une de ses définitions principales dans le Vocabulaire de Philosophie de Lalande

[3] Anthropologue et philosophe qui a succédé à la chaire d’anthropologie sociale de Claude Levi Strauss au Collège de France. Son ouvrage principal : « Au-delà de nature et culture ».

[4] « Le nouvel ordre écologique »

[5] « Ethique de la Terre »

[6] « Almanach du Comté des sables »

[7] Nous reviendrons sur les différents courants du naturocentrisme. 

[8]France Culture, Les chemins de la philosophie, « La nature est-elle un sujet de droit ? » 

[9] Francis Wolff, « Eloge de l’universel »

[10] Ibid

[11] Tom Regan

[12] Paul. W.Taylor

[13] Le principal représentant de cette approche est sans aucun doute Baird Callicott

[14] Aldo Léopold, « Almanach d’un Comté des sables »

[15] Sociologue et philosophe des sciences français

[16] WWF : Fond Mondial pour la Nature

[17] Francis Wolff, « Plaidoyer pour l’universel »

[18] Ibid

[19] N’est-ce pas ici le paradoxe dit du « crétois » : tous les crétois sont des menteurs. Je suis un crétois. Donc je suis menteur. ». Si je suis menteur, je dis la vérité, donc je ne suis pas menteur. Et si je ne suis pas menteur, cela est faux, et donc je suis menteur.

[20]La catastrophe de Seveso est une catastrophe écologique et sanitaire qui s'est produite en juillet 1976, dans le nord de l'Italie. Un nuage d'herbicide contenant des produits toxiques s'échappe d'une usine chimique, et contamine les alentours, provoquant à la fois des hospitalisations pour les enfants des communes voisines, dont celle de Seveso, et la mort de plusieurs dizaines de milliers d'animaux d'élevage. Wikipedia

[21] Francis Wolff, « Plaidoyer pour l’universel »

[22] Ibid

[23] Première ère géologique marquée par le fait que l’humanité constitue la principale force géologique capable de modifier les grands cycles planétaires. 

[24] Vercors, « Les animaux dénaturés » (roman)

[25] Ce terme a ici un sens spécifique chez Descola, qui ne correspond pas à la définition habituelle (que l’on retrouve par exemple chez Francis Wolff).  Le « naturalisme » est pour lui la conception ou « ontologie occidentale » qui présuppose l’existence d’une nature en face de l’esprit humain, et qui rejoint par conséquent ce qui été dit sur « le grand partage ».

[26] Philippe Descola

[27] Titre éponyme du livre de Michel Serres

[28] C’est d’ailleurs l’objection principale faite par Hume au contrat social de Rousseau

[29] « Un nouveau droit pour la Terre. Pour en finir avec l’écocide »

[30] Nous faisons ici allusion à la façon dont nous avons le plus souvent réagi face aux divergences entre experts en ce qui concernait le coronavirus et la meilleure manière de faire face à l’épidémie…

[31] Michel Serres, « Le contrat naturel »

[32] Aristote : « Les fins sont domiciliées dans la Nature »

[33] Cette notion est avancée par Catherine Larrère dans son dernier livre « Penser et vivre avec la nature »

[34] Catherine Larrère, Les chemins de la philosophie, France Culture : « La Nature est-elle un sujet de droit ? »