" La crise démocratique : quelle origine ? "
Le vendredi 20 juin 2025 à 17h45
à la Médiathèque de Lespignan.
sur le sujet : " La crise démocratique : quelle origine ? "
PRESENTATION
« LA CRISE DEMOCRATIQUE : QUELLE ORIGINE ? »
Nous sommes tellement désorientés, et parfois même dégoûtés, par les derniers soubresauts de la politique en France comme à travers le monde, que nous pouvons peut-être être tentés de nous détourner de ce monde tel qu’il va, jusqu’à se désintéresser même d’une question comme celle de ce soir : la crise démocratique : quelles origines ? Pourtant, nous devons impérativement nous arrêter et nous la poser ; c’est la seule question qui vaille aujourd’hui et dont la réponse conditionne la sortie de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons collectivement : la méconnaissance des véritables raisons de la crise de la démocratie participe grandement à cette impasse et à cette impuissance. Viendront ensuite (peut-être) les solutions à trouver en commun. Mais pour commencer, seul un vrai diagnostic peut nous éclairer. Une fois n’est pas coutume, nous proposons pour ce café philo de préparer la discussion en exposant patiemment le diagnostic de la crise proposé par un des plus grands intellectuels contemporains Marcel Gauchet,dans son dernier livre « Le noeud démocratique.Aux origines de la crise néolibérale».
Ecrit Philo
" La crise démocratique : quelle origine ?"
CAFE PHILO MEDIATHEQUE LESPIGNAN VENDREDI 20 JUIN 2025 17H45
LA CRISE DEMOCRATIQUE : QUELLE ORIGINE ?
Depuis plusieurs décennies nous assistons dans l’impuissance à ce qu’il faut bien appeler une dégradation de la vie politique dans nos sociétés occidentales, en France tout particulièrement. Crise rampante de la démocratie, alors que par ailleurs ce régime semble s’être imposé de façon incontestable dans le monde depuis l’effondrement du mur de Berlin. Le paradoxe est que la démocratie reste sans doute encore « l’horizon indépassable de notre temps » : les forces qui s’opposent le font dans le cadre de la démocratie, contrairement à ce qui s’était produit avec les deux totalitarismes, celui de la révolution nationale avec Hitler et celui de la révolution sociale avec Lénine et Staline. C’est la poussée populiste qui va nous interroger pour de bon sur « ce qui ne tourne pas rond » dans la maison démocratique. La vision dominante privilégie le droit des individus, mais les libertés individuelles qu’elle promeut ne parviennent nullement à se traduire en puissance de tous à travers un projet commun (ce qui est la définition même de la démocratie libérale), à l’image de la cacophonie ambiante au sein de notre représentation nationale. La vision dominée se réclame avec véhémence de la souveraineté populaire… Ces éléments étaient liés (libertés individuelles et souveraineté populaire) et donc destinés à jouer de concert en tant qu’éléments constitutifs de la démocratie. Or l’évolution de nos sociétés tend à les dissocier.
Seule une approche à la fois philosophique et historique nous semble de nature à permettre un vrai diagnostic (au-delà du constat, dégager les causes des dysfonctionnements actuels en les inscrivant dans l’histoire de nos démocraties). C’est la raison pour laquelle, une fois n’est pas coutume, je me propose de présenter la thèse de Marcel Gauchet dans son dernier livre « Le nœud démocratique. Les origines néo-libérales de la crise », qui prolonge en réalité toute son œuvre depuis le désenchantement du Monde, mais se focalise davantage sur le cœur de la crise actuelle.
1. Quelques mots d’abord pour résumer les grandes lignes de la trajectoire qu’il nous invite à suivre :
IL s’agit donc de prendre toute la mesure du sens du parcours qui nous a fait ce que nous sommes… La révolution de la modernité est le passage d’un modèle de société relevant de l’hétéronomie à un modèle d’autonomie.Cela signifie que pendant très longtemps l’être-ensemble reposait sur un principe de légitimité hétéronome, c’est-à-dire sur la loi de l’Autre, en l’occurrence la prééminence de la loi divine, extérieure à la société, qui organisait l’unité et fondaient les structures hiérarchiques de cette société. La matrice religieuse s’imposait ainsi et définissait le fonctionnement social. La révolution démocratique renverse cet état des choses au profit d’une structuration autonome, et consacre la légitimité de l’individuel : elle pose comme axiome de composition de l’être ensemble à l’origine de toute institution collective les droits des individus déliés et également libres.
Cette structuration autonome de la société ne pourra pas s’abstraire d’un coup de l’ancienne forme hétéronome, et continuera d’être hantée par elle pendant deux siècles, sous la forme de compromis. C’est à partit des années 70 que, selon Marcel Gauchet, nous assistons à une radicalisation silencieuse, ou décantation complète, de la structuration autonome, au sens où elle finit de se débarrasser des anciennes formes d’hétéronomie dans tous les domaines. Cette ultime étape explique un bouleversement des assises du fonctionnement collectif.C’est précisément cette période qui nous intéresse… Car cette autonomie structurelle totale, en tout cas la forme qu’elle prend actuellement, est à la source de la crise que nous vivons.
2. De la structuration hétéronome à la structuration autonome.
Il est utile de rappeler rapidement ce qu’a été ce moment (deux siècles) de l’histoire de nos démocraties, avant d’aborder la dernière phase responsable du malaise actuel.
Auparavant, il faut expliquer que les éléments de la structuration d’une société peuvent être appréhendés selon trois modes :
Mode de définition de leur cadre politique : médiation du politique. Il faut comprendre le politique comme la puissance d’action que la société a sur elle-même
Mode de légitimation des rapports sociaux : médiation du droit
Mode d’orientation des activités collectives dans le temps : médiation de l’histoire.
Le principe de légitimité qui va s’imposer aux yeux du plus grand nombre sous le nom de « droits de l’homme » va être le générateur d’un nouveau pouvoir et d’une nouvelle société. Qui dit liberté ne dit pas seulement liberté d’expression et de participation politique des citoyens, mais aussiliberté personnelle d’invention et d’innovation, liberté d’initiative des acteurs, liberté de transformer l’état de choses existant, que ce soit pour l’amélioration de son sort ou pour le sort commun…Apparaît en même temps une nouvelle dimension de l’existence collective, la puissance de se créer elle-même dans le temps, ce que nous allons appeler l’histoire au sens moderne de ce terme ; une histoire solidaire de l’idée de progrès, et qui nous permet rétrospectivement de comprendre toute l’aventure humaine comme consciente d’elle-même. L’histoire devient le vecteur de l’autonomie en cela qu’elle est le creuset d’une invention spirituelle et matérielle du monde humain. Au XIXème siècle, cette conscience de l’histoire humaine en train de se faire va ouvrir sur une perspective d’achèvement, très différente suivant les idéologies politiques (hegelienne et conservatrice, marxiste et communiste, mais il y a aussi une figure libérale de la fin de l’histoire). Alors que la structuration hétéronome réalise une unité des esprits à travers une intrication très forte des trois éléments de la structure - imposition politique (le politique), légitimation sacrale (le droit), fixité traditionnelle (un rapport au temps, l’histoire au sens large), la nouvelle structuration autonome va dans le sens d’une désintrication des éléments. Chaque famille politique s’appuiera d’ailleurs préférentiellement sur une des trois dimensions : le conservatisme campe sur la puissance d’ordre du politique. Les libéraux sont confiants dans la fécondité des droits individuels. Les socialistes placent leur espérance dans le mouvement de l’histoire.
Quoiqu’il en soit l’organisation sociale est l’enjeu d’un renversement libéral : ce n’est plus le politique et sa puissance impositive qui commande la société, mais les acteurs de la société qui, par le biais d’un mécanisme représentatif, pourront exprimer leurs choix et leurs orientations préférentielles ; c’est la reconnaissance par là-même de la créativité historique de cette société. Le pouvoir est, dans cette perspective, l’instrument au service du dynamisme social. Mais il est vrai qu’avec le renversement libéral, est renvoyé au musée un système d’autorité surplombant, greffé sur les hiérarchies sociales et soutenu par la religion
Le socialisme sera de ce point de vue en rupture avec le libéralisme en mettant en exergue la question sociale : la condition salariale met à nu la contradiction entre égalité formelle et inégalité réelle, entre liberté formelle et exercice réel de la liberté. Seule une société véritablement sociale à venir pourra donner corps aux principes d’égalité et de liberté promis, le verrou fondamental étant celui de la propriété
Nous avons déjà évoqué le développement capitaliste. Marcel Gauchet ne cesse de rappeler que selon lui c’est cette nouvelle structuration sociale reconnaissant leur indépendance aux acteurs qui va ouvrir la porte d’un secteur économique indépendant générant le capitalisme et non l’inverse ; c’est par l’autonomisation de la société civile et donc de la sphère de la production et des échanges que ce dynamisme capitaliste va se développer. Autrement dit, le capitalisme est l’enfant de la société de l’histoire (ou de la structuration autonome, c’est la même chose), et non le père. C’est dans les révolutions politique, juridique et scientifique, que le capitalisme a trouvé les conditions de son expansion, il ne vient pas de nulle part… Autrement dit, il est erroné de vouloir tout expliquer par le capitalisme. Y compris dans son stade actuel de capitalisme mondialisé, il n’a fait qu’exploiter les conditions politiques qui lui étaient faites. Ce qui signifie aussi qu’il est par conséquent possible d’agir éventuellement sur le système pour qu’il soit au service de fins collectives.
Les totalitarismes ont été une tentative de réponse aux carences des régimes libérauxet à la crise du parlementarisme (nous ne traiterons pas ici l’analyse qui en est faite avec la grille de lecture de MG)
Les Trente Glorieuses.Nous devons mentionner pour terminer comment un chemin semble avoir été trouvé après la seconde guerre entre les carences des régimes libéraux et la démesure aberrante des régimes totalitaires. La stabilisation démocratique qu’a connue notre société d’après-guerre (45/75) représenterait pour Marcel Gauchet la traduction politique de la structuration autonome dans sa formule pleinement développée, grâce à cet équilibre trouvé avec l’entrée du politique structurel dans la politique représentative, et son appareil de gestion publique (avec ses instruments de connaissance et de pilotage pour avoir une prise d’ensemble sur la société), évitant à la fois les aberrations des régimes totalitaires et les insuffisances des régimes libéraux. Cela représenterait une conjonction prometteuse entre libertés individuelles et destin collectif, et répondrait à la question sociale (instruction publique, protection du contrat de travail, Etat social (maladie, chômage, vieillesse). Le pouvoir exécutif est personnifié et propulsé au premier plan.
3. La décantation ultime des principes de la Modernité. Le nouveau monde
Le divorce de la politique et du politique ; même si l’Etat continue de remplir sa fonction proprement instituante, il a été destitué de son ancien poste de commandement. Primauté instituante par le dessous, et non primauté ordonnatrice par le dessus. Cadre stable, lisible et prévisible dans lequel la libre activité des individus peut se déployer de façon sûr, il produit bien les conditions de l’être-ensemble, mais s’est dissocié des choix concernant l’orientation de la vie collective[1].La politique (représentative) qui se logeait auparavant dans le politique, tourne maintenant à vide. C’est au politique et à ses impératifs –la préservation de l’existence du tout – qu’elle devait son autorité. Ce que l’on reproche aux gouvernants, c’est précisément cela : l’impuissance à donner figure et corps à l’intérêt du tout. Ceci dit, cela ne signifie pas que la société peut marcher toute seule, oubliant ainsi la fonction instituante de l’Etat toujours présente (c’est d’ailleurs un tel mirage que véhicule le néolibéralisme : à l’échelle internationale, cela se traduit par une société mondiale automatisée par rapport aux vieux compartiments nationaux, et placé sous le règne de la libre circulation des biens et des personnes). Mais pas plus au niveau national qu’au niveau mondial, une telle société naturelle qui tient toute seule n’existe pas… Au-delà de l’économie, cette représentation nourrit également l’affirmation libertaire de l’individu contre l’autorité en général. Mais qui ne voit également que ce qui se présente comme un fonctionnement automatique contre lequel on ne peut rien nourrit également la ressource de ceux qui ont perdu le jeu libéral ou refusent la dépossession démocratique. Cette aspiration à reprendre le contrôle au-dedans comme au-dehors, c’est la source de la sensibilité populiste.
Le droit : le pouvoir des fondements (les problèmes que pose l’individualisation)
Le droit, c’est d’abord ce qui légitime. Par exemple le Roi « de droit divin ». Comme on l’a dit, la société traditionnelle repose sur un principe de légitimité hétéronome, « la loi de l’Autre », pour faire bref. Avec l’avènement de la modernité le droit prend un autre sens : ce qui fonde une société juste, c’est les droits égaux attribués aux individus qui la constituent : les hommes naissent libres et égaux en droit. Nouvelle acception du droit qui va contaminer le droit positif jusqu’à le remplacer. Les droits de l’homme s’installent au foyer de l’ordre social, avec les tensions inévitables que cela génère en particulier avec le développement du capitalisme industriel et de la condition prolétarienne : l’écart est de plus en plus béant entre ces droits formels et la réalité matérielle. Cependant, et contrairement aux prédictions de Marx qui pensait que les rapports sociaux capitalistes excluaient par principe la réalisation de ces droits, ils se sont en partie réalisés (cf. par exemple la politique française après la seconde guerre). Les droits de l’homme sont devenus la règle générale de l’existence collective avec la montée de l’individualisme à partir des années 70 et l’avènement de la société des individus. L’individualisation par le droit est désormais la clé du statut des acteurs sociaux et, partant, de leurs rapports à eux-mêmes, aux autres et à la société dans son ensemble (révolution de la condition humaine). Cette primauté accordée aux droits individuels du citoyen, couplée avec l’évanescence du politique évoquée précédemment, a des conséquences importantes[2] :déliaison revendiquée face aux contraintes de l’appartenance collective, affirmation libertaire des indépendances et des singularités identitaires ; dépolitisation ; acceptation de la délégation représentative, mais non sans sursauts protestataires et méfiance systématique… Montée en puissance du droit qui bouscule l'équilibre entre la prééminence du collectif et les droits individuels, et qui se traduit notamment par la promotion du pouvoir judiciaire Une gouvernance sur le modèle du marché (indépendamment de considérations économiques : veiller à l’équilibre global des interactions entre toutes les composantes du fonctionnement d’ensemble de la société, d’où la difficulté pour identifier des notions comme l’intérêt général, le bien commun, c’est-à-dire l’englobant collectif pris dans son unité.Si la démocratie peine à faire émerger de vrais choix collectifs, c’est qu’on ne voit plus que les parties du tout sans le tout, alors que ce tout est ce qui conditionne en profondeur l’existence des parties… Se penser comme société entre indépendance et appartenance est la difficulté première de la société des individus, l’individualisme libertaire et le populisme autoritaire en sont la traduction politique la plus évidente.
Société de l’histoire, société de l’économie
La dissipation terminale de l’ordre hétéronome va affecter la société de l’histoire –celle d’une action humaine qui se détourne du passé et invente l’avenir, en propulsant l’économie au commandement dans la production de biens et de services – de la façon suivante : le présent, qui continuait d’être vécu comme procédant du passé et préparant le futur selon un sens maitrisé, finit par se défaire au prix d’unedétraditionalisation radicale. Plus de « marche de l’histoire », plus de grands récits ». La question sur la provenance et la destination de l’aventure humaine est devenu obsolète…
L’attraction du présent (ou présentisme). C’est ici qu’intervient l’économie L’amélioration du monde humain-social passe désormais par l’accroissement des moyens de produire et d’échanger. Le mécanisme capitaliste déjà ancien va prendre valeur de modèle (investissement – retour sur investissement- réinvestissement), l’individualisme juridique favorisant également son développement (chacun étant un capitaliste potentiel…). Cette orientation porte en elle-même un processus d’auto-amplification. Le secteur économique va se refermer sur lui-même et se séparait de la société civile, poursuivant une marche aveugle, automatisée, selon un mécanisme d’ajustement des offres et des demandes de toute nature. . Il va s’imposer non seulement en se soustrayant à la loi du tout, mais en menaçant de dicter la loi au tout. Sa promesse de libertése heurte aux contradictions d’intérêts inexpiables entre le capital et le travail. On sait comment le marxisme, avec le renversement du système hegelien, justifiera le renversement révolutionnaire à partir de ces données. Le compromis social-libéral de l’après-guerre (dont nous avons déjà parlé) parviendra autrement à contenir cette contradiction sociale dans des proportions acceptables. Mais l’impératif, encore présent durant « Les Trente glorieuses », de réappropriation politique du système économique va se diluer pour s’effacer complètement.Le présent va se dissocier du passé et de l’avenir pour accéder à l’autosuffisance ?Non pas qu’ils sont ignorés, mais ils sont neutralisés et ne donnent plus aucune indication sur la voie à suivre. L’avenir sera simplement la réalisation incessante d’un présent gouverné par la marche automatique de l’économie. Il devient irreprésentable. Le présent absorbe en quelque sorte en lui le passé et l’avenir.
Société de marché, société de la connaissance, société automatique
En l’absence d’un projet de totalisation historique, le travail de création du futur se décollectivise et revient finalement à la contribution singulière de chaque acteur (disparition par exemple de tout projet d’organisation politique de l’économie (comme avec le gouvernement social-libéral de 45). L’invention de l’avenir sera la résultante d’une myriade d’innovations ponctuelles et de changements petits et grands, au lieu d’une transformation globale, scientifiquement et politiquement pilotée. Cette coordination prend la forme d’un marché, mais d’un marché général : il regarde les échanges sociaux de toute nature, des rencontres amoureuses aux adhésions religieuses, en passant par la fabrique des opinions (le marchédes opinions), et bien sur les échanges économiques… Internet et ses réseaux lui fournissent le support concret à l’échelle planétaire. Un tel marché est complètement adapté à la logique de la société des individus. Ne reconnaître que la coordination harmonique des liens choisis entre des êtres indépendants,ceci dans le cadre d’un automatisme bénéfique, tel pourrait être son credo. Le fonctionnement économique « capture » l’action historique de deux autres façons : 1) avec la notion de « croissance », la marche du capital en vient à prendre le visage du moteur de l’histoire (soustrait au contrôle des autorités politiques, laissant la place au seul mécanisme automatique du marché (moyennant quelques régulations). 2)La société de la connaissance propose un faisceau de connaissances positives spécialisées qui prétendent se substituer aux spéculations aventureuses concernant la totalité humaine, et ce faisant considère implicitement le complexe juridico-technico-marchand dont elle procède et sur lequel elle travaille comme une fin en lui-même, sur lequel il n’est pas utile de s’interroger (il suffit simplement d’en huiler les rouages). La vision idéale sous-jacente est bien celle d’une société automatique, qui a besoin certes d’une maintenance active, mais qui libère ses membres du souci de son fonctionnement et de sa direction d’ensemble. Cette lecture économiciste du fonctionnement collectif procède en ligne directe du déploiement complet de la structuration autonome
4. COMMENT LA STRUCTURATION AUTONOME DIVISE ET FAIT CRISE. Une réalité en trompe-l’oeil
Le croyable néolibéral
Nous devons sortir de l’illusion rétrospective qui consiste à penser que la globalisation est la conséquence de la dynamique capitaliste. Le capitalisme n’a fait qu’exploiter les nouvelles conditions de la métamorphose structurelle de la société
L’idéologie néolibérale n’est pas spectaculaire et confine au camouflage : elle s’aligne sur la marche objective des choses, modeste et pragmatique, elle épouse au plus près les données de l’expérience collective : abaissement des prétentions du pouvoir, désenchantement de l’histoire, et surtout consécration de la légitimité des acteurs individuels (« cette armée de soldat de leur propre cause »). Le fonctionnement du collectif ne reposerait exclusivement que sur ce qu’y mettent les individus (leur délégation expresse). Toute consistance intrinsèque au-delà de cette source individuelle étant jugée oppressive. L’idéologie néolibérale brouille les clivages traditionnelles droite/gauche au profit d’une autre division : d’un côté les néolibéraux de droite et de gauche qui associent la répudiation du politique au profit de la politique, la répudiation des appartenances au profit des droits individuels, la répudiationde l’histoire au profit de la dynamique économique. Et de l’autre côté, la nébuleuse populiste où nous pouvons retrouver des gens de la gauche sociale et de la droite autoritaire. Le libéralisme est traversé par des contradictions permanentes, devant s’appuyer sur ce qu’il veut supprimer : réalité de la pluralité des Nations, travail immense d’organisation des Etats, et recours aux ressorts sociaux fréquents alors qu’il ne cesse d’appeler les individus à ne compter que sur eux-mêmes.
Les trompe-l’œil de la structuration collective
Pour résumer : la révolution silencieuse des appareils de médiation consiste pour le politique à s’effacer derrière la politique, pour l’histoire, en consacrant la puissance du présent, à rompre la chaîne qui le rattachait au passé et à l’avenir, et pour le droit à projeter les libertés individuelles en pleine lumière, en les dissociant de l’appartenance collective à l’intérieur de laquelle elles se définissaient (disjonction de l’individuel et du collectif). C’est un régime en trompe-l’oeil puisqu’il repose sur la dissociation entre ses règles officielles de fonctionnement et les assises structurelles qui en autorisent le déploiement[3]. D’où l’impression de mensonge ou d’irréalité… Pour mieux comprendre, la crise que nous connaissons ici est l’exacte symétrie de la crise totalitaire : l’omnipotence du politique s’est transformé en évanescence ; la communion forcée des masses autour de son chef s’est transformée en évanouissement de l’évidence du lien qui tient les êtres ensemble, le règne de l’histoire à faire et la prétention de dire et de matérialiser son dernier mot, s’est transformé en piétinement sur place d’un présent sans ancrage dans le passé et sans dessein d’avenir. Autrement dit, « il y a un Scylla de l’impotence comme il y a un Charibde de la toute-puissance ». Pour résumer, nous avions connu une crise placée sous le signe de la dissolution de l’individu au profit du collectif : nous en sommes, avec cette présente crise, à la dissolution du collectif au profit de l’individu. L’individu de droit de l’existence collective se trouve au centre d’une scène dont les prérogatives ne sont plus bornées par l’englobant politique ou l’englobant historique. Cette pente conduit à l’alignement sur cette source de légitimité exclusive que constituent les droits fondamentaux des individus, c’est-à-dire conduit à l’assimilation de la démocratie à « l’Etat de droit ». Mais elle conduit aussi, en parallèle, à l’alignement de l’activité collective sur le modèle de l’automatisme économique.Bien sûr cette pente bute sur les oppositions alimentées par les dégâts qu’elle provoque…
L’indépendance sans l’appartenance ?
→Malgré l’individualisation, la primauté de l’appartenance collective a longtemps été maintenue, à travers les liens familiaux, les solidarités claniques, les disciplines groupales de toute sorte. Certes parfois sous forme de conflits (dans la famille par exemple), mais nous pensions ensemble individualisation et socialisation, l’un n’allant pas sans l’autre. Sous l’effet de la société des individus consacrant l’individu de droit cette articulation devient problématique. Celui-ci vit dans l’illusion d’une indépendance individuelle radicale, acquise en dehors et aux dépens de l’appartenance collective, comme si la société avait disparu… Voilà le paradoxe d’une société qui produit chez ses membres l’absence de besoin de société… Cependant, cette absence de besoin manifeste cache en réalité un besoin indirect plus grand que jamais : celui qui se matérialise dans le gigantesque appareil institutionnel de formation, de protection, de garanties toutes directions, du berceau à la tombe, sans laquelle cette individualisation en droit serait une simple chimère.
→Le grand paradoxe de ce processus est le suivant : lorsqu’un tel principe de déliaison est acquis, n’exister que par soi et pour soi (en toute indépendance et singularité présumées) reconduit rapidement au besoin des autres sous la forme du besoin de compter à leurs propres yeux (les collègues, les supérieurs, son groupe etc.). Ce qu’on peut appeler l’envol du besoin de reconnaissance. Rien de mystérieux ici : lorsque les liens soudaient les êtres et définissaient ce qu’ils étaient les uns par rapport aux autres, la question de la reconnaissance avait beaucoup moins de sens. Les obligations mutuelles occupent la place. A l’inverse (Rosanvallon le montre également dans « Les épreuves de la vie ») dans une société de semblables, le besoin de reconnaissance de soi par l’autre est exacerbé. « L’individualisme de singularité » développe sans doute de façon excessive l’aspiration à « être important aux yeux d’autrui ».
→ Un autre facteur de trouble de ce rapport problématique à l’appartenanceest l’incapacité du droit à rendre compte de la substance des rapports sociaux. L’idéal des liens librement choisis ne résiste pas longtemps au fait que vivre en société, c’est la plupart du temps ne pas choisir les gens avec lesquels on vit ! Par ailleurs, cette aspiration aux liens choisis a son envers : qui dit liens choisis dit également possibilités d’absence de lien et d’insécurité existentielle afférentes…
→ Cette déliaison caractéristique de la société des individus a une autre conséquence : la mise en cause des formes élémentaires de la civilité[4], renvoyées au plan interpersonnel comme une option possible, la priorité étant l’authenticité. Or ces formes témoignent justement de notre appartenance commune, et trouve même la plénitude de son sens avec la rencontre de l’inconnu et de l’anonyme. « La main invisible du marché » ne suffit pas pour réunir les acteurs à partir de leurs intérêts respectifs. Il y faut des compétences, le sens des responsabilités, le souci du bon fonctionnement collectif…etc. Quand le poison de la défiance se répand et que prime le seul calcul d’intérêts, la société se dissout, d’où, également, l’importance sociale des métiers de dévouement ou des démarches personnelles en ce sens, qui placent le bien de tous au-dessus de l’intérêt personnel.
Trouble dans la représentation
Le paradoxe est criant : c’est à l’apogée du principe représentatif, le moment où finit la tutelle du politique sur la société civile, le moment où la révolution moderne est censée ramener le pouvoir sacral au rang d’émanation des citoyens, que la défaillance de la représentation se révèle de façon spectaculaire. Pourquoi cette représentation ressemble à un « théâtre d’ombres » ? Ce pouvoir n’avait en réalité de consistance que par la persistance de son extranéité[5] (comme par exemple durant Les Trente Glorieuses, où le gouvernement était parvenu à en disposer pour en faire le véritable instrument de la communauté des citoyens. La puissance ordonnatrice du politique se dérobe et avec lui les figures de l’avenir. Avec l’autonomie structurelle pleinement décantée, la place du politique, clé de voûte du processus représentatif, qui avait permis jusque-là à la société de s’identifier et de se conduire, s’éclipse et bascule au niveau de l’infrastructure. Sa disparition est donc toute relative puisqu’il continue un travail instituant, on y reviendra). Il perd donc son omnipotence et ne parvient plus à transformer l’expression de chacune des parties (qui maintenant occupent toute la place) en une figure du tout consistante.Renforcé par l’individualisation en droit, l’expression politique de la société – dans sa bigarrure de revendications et en l’absence du point de vue du tout – semble tomber dans le vide, de compter pour rien (n’est-ce pas exactement ce que nous ressentons aujourd’hui avec une acuité maximum ?). On attend certes de la représentation qu’elle exprime les opinions des représentés, leurs doléances aussi, mais plus en profondeur que les représentants représentent le politique, c’est-à-dire cette puissance d’intégration et de décision qui fait exister le tout social et qui maîtrise son destin. La déliaison que manifeste la représentation -à travers en particulier une sorte de cacophonie - a vidé la scène politique de la consistance que lui donnait cette priorité du point de vue de l’ensemble. Certes, même cachée la puissance du politique (à travers l’Etat et son infrastructure en particulier) est réelle, garante de la cohérence de l’ensemble, mais elle demeure virtuelle, et l’environnement culturel néolibéral nous pousse à ignorer ce pouvoir. Quant à l’opposition, elle ne peut que dénoncer la faiblesse, l’impotence, la démission de son personnel politique. Si en démocratie nous ne parvenons pas à choisir des personnalités susceptibles de prêter figure à la puissance du politique à travers laquelle les acteurs peuvent accéder à une représentation de l’histoire qu’ils font, alors on assiste à un théâtre d’ombres de peu d’intérêt.
Pouvoir d’histoire et identité
→ Nous l’avons dit, le cadre néolibéral capte l’expérience historique sous la forme d’un activisme économique au fonctionnement automatique, nourrissant ainsi le sentiment de dépossession, même si cela peut également avoir un effet anesthésiant, et que nous pouvons aussi nous sentir alléger d’un tel fardeau ! Il renvoie ainsi l’acteur à ses petites affaires personnelles, le processus d’ensemble étant soustrait à sa prise, comme si nous devions renoncer ainsi à l’intelligence du monde.
→ Le cours du monde donne l’image d’une histoire universelle qui s’étend sur toute la planète. Cette mondialisation est bien le fruit de la désimpérialisation du globe et de la généralisation concomitante des Etas nations. C’est sur cette base politique que s’est effectué la relance du capitalisme à l’échelle globale, accréditant du même mouvement l’extraction des marchés des cadres nationaux. On oublie souvent que ce sont les nations qui l’ont rendu possible. « La logique de la mondialisation renforce en profondeur la nécessité des nations qu’elle conteste en surface ».Cela signifie que pour MG, contrairement au discours faussement intuitif qui oppose mondialisation et nation, Le complexe juridico-technico-marchand poursuit une finalité partagée, mais il n’en est pas moins le fait de communautés particulières.
Avec l’extraction globale des marchés, l’économie ne peut plus être encadrée par la souveraineté des peuples contre les débordements d’un système fonctionnant pour son propre compte, d’où un sentiment de dépossession plus ou moins consenti. Ce renoncement est aussi d’un autre ordre, culturel et historique, plus difficile à cerner…
→ La résistance à une telle dépossession démocratique sur le plan culturel et historique se traduit par l’usage qui est fait du concept d’identité. La décantation de la structuration autonome conduisant à une détraditionalisation radicale, nous incline à refuser l’ancrage national et les particularismes locaux au nom de « l’ouverture globale », selon le slogan néolibéral. Mais la résistance n’en est que plus forte, ainsi que le besoin de fabriquer de la permanence, autrement dit de l’identité à soi. Cette tendance a souvent l’inconvénient d’évoquer une « fixité substantielle » incompatible avec la façon dont on peut penser l’identité aujourd’hui.Mais chaque communauté politique a besoin d’effectuer ce travail face à l’extraversion de la vie collective (mondialisation), pour permettre l’accueil du changement et l’ouverture à l’universel dans de bonnes conditions. On dépasse d’autant mieux une particularité qu’on l’assume vraiment…
→ Malgré l’homogénéité proclamée de la mondialisation (idéal d’entités égales qui interagissent librement), il y a un grand décalage entre « the West and the rest »… Fatal retard des « entrants » dans une modernité qu’ils ont souvent vécus du côté peu sympathique des colonisés. De plus, dans un cadre intellectuel qui ne connaît plus que le présent, ces inégalités sont non seulement injustifiables, mais aussi incompréhensives. Cette question interpelle jusque sur son sol la conscience occidentale par le truchement des populations immigrées.Du point de vue de l’universel du droit qui est celui désormais de la conscience globale, la percé exceptionnelle qu’a représenté le surgissement de la modernité occidentale (y compris d’ailleurs le surgissement de l’universel du droit !) apparaît aujourd’hui comme impensable et inassumable… D’où « une culpabilité de bon aloi » dans la sphère officielle, mais pour la majorité des citoyens, l’accusation de bénéficier d’un privilège indu est repoussée sans complexe… La réaction populaire est celle d’une revendication identitaire plus ou moins agressive, et qui tient lieu de réponse ! Nos sociétés aussi sont devant l’incertitude béante de cette marche à l’aveugle, et la sécurité d’un abri national menacé… Là encore la prise en charge de la souveraineté politique (qui passe également par le réarmement de la conscience historique) doit interpeller le front de l’extraversion des communautés politiques (leur ouverture au global), non pas en vue de la fermeture, mais pour leur permettre de mieux se situer vis-à-vis du dehors, en y ajoutant la préoccupation du bien et du mieux global (notamment écologique).
C’est la révolution du droit qui provoque l’effacement complet du politique et la montée en puissance de la dynamique individualiste. Auparavant, la consistance du politique tenait à l’ordre hétéronome encore présent, par le biais d’un compromis avec le droit. Quels effets de cette révolution du droit ?
Les limites du droit
→ Comment peut-on s’attaquer à une notion de droit si « sympathique » ? Elle ne fait que représenter la conquête inaugurale de la substitution du règne des lois au commandement des hommes et au règne de l’arbitraire … MG fait plutôt le procès de cette référence permanente à l’Etat de droit, formule censée porter l’autocélébration du progrès démocratique, et que l’Europe officielle en particulier brandit sans arrêt. Elle est selon lui « le laboratoire de la dépolitisation néolibérale », et réduirait le champ de la souveraineté nationale sans la reconstituerau niveau de l’Union comme puissance de se définir et de se choisir.
→ Le droit n’est pas le dernier mot du politique (ou le politique n’est pas soluble dans le droit).C’est le célèbre juriste Hans Kersen qui semble être l’auteur de ce concept après la guerre, solidaire de celui de « hiérarchie des normes ». Le but est d’affirmer la supériorité de la norme constitutionnelle sur les lois ordinaires. C’est la rencontre de ce qui n’était qu’une consolidation constitutionnelle (entièrement légitime) avec l’introduction des droits fondamentaux de l’individu (traduction des abstraits droits de l’homme) qui va provoquer selon MG des « effets en cascade ». L’usage systématique qui est fait de l’Etat de droit, c’est-à-dire au fond la défense inconditionnelle des droits individuels conduit à s’opposer à la défense de l’intérêt collectif. Il va pourtant de soi qu’il faille, comme le dit Montesquieu, que le pouvoir arrête le pouvoir (ou comme le dit très bien Frédéric Worms, protéger le peuple contre lui-même), le pouvoir du peuple s’autolimitant à travers l’Etat de droit. Mais MG pense que cette nécessaire démocratie de contrôle est devenueune démocratie d’empêchement, à cause d’une rupture d’équilibre entre le droit et le politique. (tel que celui trouvé au moment de la stabilisation de la démocratie en 45/75). le droit et le politique sont inséparables, et la finalité du droit n’existe pas sans l’effectuation du politique, mais il s’agit de trouver le bon équilibre, la bonne articulation, qui permette une coexistence harmonieuse. Le droit n’est pas le dernier mot du politique, ou inversement le politique n’est pas soluble dans le droit.
→ Historiquement, c’est l’état de la structuration collective qui explique la prépondérance de l’un ou de l’autre. L’effacement progressif de l’hétéronomie, avec l’autorité collective prévalente qui va avec, libère l’accès du refoulé à la prépondérance. C’est le présent Etat de droit. Mais paradoxalement le règne des droits individuels active souterrainement l’appel contestataire à la conversion de ses droits en souveraineté populaire. D’où une crise à double détente : 1) crise de « la démocratie extrême » (Dominique Schnapper) au sens de Montesquieu où l’extension des droits individuels dans tous les domaines produit l’affaiblissement des mécanismes collectifs, jusqu’à la menace d’une démocratie paralysée, vidée de son peuple et de son pouvoir : 2) crise sous la forme d’une contradiction entre cette version dominante du fonctionnement démocratique, et sa version dominée qui peine à trouver son langage, mais qui bénéficie d’un ancrage suffisamment fort pour troubler la scène, voire accélérer sa décomposition. Nous pouvons reconnaître ici la frustration populiste qui hante la vie publique sous différents visages.
En conclusion : L’hétéronomie disparue, les communautés humaines possèdent en principe les instruments de leur pleine disposition d’elles-mêmes. Les voilà devenues pour de bon potentiellement autonomes. Mais il y a deux versions opposées de ce en quoi consiste le régime de l’autonomie : le premier donne la garantie de l’exercice le plus large possible des droits personnels, mais sur fond d’automatisation de l’existence collective ; le second lui assigne comme priorité la capacité la plus étendue et la plus éclairée possible de décider en commun et d’agir collectivement sur soi. Cette contradiction est au cœur de notre présente crise démocratique. Il faut noter que nous ne savons pas quelle option sera choisie dans l’avenir… La frustration profonde que suscite la première est un facteur qui joue en faveur de la seconde. Mais peut-être aussi que délivrée de tous les carcans autoritaires d’hier, elle répond positivement aux tendances libertaires d’individus enivrés de la nouveauté de leurs droits… Par ailleurs, le suspens peut durer indéfiniment entre colères impuissantes et désertion en masse de la scène politique, De plus, elle bénéficie aussi de l’onction des intérêts capitalistes. Mais peut-être aussi, comme avec la stabilisation démocratique de l’après 45 en France, la démocratie réussira à se frayer un chemin entre les insuffisances libérales et les fausses solutions totalitaires. Quoiqu’il en soit, il faut rompre avec l’unilatéralisme : « pas le pouvoir tout seul, ni la société toute seule ; pas d’appartenance sociale toute seule, ni indépendance personnelle toute seule ; pas le massif du passé d’un côté, et l’invention du futur de l’autre. »
Daniel Mercier, 11/06/2025
[1] Il faut comprendre que cette fonction instituante du politique est également bien présente dans le contexte des Etats nation et de la mondialisation (d’ailleurs mondialisation et création des Etats nation dans le monde sont des phénomènes connexes). Cela signifie que contrairement à l’idée faussement intuitive que le politique a été attaqué du dehors par la dynamique capitaliste qui se développe au-delà des cadres nationaux, ce sont bien les Etats-nation qui instaure les conditions de possibilité du marché national comme international, garantissant aux acteurs un espace sût, accessible, prévisible etc. toute chose qui requiert une formidable infrastructure tant matérielle que juridique. Autrement dit c’est toujours le politique, même si sa médiation s’est horizontalisée pour devenir purement fonctionnelle, qui est l’artisan de la métamorphose de ces nouvelles données de l’être-ensemble (la globalisation)
[2] Nous ne ferons que les évoquer ici puisqu’ils seront repris dans la partie 3
[3] Concrètement, cela signifie que la représentation qu’il donne à voir de lui-même est mensongère, car en réalité cette société qui semble tenir toute seule est étroitement dépendante de conditions de possibilités sous-jacentes qui n’apparaissent pas.
[4]« Formes préréglées de coexistence avec autrui »
[5] C’est-à-dire son extériorité, sa dimension surplombante